Sofien Ayari
Sofien Ayari © Jonathan De Cesare

Procès attentats de Bruxelles: Sofien Ayari déclare »ne pas se sentir impliqué dans les attentats à Paris et à Bruxelles »

Sofien Ayari a déclaré, lors de ses auditions dans les dossiers des attentats à Paris et de la fusillade de la rue du Dries à Forest, ne pas se sentir impliqué dans les attentats à Paris et à Bruxelles et que « commettre des choses en Europe, ce n’était pas son truc », ont expliqué mercredi les enquêteurs lors de la présentation de l’accusé devant la cour d’assises chargée de juger les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles. Concernant le dossier des attaques dans la capitale belge, ce Tunisien a systématiquement fait valoir son droit au silence.

Les enquêteurs et juges d’instruction termineront ce mercredi leur présentation de l’enquête avec les trois derniers portraits encore à dresser : ceux de Sofien Ayari, de Salah Abdeslam et d’Oussama Atar.

   Tout comme Mohamed Abrini la semaine passée, Salah Abdeslam a choisi de ne pas assister à l’exposé le concernant. Depuis plusieurs semaines, cet accusé retourne systématiquement en cellulaire au début de l’audience, cela afin de protester contre les conditions de transfert des accusés détenus depuis la prison de Haren au Justitia, où a lieu le procès. Ces derniers dénoncent les fouilles à nu avec génuflexion auxquels ils sont soumis chaque jour.

   Mohamed Abrini et Osama Krayem ont également souhaité retourner en cellule. Restent donc dans le box des accusés Sofien Ayari, dont le portrait sera dressé ce mercredi matin, Ali El Haddad Asufi, Bilal El Makhoukhi et Hervé Bayingana Muhirwa.

La défense dénonce des questions « légèrement tendancieuses »

La défense a souhaité dénoncer des questions parfois « légèrement tendancieuses » de la cour. « La cour (c’est-à-dire la présidente et ses deux assesseurs, NDLR) doit aussi se montrer impartiale dans ses questions », a ainsi souligné Xavier Carrette, l’avocat d’Ibrahim Farisi.

Depuis le début du témoignage des enquêteurs, le 21 décembre, la présidente de la cour se montre très attentive à la manière dont les jurés leur posent des questions. Cela afin d’éviter toute demande de récusation à l’encontre de l’un d’entre eux.

   « Je rappelle qu’au-delà du jury, il y a également la cour. Elle ne vote pas au délibéré (sur la culpabilité des accusés) mais elle y participe. La cour doit donc aussi se montrer impartiale dans ses questions », a insisté Xavier Carrette, qui avait déjà souhaité prendre la parole mardi, sans succès.

   L’avocat a précisé ne pas s’adresser à la présidente elle-même, mais a déclaré que certains juges étaient quelque peu « fougueux » dans leurs demandes. « Certaines questions sont légèrement tendancieuses », a-t-il déploré.

   Me Carrette a également demandé pourquoi les enquêteurs n’ont pas clarifié certains éléments plus rapidement au cours de l’audience. Il faisait référence à une question d’un juré suppléant mardi. Celui-ci voulait savoir pourquoi les enquêteurs n’avaient pas interrogé Smail Farisi sur le port, durant quelques minutes, d’un gant par son frère Ibrahim le jour où ce dernier a vidé l’appartement « conspiratif » de l’avenue des Casernes à Etterbeek. « Smail Farisi n’était pas là, donc il ne pouvait tout simplement pas savoir », a pointé l’avocat. « Certaines choses peuvent être précisées sans que nous voulions nécessairement intervenir », a-t-il conclu.

   À leur grand regret, les avocats des neuf accusés présents devant la cour « rongent leur frein » depuis le 21 décembre et le début de l’exposé des enquêteurs et des juges d’instruction. Celui-ci doit se terminer ce mercredi après-midi. La défense pourra alors enfin poser des questions aux nombreux témoins qui se sont succédé depuis lors.

