Paris stars galaxy

Ancelotti et Pastore, en attendant d’autres noms ronflants du foot international : le PSG 2011-2012 nous la joue nouveau riche. Décryptage d’un business qui ne plaît pas à tout le monde.

Le couperet est tombé. Et on l’a senti passer. Rarement le licenciement d’un entraîneur n’avait fait autant de bruit et provoqué un tel tollé d’indignation. Quand le jeudi 22 décembre dernier, Antoine Kombouaré se voit démis de ses fonctions de coach du PSG, tout le foot français rue dans les brancards. La grande confrérie des coaches de L1 s’alarme ( » C’est l’indignation chez tous les techniciens « , dixit René Girard, coach de Montpellier), les consultants ne comprennent pas et les médias relayent en masse le fameux C4. Même la RTBF conclut son JT du 23 décembre sur  » l’affaire Kombouaré  » (on mettra ça sur le compte des fêtes et de son manque d’actu…). Les people y vont aussi de leur billet d’humeur. L’acteur Laurent Deutsch, amoureux de Paris et du PSG, envoie dans Le Monde : » Ils virent Kombouaré. On lâche le Parc. On casse les Kop. On a acheté Beckham. C’est plus Paris, c’est Disneyland.  »

Il est vrai que l’éviction du Kanak peut étonner par son timing. La veille, le Paris-Saint-Germain concluait la première moitié du championnat en tête avec trois points d’avance sur Montpellier, après une victoire 0-1 à Saint-Etienne. Ce cas de figure (évincer un coach en pleine bourre de résultats) n’est pourtant pas neuf. Fabio Capello n’est pas reconduit par deux fois de son siège de coach du Real après avoir remporté la Liga en 1997 et en 2007, alors qu’en théorie il lui restait deux ans de contrat. En France, Alain Perrin est remplacé en juin 2008 par Claude Puel alors que l’OL termine la saison sur un doublé Coupe-championnat. Lyon n’a plus rien gagné depuis. Chez nous, le licenciement de Luka Peruzovic au milieu de la saison 1992-1993, alors qu’Anderlecht domine largement la compétition, renvoie à la situation de l’ex-coach parisien. Clin d’£il toujours : Peruzovic avait connu une première alerte suite à l’élimination des Mauves par le PSG en 16e de finale de la Coupe de l’UEFA. Antoine Casque d’or Kombouaré avait qualifié ses couleurs grâce à une tête décroisée sur corner à dix minutes de la fin…

Kombouaré, pas assez bankable

A y regarder de plus près, personne n’est véritablement surpris de l’annonce. La sanction était dans l’air depuis un bout de temps. En novembre, un entretien entre Carlo Ancelotti et Leonardo, directeur technique du PSG, fuite dans la presse et fragilise fortement la position de Kombouaré. S’ensuivent trois défaites de rang : Nancy, Marseille, Salzburg (qui condamne le club en Europa League). Avant ça, Paris avait déjà été sorti de la Coupe de la Ligue par Dijon. Pas de quoi pavoiser, même si 40 points à mi-course, plaçaient Paris parfaitement dans les temps d’un futur champion.

 » On peut évidemment considérer ce C4 comme humainement dégueulasse « , admet Stéphane Régy, rédacteur en chef de So Foot.  » Mais Kombouaré n’a jamais donné l’impression d’être soutenu. Certainement pas par Leonardo et sans doute pas par beaucoup de joueurs. D’un point de vue du jeu, c’était ni bon ni mauvais, même si ça s’est dégradé au fil de la saison. Je ne pense pas qu’il ait les caractéristiques pour coacher un grand club. Son style fort en gueule, autoritaire est difficilement conciliable avec les stars. Et certaines devraient débarquer dans les jours et les mois qui suivent.  »

Parti se ressourcer du côté de Marrakech, Kombouaré a reçu il y a quelques jours le coup de téléphone d’un dirigeant du Mans, club pointé dans les méandres de la L2. Ça situe un peu la perception que le foot français se fait de lui. Alors le foot européen…

Bernard Tapie, ex-président de Marseille, regrettait ce limogeage tout en soulignant néanmoins :  » Avant d’être transféré à Paris, une star de 24-25 ans a besoin de savoir qui est sur le banc de touche. Il veut être rassuré. Quand on veut construire une équipe de niveau mondial, les milliards du Qatar ne suffisent pas. C’est pour cette raison qu’ils ont viré Kombouaré.  »

