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Les centres-villes vont-ils mourir?

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Les centres-villes vont-ils mourir ? Commercialement, ils déclinent de jour en jour. La faute au développement périphérique effréné et (très) rentable pour les investisseurs. Mais la tendance pourrait s’inverser, à condition que les pouvoirs publics développent une véritable vision.

Les statistiques se suivent et se ressemblent. Vers une mort programmée ? Les centres-villes sont indéniablement malades, reste à savoir si le pronostic vital est engagé. A la dernière consultation de l’AMCV (Association du management de centre-ville), en septembre, les paramètres de santé étaient alarmants : 17,1 % de magasins vides en Wallonie. Fin des années 1990, 5 % était déjà considéré comme inquiétant. Désormais, seule Louvain-la-Neuve reste encore sous ce seuil. Ailleurs, on le dépasse allègrement : 13 % à Namur, 18 % à Liège, 21 % à Mons et Tournai, 27 % à Charleroi, 30 % à Verviers…

Le Segefa (Service d’étude en géographie économique fondamentale et appliquée de l’Université de Liège) ausculte lui aussi régulièrement les centres-villes. Son plus récent diagnostic n’est guère réjouissant. Il a établi un « indice de vitalité », basé sur le nombre de cellules inoccupées, la stabilité dans le temps des enseignes et leur attractivité. Sur 299 destinations shopping, le premier centre urbain arrive seulement à la 90e position ! Et encore, il est de taille moyenne : Saint-Vith. Les 10 principales villes wallonnes sont clairement à la traîne.

Ceux qui trustent les 90 premières places, se retrouvent tous en périphérie. Des galeries ou des retail parks, ces « boites à chaussures » qui fleurissent au milieu d’un champ ou le long d’une nationale. Désormais, rares sont les communes qui n’ont pas « leur » complexe. Ce n’est pas près de s’arrêter : des projets sont sur les rails à Seraing, Soumagne, La Louvière, Fontaine-l’Evêque, Habay-la-Neuve, Sprimont, Sterpenich, Hannut, Ciney…

Certaines entités se sont tiré une balle dans le pied

Certaines entités se sont tiré une balle dans le pied. Comme Liège avec la Médiacité, Huy avec un retail park à quelques kilomètres de son coeur historique, Charleroi avec Ville II et City Nord, Arlon avec l’Hydrion, Mons avec les Grands Prés qui vont encore être agrandis… « Pour un élu, c’est intéressant d’avoir de nouveaux projets, indique le chercheur de l’ULg. Certains, de bonne foi, n’imaginaient pas que ça allait fragiliser le commerce existant. Il y a un manque d’information. »

Puis quel édile pourrait balayer sans sourciller des investissements de plusieurs millions d’euros ? « Légalement, on a peu de moyens pour empêcher les développements, pointe Nicolas Martin (PS), échevin du Commerce à Mons. Les grands groupes sont bardés d’avocats. L’agrandissement des Grands Prés, on y était farouchement opposé. Mais le porteur du projet le voulait pour implanter Ikea, sinon il allait à Valencienne. On a dû accepter de discuter. Un pouvoir public ne peut pas refuser un Ikea. »

Surtout si l’on agite la promesse de la création d’emplois. Alors, tels des taureaux excités par le rouge, ils foncent. Oubliant que cette création est plutôt un déplacement. Principe des vases communicants. « Personne n’est dupe, mais tout le monde joue la même carte », glisse Serge Fontaine, manager des galeries Saint-Lambert à Liège. « On favorise la salarisation du commerce : on remplace des indépendants (une population difficilement mesurable) par des salariés (que l’on peut quantifier), observe Benjamin Wayens, docteur en sciences géographiques à l’ULB et Saint-Louis. Le bilan est difficile à réaliser, il y a un effet retard de cinq ou dix ans. »

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– la rentabilité de la périphérie

– « Il va y avoir un cycle de fermetures de shopping centers« 

– les stratégies de revivification des centres-villes

– l’indice de vitalité des 10 principaux centres-villes wallons

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