Pascal De Sutter

Encore diminuer le salaire des patrons du secteur public?

Pascal De Sutter Psychologue politique à l'UCL

Stefaan De Clerck est devenu le symbole de cette classe (minoritaire) d’hommes politiques et de patrons du public qui touchent des primes et salaires mirobolants. Il n’est pas le seul.

Le plus étonnant, c’est qu’ils semblent ne pas comprendre pourquoi leur salaire ou leur parachute soulèvent l’indignation. Ils tergiversent… Comme le patron de bpost qui se dit « prêt à faire un effort » pour diminuer son salaire (actuellement de plus d’un million d’euros par an). Mais pas au point de ne toucher « que » les 290 000 euros brut/an que voudrait imposer le gouvernement. Il ne va quand même pas se lever le matin pour seulement 1 000 euros par jour !

En tenant de tels propos, je sais que l’on me traitera de communiste, de crypto-marxiste, de poujadiste, d’anarchiste voire – insulte suprême – de populiste. Car la pensée correcte prétend que le salaire de ces grands patrons est justifié. Peut-être dans le secteur privé ? Si une entreprise fait de gros bénéfices (et paie décemment ses propres ouvriers), on peut comprendre que son patron encaisse lui-même un salaire faramineux. Mais avec l’argent public en temps de crise et de restrictions budgétaires ? Prenons l’exemple de la SNCB. Peut-on sérieusement affirmer que les chemins de fer belges sont une entreprise florissante ? Croulent-ils sous des montagnes de bénéfices ? Les usagers sont-ils satisfaits ? Et pourtant, les grands patrons de la SNCB (1) gagnent plus de 400 000 euros par an. En comptant les bonus. Oui, vous ne rêvez pas, ils touchent aussi des bonus !

Qu’est-ce qui justifie qu’un fonctionnaire gagne 10 ou 20 fois plus qu’un autre ? Travaille-t-il dix fois plus ? Les journées n’ayant que 24 heures, cela m’étonnerait. A-t-il dix fois plus de responsabilités ? Même pas. Une infirmière qui a chaque jour des dizaines de vies humaines entre ses mains ne gagne pas bien lourd. Je trouverais normal que les pompiers, les policiers et tous ceux qui occupent des fonctions pénibles et dangereuses touchent de gros salaires. Dans un tel monde, les éboueurs qui ramassent les ordures au petit matin sous la pluie froide seraient mieux payés que les directeurs qui discutent affaires en dégustant des repas fins. Est-ce pour autant que plus personne de compétent ne voudrait devenir directeur ou grand patron du public ?

Un doyen d’une faculté universitaire (qui possède de hauts diplômes et exerce une fonction élevée très exigeante) touche le même petit salaire qu’un professeur régulier (2). Et pourtant, beaucoup sont très compétents et gèrent efficacement les deniers publics. Leur motivation n’est pas l’argent. Arrêtons de proclamer qu’il faut donner des salaires ahurissants à quelques privilégiés pour qu’ils travaillent correctement. Il semblerait même que, psychologiquement, c’est le contraire qui se produise. Un salaire trop élevé déconnecte de la réalité et pousse à la désinvolture.

Soulignons les efforts des personnalités politiques qui ont soutenu le gouvernement pour plafonner les salaires du public à 290 000 euros brut par an. Cependant, cela me semble encore beaucoup trop. Les patrons qui veulent gagner un tas de pognon pourront toujours aller dans le privé. Et ceux qui ont d’autres motivations que l’argent choisiront le public. Je suis persuadé que la fonction publique s’en portera mieux. Cela motivera l’ensemble des fonctionnaires de savoir que monter dans la hiérarchie signifie autre chose que « se faire plus de fric ». Mais rien ne vous oblige à penser comme moi…

(1) Y compris SNCB-Holding et Infrabel.

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