Leonardo brise son image

Derrière tout ça, un nom : Leonardo. L’ex-joueur parisien saison 1996-1997 ne s’est pas fait que des amis dans la capitale ces derniers temps. Suite à une interview parue il y a quelques semaines dans la presse italienne où il critiquait la vétusté du Parc des Princes, ce sont les fans qui ont aboyé, refusant tout déménagement – hormis durant la rénovation du stade pour les besoins de l’Euro 2016. La sanction infligée à Kombouaré n’a rien fait pour remonter sa cote.

Gaucher élégant sur la pelouse, intelligent en dehors, Leo a définitivement enterré sa posture de gentleman joueur pour celle de businessman cynique.  » J’ai cassé mon image de brave gars « , affirme-t-il.  » Parce que le football n’est pas une utopie et que je ne suis pas candidat au prix Nobel de la paix. « 

Voilà qui est clair, d’autant que l’ex-international brésilien est rémunéré à hauteur de 400.000 euros bruts par mois. La gestion très maladroite du dossier Ancelotti, qui connut ses premières turpitudes dès novembre, n’a pas été appréciée par les patrons qataris. Un joker de grillé, Leonardo ne peut plus se tromper avec l’engagement du coach italien au risque de connaître rapidement le même sort que Kombouaré.

Pourquoi des Qataris à Paris ?

Fin mai 2011, Sébastien Bazin, actionnaire principal du fonds d’investissement Colony Capital, qui détenait le PSG depuis 2006, annonce la venue d’un gros investisseur en provenance du Qatar. Courant juin, Qatar Sport Investments (QSI) prend officiellement les commandes, possédant 70 % du club à travers une filiale de fonds souverain. Nasser al-Khelaïfi, un proche du prince du Qatar Tamim Bin Hamad al-Thani, s’installe au poste de président du conseil d’administration du PSG. Depuis leur arrivée, c’est Byzance… du moins question dépenses. Paris bat tous les records de recrutement pour les normes françaises avec un débours de 89 millions d’euros durant l’été dont 42 sont alloués à la venue de JavierPastore. Le précédent record (33 millions) datait de 2000 lors du passage de NicolasAnelka du Real Madrid au PSG (bide retentissant) est largement battu.

Nasser al-Khelaïfi déclare dans L’Equipe«  Notre objectif est de participer à la Ligue des Champions lors des trois prochaines saisons. Ensuite, nous voulons devenir un club très compétitif en Europe. Notre investissement s’inscrit sur le long terme. Et nous espérons qu’il sera rentable d’ici trois à cinq ans.  » Car jusque-là, le club francilien avait de sérieux problèmes de trésorerie.

L’époque dorée Canal + avec les David Ginola, George Weah ou Rai date. Colony Capital, qui a repris le club en 2006, évoque davantage les périodes de vaches maigres avec des mercatos peu engageants. Déficitaire depuis la saison 1997-1998, le club de la capitale a perdu depuis lors 300 millions d’euros, dont quasiment 272 millions au cours des dix dernières saisons. L’argent venu du Moyen-Orient était donc plus que salutaire. Mais pourquoi le fonds QSI a-t-il misé sur Paris alors que les dernières saisons étaient plutôt ternes en termes d’image (résultats sportifs décadents et problèmes de hooliganisme) quand le foot français connait des difficultés à retrouver la vague des années 90 ?

Le cachet de la Ville Lumière est un avantage pour tout investisseur étranger. Et puis les possibilités ne sont pas si nombreuses en dehors de l’Angleterre où le terrain est déjà miné.

Leonardo Giammarioli, marketing executive chez QSI, expliquait dans So Foot :  » En Espagne, derrière le Barça et le Real il n’y a plus rien. L’Italie, le marché n’est pas intéressant pour nous et très risqué. Trop de cadavres dans les placards. L’Allemagne, il y a ce 50 plus 1 % des parts du club qui reviennent à l’association du club. Il ne reste donc plus que 49 %. Pour un investisseur extérieur, ce n’est pas la peine. Il n’y a pas mille opportunités sur le marché.  »

Sébastien Bazin, encore détenteur de 30 % du PSG via Colony Capital, explique aussi, dans les Echos, que  » l’attribution de la Coupe du Monde en 2022 a été sûrement un élément déclencheur. Le PSG s’inscrit comme un élément parmi d’autres pour préparer cet événement planétaire.  »

Sarko y met du sien

Dernier point et non des moindres, l’arrivée d’ Al Jazeera Sport dans le paysage du foot français. Le groupe média qatari, dont Nasser al-Khelaifi est président, vient d’acheter les droits internationaux de la Ligue 1 et une partie de ses droits pour le marché français.

