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Coronavirus : « il va encore falloir patienter pour retourner à une vie normale »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Le confinement a pris place en Belgique mi-mars. Un mois plus tard, un groupe d’experts a été formé pour réfléchir à la stratégie de déconfinement. Une étape qui trotte déjà dans la tête des citoyens. Comment va se passer le retour au travail, dans les transports… et avec quels risques ? Éléments de réponses avec David Alsteens, professeur au Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology de l’UCLouvain.

Si le confinement risque d’être prolongé, les travailleurs réfléchissent déjà au retour à leur train-train quotidien. Mais le retour à la vie « normale » n’est pas pour tout de suite. Difficile aujourd’hui d’imaginer se retrouver dans un bus bondé ou dans un open space. « Il faudra prendre des mesures pour limiter le nombre de personnes dans des espaces confinés. C’est du bon sens », nous confirme David Alsteens (UCLouvain).

Conscientisation et bon sens individuels

On le sait, le déconfinement sera progressif. Mais comme les mesures de confinement, il reposera également sur l’honnêteté et la bonne volonté de chacun. « En période de déconfinement, il va falloir faire preuve de vigilance, tous les jours. Il faudra que toutes les personnes qui ont des symptômes ou qui ont eu des contacts avec ceux qui en ont ne soient pas remises dans le milieu du travail directement. »

On peut imaginer le stress que vont susciter les transports en commun, par exemple, espace confiné par excellence, rempli d’inconnus et à la promiscuité parfois gênante. Le port du masque, envisagé par les pays voisins et qui devrait également s’imposer chez nous, va-t-il suffire à nous protéger ? « Le port du masque sera une barrière en plus. Mais il faudra surtout faire attention aux personnes potentiellement contagieuses. On entend ces derniers jours que la Belgique envisage un tracé comme en Corée du Sud, où toutes les personnes qui ont été en contact avec une personne malade sont confinées à domicile pendant un certain temps. » Une option qui a du sens, selon lui, car certaines personnes sont contagieuses avant l’apparition des symptômes les plus importants, tandis que d’autres sont tout à fait asymptomatiques. Des risques qui, dans cette optique, seront toujours un peu présents : « Il faudra passer par une conscientisation des personnes pour essayer de les limiter au maximum. »

La climatisation et les open-spaces, un risque de plus ?

Le retour au travail ne se fera pas avant plusieurs semaines. D’ici là, l’été sera presque là et les airs conditionnés tourneront à plein régime. Un risque supplémentaire ? « À partir du moment où il y a des mouvements d’air qui sont dirigés et que le virus reste dans l’air pendant un certain laps de temps, cela pourrait être le cas. Mais cela dépend d’un système à l’autre : si les circuits sont longs, s’il y a des filtres… Cela dépend aussi de la qualité de ces filtres. S’ils sont vieux ou de mauvaise qualité, cela peut devenir un problème », explique Alsteens. Mais jusqu’ici, rien ne prouve que la climatisation favorise la propagation du virus, et donc l’infection.

Coronavirus :
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Il faut néanmoins être prudents vis-à-vis des mouvements d’air, surtout lorsque celui-ci est partagé. « Les mouvements d’air dans une pièce sont multidirectionnels. Quand il y a des flux d’air, qu’il y a une ventilation, des mouvements d’air forcés – ce qui est le cas même sans air conditionné -, il y a toujours une incertitude : quand quelqu’un tousse, il va émettre de grosses particules avec plus de virus dans ses postillons et ses expectorations. On peut aussi craindre que ces particules s’associent à des particules fines et puissent donc voyager davantage. Mais c’est encore indéterminé à ce stade. »

Comment les entreprises peuvent-elles, dans l’incertitude, protéger leurs travailleurs ? Pour David Alsteens, un recours prolongé au télétravail peut être une solution : « Une approche rationnelle serait de retourner au travail en permettant de continuer à faire du télétravail quand c’est possible et quand ça ne perturbe pas les tâches à faire. Cela pourrait aussi contribuer à un déconfinement par phases. » Une phase qui se dessine déjà dans certains secteurs. « Quand on voit que les cours des universités vont être maintenus en ligne, que des examens vont se faire à distance… c’est un peu dans cette optique-là. On peut envisager de maintenir les alternatives pour tout ce qui n’est pas obligatoire. »

Éviter la seconde vague

De nombreux pays, notamment en Asie où le virus s’est propagé initialement, craignent l’arrivée d’une seconde vague. Doit-on s’attendre à y faire face chez nous ? « Si on remet tout le monde en mouvement, une seconde vague peut arriver. Mais il faut que son ampleur soit limitée pour que les hôpitaux continuent à suivre. Rester confinés jusqu’à avoir un vaccin n’est pas envisageable, car on ne sait pas quand il va arriver. Il faudra bien recommencer à sortir, mais avec le moins de risques possible. » Le retour à la vie normale n’est cependant pas pour tout de suite, surtout pour les personnes à risque. « Je pense qu’il y aura des limitations plus longues, pour les seniors par exemple. Tant qu’il y a des risques d’infection, on va les inciter à se protéger. Il faut voir comment évolue la courbe : on dit qu’on arrive au pic, à un plateau, mais l’amorce de la descente n’est pas encore présente. On va devoir encore patienter pour retourner à une vie normale. »

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