Les enquêteurs dressent le profil d’Ayari

   Ceux-ci ont d’ailleurs entamé les présentations du jour avec le portrait de Sofien Ayari. La juge d’instruction Berta Bernardo Mendez a expliqué en préambule que l’accusé était intervenu assez tard dans le dossier des attentats à Bruxelles. Ce n’est en effet qu’en mai 2018 et sur réquisition du parquet fédéral que l’enquête se penchera sur son cas. « Sofien Ayari et Salah Abdeslam étant détenus au moment des attaques, leur implication immédiate éventuelle n’était donc pas évidente », a justifié la juge d’instruction.

   Sofien Ayari a été arrêté, aux côtés de Salah Abdeslam, le 18 mars 2016 à Molenbeek-Saint-Jean. Trois jours plus tôt, les deux accusés avaient fui de l’appartement de la rue du Dries à la suite d’une perquisition qui débouchera sur une fusillade entrainant la mort de Mohamed Belkaid.

Né à Tunis en 1993, celui qui porte la kounia (nom de guerre, NDLR) d’Abou Hamza et, selon Osama Krayem, d’Abou Ahmed, part pour la Turquie fin 2014 en faisant croire à sa famille qu’il compte y monter un commerce. Sa véritable intention est en fait de passer en Syrie où il veut combattre le régime. Il y restera peu de temps avant d’entreprendre un voyage vers l’Europe via une route migratoire très empruntée.

   Les enquêteurs notent que, depuis leur rencontre en Syrie ou sur la route du retour (selon les déclarations fluctuantes d’Osama Krayem), le parcours en Europe de Sofien Ayari est intrinsèquement lié à celui du Suédois. « Je suis resté avec lui, sauf à Jette, jusqu’à Forest », a d’ailleurs déclaré ce dernier.

   Si Sofien Ayari n’a vraisemblablement pas participé à la fabrication des bombes utilisées pour les attentats à Bruxelles, son arrestation en compagnie de Salah Abdeslam a néanmoins fortement perturbé le fonctionnement de la cellule bruxelloise, qui a dû travailler dans l’urgence. Il est d’ailleurs probable que cet événement ait poussé les kamikazes à finalement attaquer la capitale belge.

   Sofien Ayari ayant fait usage de son droit au silence dans le cadre du dossier des attentats à Bruxelles, les enquêteurs ont été contraints de se référer uniquement aux quelques déclarations de l’accusé dans les dossiers des attentats de Paris et de la fusillade de la rue du Dries à Forest, pour lesquels il a respectivement été condamné à 30 et 20 ans de réclusion criminelle.

   Lors de ces interrogatoires, le Tunisien a notamment affirmé ne pas se sentir impliqué dans les attentats à Paris et à Bruxelles et que « commettre des choses en Europe, ce n’était pas son truc ». Interrogé sur son rapport à la religion, l’accusé a affirmé ne pas être radical mais ne pas aimer les injustices. L’audition de ses parents dévoile toutefois que ces derniers ont constaté des changements dans le comportement de leur fils à partir de 2013 : il commence à prier assidument, arrête de fréquenter les cafés, porte des vêtements traditionnels et se laisse pousser la barbe, ce qui est « suspect en Tunisie », selon Berta Bernardo Mendez.

   Alors que les enquêteurs débutaient la présentation suivante, dédiée à Salah Abdeslam, la présidente de la cour a suspendu l’audience pour permettre a une jurée, qui se sentait vraisemblablement mal, de sortir de la salle. Afin de permettre à cette dernière de prendre le temps de se remettre, Laurence Massart a choisi d’en profiter pour observer la pause de midi.

   L’après-midi devrait donc être consacrée à la fin de l’exposé sur Salah Abdeslam, suivi des questions aux pompiers. La présidente de la cour a en effet demandé aux parties d’interroger les intéressés avant l’ultime présentation, sur l’accusé Oussama Atar, afin qu’ils puissent retourner chez eux ensuite. « Ils sont dans un état émotionnel très difficile », a justifié Laurence Massart.

Contenu partenaire