Les Qataris sont aujourd’hui bien implantés dans le foot hexagonal. Le président, Nicolas Sarkozy a très vite compris l’intérêt pour la France de profiter des pétrodollars qataris. En 2007, le premier invité officiel du quinquennat du président français n’était autre que Tamim ben Hamam al-Thani, futur propriétaire du PSG avec en ligne de mire de nombreux échanges commerciaux entre la France et le Qatar. Libération soulignait que les investissements qataris dans l’économie française et l’immobilier de luxe parisien ont explosé. Franck Louvrier, conseiller en communication de Sarko :  » Il s’est intéressé de près au dossier. D’abord parce que c’est un État étranger qui investit en France, et puis parce que c’est un supporter. S’il y a des fonds étrangers qui peuvent aider le sport français, il y est favorable.  »

Comment ces puissants du Moyen-Orient sont-ils perçus par le public français ?

 » Plutôt mal. Même les supporters parisiens, les fidèles de longue date, digèrent difficilement les pratiques en place « , précise Stéphane Régy.  » On sent des petites crispations chez certaines personnes qui auraient peut-être préféré que ce soit un prince norvégien qui investisse au lieu d’un cheik arabe. En France, pays des droits de l’homme, etc., on croit encore qu’il faut toujours de la morale dans le foot. On pointe vite le méchant capitaliste. Et puis, le fait que les Qataris aient investi à Paris, ça aggrave la donne. La France déteste Paris et déteste le PSG. Il est de bon ton de se moquer du PSG. Il suffit de voir la différence de traitement fait par les médias entre Marseille et Paris. Tout le pays attend que le PSG se plante rapidement comme ce fut le cas avec le Matra Racing du groupe Lagardère dans les années 80.  »

Gros calibres

Sur papier, le Matra pouvait faire peur : Maxime Bossis, Luis Fernandez, côté français, Enzo Francescoli, Pierre Litbarski, pour l’étranger, ça avait de la gueule. Et pourtant, en trois saisons de D1, les Bleu et Blanc ont terminé respectivement 13e, 7e et 17e, une place qui les plongea en D2. Le PSG ne rencontre pas les mêmes soucis même si le club évita la relégation de justesse il y a peu. Désormais, et au vu de la force de frappe des Qataris, on imagine mal un autre club français tenir la distance. D’autant que le Lyon de Jean-Michel Aulas doit surveiller ses dépenses alors que Marseille souffre toujours de récents mercatos désastreux.

L’arrivé de Pastore cet été après les amuse-bouche, Jérémy Menez ou Mohamed Sissoko, a sensiblement frappé les esprits. Une star du Calcio qui débarque en L1 en pleine force de l’âge, voilà qui était inhabituel. L’arrivée d’Ancelotti doit, elle, permettre aux stars, aux fortes têtes, de s’épanouir. Le mal-être de la star argentine sur les terrains de L1 ces dernières semaines, et clairement exprimé via la presse, fut un clou au cercueil de Kombouaré. Ancelotti, au vu de sa longue expérience au plus haut niveau, devrait pouvoir gérer le climat parisien très particulier. Le PSG n’en restera pas là et devrait encore animer le bal des transferts hivernaux. Avec comme priorités dressées par Leonardo : un défenseur latéral gauche, deux milieux, et un attaquant. Sont cités : Pato, Carlos Tevez, Florent Malouda, Kaká, Hulk, etc. On souhaite bonne chance à Christophe Jallet, Clément Chantôme ou Siaka Tiéné pour se faire une place au soleil dans cette Paris Stars Galaxy…

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS IMAGEGLOBE

 » Le football n’est pas une utopie et je ne suis pas candidat au prix Nobel de la paix.  » (Leonardo)

 » La France déteste Paris et déteste le PSG. Tout le pays attend que le PSG se plante. « 

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