Lise Charles. © Manfredi Gioacchini

Jeux de dupes

Pendant sept semaines (du 30 juillet au 10 septembre), Le Vif/L’Express se penche sur les romans candidats au Prix Filigranes 2020 qui récompense, pour la 5e année,  » un livre de qualité accessible à tous « . Sept ouvrages francophones, dont cinq sortiront à la rentrée littéraire, sont en lice.

3/7 – La Demoiselle à coeur ouvert

Par Lise Charles

Octave Milton (entre John Milton et Octave Mirbeau), espérant avoir  » enfin quelque chose à raconter « , pose sa candidature pour la Villa Médicis, avec pour but de livrer un roman épistolaire interactif. Dès sa sélection, l’auteur échange par emails avec Livia Colangeli (initiales LC, pas anodines), une intrigante ancienne compagne, mais aussi avec son éditeur ou François Matton, son frère. La tonalité fluctue et les faits se déforment : s’il affiche la façade prestigieuse de la Villa Médicis avec les uns, avec la manipulatrice Livia (sa marquise de Merteuil), il s’agit de persifler férocement sur les artistes ou pleurnicher sur ses idées à sec. Au gré d’articles pour les Inrocks ou d’une visite d’une fan énamourée, Octave distrait celle qui, d’eux deux, mène la danse. Mais quand ce palais des glaces amène à lui la linguiste Marianne Renoir (comme sortie d’un de ses livres précédents), l’auteur se fait soudain plus discret. Reste que l’instinct vampirique d’un écrivain est rarement en sommeil et que la prochaine à en pâtir pourrait être d’une candeur très juvénile. Entre enchâssements de récits et effets d’authenticité (entre autres le décès accidentel – hélas très vrai – de Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L), Lise Charles, habile marionnettiste, se joue à toutes les strates des frontières poreuses entre fiction et vraie vie, dans un roman démiurge sur les ficelles de la création.

Jeux de dupes

La note du Vif/L’Express : 7/10

P.O.L, 352 p. Parution le 20 août.

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