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Le poisson est-il aussi mauvais pour la planète que la viande?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Alors que la consommation de viande est de plus en plus décriée à cause de son impact sur la planète (gaz à effet de serre, déforestation, etc.), la surpêche menace également la vie marine. Le 9 juillet dernier, l’Europe avait d’ailleurs déjà épuisé ses ressources de poisson pour l’année.

La production de nourriture dans le monde représente un quart des émissions de gaz à effet de serre. Parmi celles-ci, le commerce du poisson, des coquillages et crustacés représente 4 %.

En Europe, nous consommons chacun 22.7 kg de produits de la mer par an. Ils nous apportent 20 % des protéines animales que nous consommons. C’est beaucoup plus que ce qui est pêché chaque année dans les eaux territoriales des pays européens et que ce qui est produit par l’aquaculture. Près de la moitié du poisson consommé en Europe est ainsi importé d’un état non européen.

Aujourd’hui, 90 % des stocks de poissons sont surexploités ou exploités à leur maximum. Le WWF demande une lutte accrue contre la surpêche, pour restaurer les stocks de poisson, ce qui permettrait d’augmenter l’autosuffisance de l’Union européenne. Il est aussi primordial que les consommateurs privilégient le poisson issu d’une pêche durable, soulignait l’ONG.

Faut-il donc aussi arrêter de manger du poisson pour sauver les océans ? Il faudrait en tout cas en diminuer la consommation. Les Belges mangent chaque année 120.000 tonnes de produits de la mer, alors que seulement 25.000 tonnes sont pêchées en mer du Nord et dans les rivières belges.

Des labels durables

Il faudrait en tout cas privilégier les poissons issus des filières durables qui ne menacent pas la biodiversité. Pour nous y aider, il existe deux labels indépendants internationaux qui certifient la durabilité de la filière.

Le label Marine Stewardship Council (MSC), fondé en 1997 par le WWF, est une organisation sans but lucratif fondée pour lutter contre la surpêche. Le MSC reconnaît et récompense les efforts déployés par les pêcheries pour assurer la pérennité des océans et des poissons, fruits de mer et crustacés qui y vivent. Le label permet aux consommateurs de choisir un produit issu d’une pêche plus respectueuse de l’environnement.

Un deuxième label ASC (Aquaculture Stewardship Council) a été créé un 2010 par le WWF également pour répondre à une demande liée à un secteur en expansion : l’aquaculture. Il s’agit d’une organisation internationale à but non lucratif. L’aquaculture peut en effet être une bonne manière de faire baisser la pression sur les stocks de poissons sauvages, à condition qu’elle soit exercée dans des conditions respectueuses de l’environnement et des conditions de travail décentes. Le label ASC travaille ainsi avec des fermes partout dans le monde et avec des chartes adaptées à chaque type de poisson ou crustacé. Parmi les critères, le label contrôle la nourriture donnée aux animaux, interdit l’utilisation d’antibiotiques, évalue l’impact de l’élevage sur l’environnement direct, interdit notamment la destruction du milieu ou l’abatage des prédateurs tels que les oiseaux, etc.

Cependant, critique Greenpeace, les fermes, même labellisées, sont une fausse bonne idée, car « elles utilisent massivement de la farine provenant de pêcheries de petits poissons, avec un rendement faible, de l’ordre de 5 à 8 kg de farine pour produire 1 kg de poisson d’élevage ».

Les labels eux-mêmes font souvent l’objet de critiques. Tantôt accusés d’être trop sévères et ainsi d’exclure les petites fermes ou pêcheries qui n’ont pas les moyens financiers de faire les adaptations nécessaires pour prétendre décrocher le label. Tantôt, ils sont critiqués pour être trop laxistes et offrir le label à des entreprises non conformes.

Ainsi, l’ONG Greenpeace accuse sur son site internet le label MSC de ne pas offrir de garantie de durabilité et « son évolution est inquiétante, car il cherche surtout à augmenter ses parts de marché plutôt qu’à faire évoluer les pêcheries ».

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Peu de poissons labellisés en Belgique

En Belgique, il reste encore une grande marge de manoeuvre dans la vente de produits labellisés. La part de poissons, coquillages et crustacés labellisés MSC-ASC et commercialisée dans les supermarchés belges est cependant en augmentation. En 2018, 37% des produits de la mer étaient labellisés, selon une analyse du label indépendant MSC réalisée sur base de près de 2.500 produits.

Si 80 % des poissons et crustacés surgelés (30 % du volume vendu) sont labellisés ASC ou MSC, c’est le cas pour seulement 42 % des conserves et 30 % du poisson frais, alors que ce dernier représente 50 % du poisson consommé dans notre pays.

Un secteur globalisé et polluant

Contrairement à son image saine et propre, la consommation de poisson est un secteur très polluant. De nombreuses fermes et pêcheries sont situées dans les pays en développement, donc loin de chez nous.

Cela signifie donc que les produits de la mer font souvent de nombreux kilomètres avant d’arriver dans notre assiette. Pour le comprendre, il suffit de connaitre l’exemple des crevettes grises pêchées en mer du Nord, envoyées en Turquie pour être décortiquées et renvoyées ensuite chez le poissonnier de Knokke, ni vu ni connu. Résultats : plus de 5000 kilomètres parcourus.

Il en va de même pour la plupart des poissons et crustacés, pêchés dans des océans lointains, ou élevés dans des fermes en Amérique du Sud ou en Asie, comme pour la plupart des crevettes et scampis que l’on consomme chez nous.

La consommation de poisson a donc une empreinte carbone non négligeable. Pour comparer avec la viande, c’est le boeuf qui a la plus grosse empreinte carbone (28.6 kgCO2e/kg), viennent ensuite le porc (5.89 kgCO2e/kg) et le poulet (4.75 kgCO2e/kg), selon les chiffres de CO2Logic.

Si le poisson n’atteint pas les niveaux du boeuf, il peut parfois dépasser le poulet et même le porc. Ainsi, les crevettes d’élevage (aquaculture Madagascar) sont très polluantes (13.8 kgCO2/kg), ainsi que le bar ou la dorade d’élevage (9.59 kgCO2/kg). Le saumon fumé, d’élevage et les moules atteignent quasiment le même niveau que le porc (environ 5.4kgCO2/kg). Le meilleur choix semblerait être le thon en boite (3.16 kgCO2e/kg).

Si l’on compare aussi les modes de conditionnement du poisson, c’est le frais qui est le moins polluant. Mais il ne faut toutefois pas perdre de vue que le gaspillage est plus important, car la durée de consommation est beaucoup plus courte. Viennent ensuite les poissons en boite, puis le surgelé, très énergivore. Il nécessite des gaz réfrigérants pour le procédé de congélation, de l’énergie pour le maintien au froid durant le transport et le stockage et enfin une énergie supérieure à la cuisson par rapport aux produits frais et en boite.

Afin d’avoir une consommation responsable, il faut donc privilégier des poissons labellisés durables, si possible frais ou en boite et des espèces qui ne sont pas directement menacées par la surpêche. Pour cela vous pouvez vous référer aux guides élaborés par Greenpeace ou le WWF sur les espèces menacées. Enfin, pensez à privilégier les produits européens. Ceux-ci sont deux fois moins polluants que les produits tropicaux.

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