Pierre Grivegnée et Michaël Schmetz, les deux inculpés du dossier Cristal Park, ici lors d’une course automobile en avril 2013 à Zolder. © DR

Affaire Cristal Park à Seraing: une nouvelle inculpation

David Leloup
David Leloup Journaliste

Un proche collaborateur de Pierre Grivegnée, Michaël Schmetz, a été inculpé pour faux, usage de faux et abus de confiance dans le dossier Cristal Park. Les deux hommes partagent la même passion pour le sport automobile. Et les projets immobiliers qui n’aboutissent pas.

Et de deux. Après Pierre Grivegnée, inculpé en octobre dernier pour abus de bien sociaux dans l’affaire Cristal Park, c’est au tour d’un de ses proches collaborateurs, Michaël Schmetz, d’être inculpé. Cette fois pour faux, usage de faux et abus de confiance (détournement). Une information confirmée au Vif et à la RTBF par Catherine Collignon, substitute du procureur du roi et porte-parole du parquet de Liège, ainsi que par Me Pascal Lambert, l’avocat de Michaël Schmetz.

Michaël Schmetz, 46 ans, est suspecté par la justice principautaire d’avoir été le coauteur de différents actes perpétrés par Pierre Grivegnée. Les deux hommes auraient notamment rédigé, au printemps 2022, peu après que l’affaire Cristal Park ait éclaté dans la presse, des conventions antidatées entre sociétés luxembourgeoises et belges. Objectif : tenter de justifier, a posteriori, les montants de factures de consultance envoyées ces dernières années depuis le Grand-Duché, par des sociétés de Schmetz et Grivegnée, dans le cadre du développement du Cristal Park.

Michaël Schmetz s’en défend : « Je n’ai pas rédigé de convention a posteriori. C’est Pierre Grivegnée qui a recréé ces conventions car il ne retrouvait pas les écrits originaux. Tout ce qui figure dans ces conventions réécrites n’est ni plus ni moins que la réalité des prestations effectuées. »

Interrogé deux fois

L’inculpation de Michaël Schmetz remonte à fin décembre. Il a depuis été interrogé par le juge d’instruction financier Philippe Richard, puis une seconde fois par les enquêteurs de la police judiciaire fédérale de Liège. Il clame son innocence haut et fort, déclare collaborer pleinement avec la justice, et affirme que son ancien partenaire en affaires Pierre Grivegnée a abusé de sa confiance.

Pour rappel, le Cristal Park est ce projet de reconversion raté du site des anciennes cristalleries du Val Saint-Lambert à Seraing. Ce mégaprojet immobilier, qui remonte à 2002, prévoyait la création d’un village commercial, d’un pôle de loisirs, de lotissements résidentiels, de bureaux, d’un hôtel quatre étoiles et d’une centrale énergétique. Il a englouti plus de 40 millions d’euros d’argent essentiellement public, sans qu’un seul nouveau bâtiment ne sorte de terre. Mille emplois devaient être créés. Vingt ans plus tard, il n’y en a pas un seul et le projet a capoté suite à la faillite des sociétés qui le portaient…

Près d’un million d’euros de fausses factures

Pierre Grivegnée, la cheville ouvrière du Cristal Park, était adoubé à l’époque par les autorités politiques sérésiennes, provinciales et wallonnes. Il est aujourd’hui en aveux d’avoir réalisé des fausses factures, dévoilées par Le Vif et la RTBF en juillet dernier, pour près d’un million d’euros. Un montant qu’Immoval, la société privée à capitaux publics qui développait le Cristal Park, a payé à Speci, la société de promotion immobilière de Pierre Grivegnée et de l’homme d’affaires Guido Eckelmans. Speci était la société faîtière du Cristal Park : elle contrôlait Valinvest, laquelle contrôlait Immoval.

Suite à ces révélations, la Ville de Seraing a déposé plainte au pénal et s’est constituée partie civile. Une instruction judiciaire a été ouverte en août. Pierre Grivegnée a été arrêté en octobre. Il a passé un mois en prison préventive, puis est resté détenu à domicile sous bracelet électronique. Il a été libéré en février dernier, sous conditions, notamment avec l’interdiction de quitter le territoire. Curieusement, Pierre Grivegnée n’a toujours pas été inculpé pour faux et usage de faux par le juge d’instruction.

