Joyce Azar

« Dans les grandes villes flamandes, 85% des rues arborent le patronyme d’un homme »

Joyce Azar Journaliste VRT-Flandreinfo et co-fondatrice de DaarDaar

Avez-vous déjà habité une rue qui porte le nom d’une femme ? Posez-vous la question, et sondez donc votre entourage : la réponse ne sera que rarement positive.

Dans les grandes villes du nord du pays, environ 85 % des rues qui se réfèrent à une personnalité arborent le patronyme d’un homme. Dans les plus petites communes, les femmes sont encore moins bien représentées, et celles qui ont ce privilège sont souvent d’anciennes reines, ou de saintes patronnes. Face à ce constat confondant, la présentatrice de la VRT, Sofie Lemaire, a décidé d’enclencher une vague de rattrapage. Sa campagne #Meervrouwenopstraat (plus de femmes dans la rue), lancée dans le cadre d’un nouveau programme télé, a un objectif clair : honorer les femmes qui, quel que soit le domaine, ont marqué notre histoire, et leur offrir enfin la place qu’elles méritent.

La question peut sembler anecdotique. Après tout, qu’est-ce qu’un nom de rue ? Mais à y regarder de plus près, les plaques bleues placées sur nos façades nous lancent un signal clair : notre espace public est aujourd’hui majoritairement dominé par les hommes. Les stèles et autres statues, ainsi que les noms attribués aux places, aux bâtiments institutionnels et culturels, aux parcs ou aux ponts, le confirment. A travers le choix de ces patronymes, notre société désigne le genre de personnalité qu’elle valorise et honore, et les héros qui constituent un exemple à suivre. Comme le souligne Sofie Lemaire,  » de façon implicite, on reçoit au quotidien le message selon lequel l’homme a tout simplement plus de valeur « .

Les citoyens sont appelés à plonger dans le passé pour sortir des candidates de l’ombre.

La volonté d’offrir à certaines femmes le privilège d’avoir une rue à leur nom s’intègre à un mouvement actuel plus vaste qui tente d’accorder davantage de visibilité à la gent féminine. Malgré les efforts, les problèmes de représentativité demeurent criants, que ce soit au sein du monde académique, sur les plateaux télés, en politique, ou dans les pages  » de référence  » de l’encyclopédie en ligne Wikipedia ( Le Vif/L’Express du 24 janvier dernier). Difficile, toutefois, de changer le nom des rues pour une question d’égalité des genres. De nouvelles opportunités doivent se présenter, par exemple, la naissance de jeunes quartiers. La récente fusion de quinze communes flamandes offre aussi des ouvertures, puisqu’elle implique de rebaptiser pas moins de 200 rues pour éviter des doublons.

De toute évidence, un rééquilibre entre hommes et femmes sur nos cartes détaillées prendra du temps. Mais l’appel lancé par la présentatrice de la VRT commence déjà à porter ses fruits. Huit grandes villes, dont Bruxelles, Gand, Anvers et Ostende, ont accepté le défi. De nombreux autres bourgmestres se sont à leur tour sentis interpellés et cherchent désormais activement les femmes exceptionnelles qui ont un lien avec leur commune. Les citoyens sont appelés à plonger dans le passé pour sortir des candidates de l’ombre. Durant un an, l’équipe de Sofie Lemaire se chargera de compléter les recherches et de dresser une  » galerie d’honneur « . Si les noms proposés ne baptiseront sans doute pas tous une rue, ils auront peut-être un jour une place dans nos livres d’histoire, où la présence des femmes demeure encore trop souvent limitée.

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