Le procès de l'affaire Mawda est suspendu, il reprendra le jeudi 10 décembre © belga

Violences policières: Mawda et Adil sans manichéisme

La justice soutient-elle toujours la police, son bras armé, comme le soutient Alexis Deswaef, l’avocat bruxellois de la famille d’Adil ? Le réquisitoire de Mons dans l’affaire Mawda prouve le contraire.

Mardi dernier, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), a promis la tolérance zéro et une procédure accélérée pour les auteurs de violences contre les policiers. Le jour même, l’avocate générale de Mons, Ingrid Godart, requérait sévèrement contre le policier montois dont le tir inconsidéré a causé la mort de la petite Mawda, le 17 mai 2018, au terme d’une course-poursuite sur l’E42.

Deux apprentissages

D’une part, l’on assiste à la fin du laxisme dans les poursuites contre les rébellions et agressions diverses dont sont victimes les fonctionnaires de police, les pompiers et les membres des services d’urgence n’échappant pas à ce nouveau phénomène de société. « Le parquet classe sans suite 33 % des dossiers de violence contre les policiers. Quand il s’agit de coups et blessures entre citoyens, le taux de classement tombe à 13,7 %. Un peu comme si se faire taper dessus faisait partie du job… », ironisait Vincent Gilles (SLFP-Police) dans « Police, pourquoi tant de haine ».

D’autre part, le réquisitoire du parquet général devant le tribunal correctionnel de Mons constitue un véritable soulagement, car il dissipe le sentiment d’une collusion entre la police et la justice dans le dossier de l’enfant irakienne. « Aucun élément ne permet de démontrer que Victor J. était animé de l’intention de tuer ou qu’il avait conscience que son geste allait entraîner un décès, pose d’abord la magistrate. Par contre, la faute constitue un défaut manifeste de prudence et de prévoyance. Sa volonté de vouloir occasionner une crevaison lente n’est pas l’attitude que tout policier normalement constitué aurait adoptée. C’est une pratique proscrite, comme l’ont confirmé tous les policiers interrogés et comme il est censé le savoir. » En outre, contrairement à ce qu’il a dit à l’audience, mais qu’il avait reconnu devant le comité permanent de contrôle des services de police, le policier incriminé était au courant de la présence d’enfants et de migrants dans la camionnette des passeurs. L’exceptionnelle sévérité verbale de la représentante du ministère public, qui ne se traduit pas dans la peine qu’elle requiert (un an avec sursis) tient notamment au fait que le policier a omis de signaler son tir et égaré la justice pendant les premières heures de l’enquête, conduisant le parquet à faire une communication erronée.

Rapports complexes

Deux jours plus tard, autre affaire policière. Le parquet de Bruxelles requiert un non-lieu dans l’affaire de ce jeune d’Anderlecht, Adil, 19 ans, qui, le 10 avril dernier, avait jeté son scooter roulant à 60-70 kilomètres à l’heure contre une voiture de police qui venait en sens inverse, à 25 km à l’heure, mais qu’il n’avait pas vu, car il déboîtait devant une autre voiture. Des émeutes s’en étaient suivies. Dans l’affaire Mehdi, du nom de ce gamin de 17 ans mortellement percuté par une voiture de police qui ne l’avait pas vu, le 20 août 2019, le parquet de Bruxelles avait pris l’initiative d’annoncer par avance qu’il allait requérir, là aussi, un non-lieu, là aussi, sur la base d’un rapport d’expertise. L’avocat d’Adil , Me Deswaef regrette toutefois qu’un procès public ne puisse pas avoir lieu. Pour dissiper tous les malentendus, car il pense que le parquet a tendance à couvrir la police, son bras armé. Dans le cas de la mort d’Adil comme de Mehdi, c’est la chambre du conseil qui en décidera. Les rapports entre le parquet et la police sont certainement complexes, mais les procès d’intention n’ont jamais grandi personne.

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