Copilotes dans l’équipe Aston Martin

Diplômé en administration des affaires, actif dans l’immobilier commercial, Michaël Schmetz est un ancien pilote de course automobile de l’équipe Aston Martin Brussels. Schmetz et Grivegnée faisaient d’ailleurs partie de la même équipe, en septembre 2014, quand l’Aston Martin Vantage GT3 pilotée par Grivegnée a quitté la piste et heurté violemment le mur intérieur du circuit de Spa-Francorchamps. Pierre Grivegnée a été grièvement blessé, sa voiture déclassée, et cet accident malheureux a mis fin à sa carrière de pilote amateur.

Outre leur passion commune pour le sport automobile, les deux hommes ont créé ensemble la société United By en 2014 au Luxembourg (Grivegnée: 75%, Schmetz: 25%). United By avait pour vocation initiale d’implanter un magasin de sport, fournissant des conseils personnalisés à sa clientèle, dans la gare maritime de Tours & Taxis à Bruxelles. Un projet qui ne s’est pas concrétisé. United By a ensuite voulu construire « Pole Village », un village de vacances sportives (golf, VTT, ski synthétique…) sur un terrain de 127 hectares jouxtant le circuit de Spa-Francorchamps. Autre projet qui n’a pas abouti.

Huit ans de consultance pour Cristal Park

United By, pour le compte d’un fonds d’investissement helvète, ambitionnait également d’édifier cinq immeubles à appartements ainsi qu’un centre thermal à Crans Montana, en Suisse. Un projet qui a, lui aussi, avorté. Mais les deux hommes sont surtout liés par le projet Cristal Park, pour lequel Michaël Schmetz a été consultant pendant huit ans. Il avait la charge de développer le pôle « loisirs », « le seul pôle du projet pour lequel il y avait un permis », souligne-t-il. Michaël Schmetz est également devenu administrateur d’Immoval fin 2019 via sa société luxembourgeoise Quadrature7, qu’il dirige depuis 2012.

Les enquêteurs suspectent que des fonds dévolus au Cristal Park auraient été détournés au Luxembourg via des surfacturations, ce que conteste formellement Michaël Schmetz. Les services de consultance qu’il a facturés, affirme-t-il, se situent en-dessous des prix du marché pour de tels conseils. Quoiqu’il en soit, il incombe désormais à la justice de démêler l’écheveau des factures émises par les luxembourgeoises Quadrature7 et United By envers les trois sociétés belges contrôlant le projet Cristal Park (Immoval, Valinvest et Speci).

Plus-value réalisée en Italie

Des documents indiquent que Quadrature7 a facturé plus de 40.000 euros à Immoval entre novembre 2012 et mars 2014. On sait aussi qu’United By a facturé plus de 400.000 euros à Speci, la société de Pierre Grivegnée et Guido Eckelmans. Michaël Schmetz nuance : « 290.420 euros de ces 400.000 euros étaient des factures que Pierre Grivegnée a établies pour facturer son propre project management. Je ne suis pas concerné par celles-ci. » Enfin, Valinvest, en faillite, a une dette de 60.000 euros envers Quadrature7 et de 70.000 euros envers United By. Plusieurs centaines de milliers d’euros ont donc transité entre la Belgique et le Luxembourg au cours des dix dernières années.

United By a par ailleurs servi de véhicule d’investissement pour cinq investisseurs belges – dont Michaël Schmetz à titre privé – réunis par Pierre Grivegnée. Leur société luxembourgeoise a investi 1,5 million d’euros dans un projet d’écovillage en Italie (Eco Borgo Di Toppo) dont Pierre Grivegnée était la cheville ouvrière. Ce projet a été revendu en juin 2022 par les investisseurs belges à leur partenaire italien, le groupe Boscolo. Une vente réalisée avec une plus-value tout à fait correcte vu l’absence de permis d’urbanisme, précise Michaël Schmetz. Pierre Grivegnée, lui, n’a pas investi de capital dans ce projet.

David Leloup, avec François Braibant (RTBF)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire