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 » La JPL n’est pas un endroit pour faire des vidéos YouTube « 

Après avoir connu pas mal de complications à Genk, Benson Manuel explose à Mouscron. Notamment grâce à un sens du dribble quasi unique en Belgique.

Il y a deux semaines, lors d’un stage à Cadix en Espagne, le moment était enfin venu : Benson Manuel a présenté à ses coéquipiers sa version du hit mondial  » I believe I can fly  » de R.Kelly. Une chanson que le Lokerenois, âgé de 21 ans, n’avait pas choisi au hasard.

 » Je ne suis pas aussi grand Frantzy Pierrot « , déclare Benson.  » Notre attaquant fait presque deux mètres… (rires) Mais, selon mes coéquipiers, je compense par mon envol.  » Son bizutage devait avoir lieu à son arrivée à la fin du mois d’août, mais le joueur s’en est tiré à sa façon. D’après son entraîneur, Bernd Storck, Benson était trop dispersé à ses débuts à Mouscron. Et Storck ne l’a pas lâché d’une semelle.

 » J’ai toujours eu des entraîneurs qui me suivaient de près : Eric Van Meir, Philippe Clement et maintenant Storck. Il est parfois vraiment nécessaire qu’ils soient derrière mon dos. Pourquoi ? Il peut arriver, par exemple, qu’à l’entraînement, je laisse filer mon homme. Mais plus je travaille avec un coach, plus il comprend comment je fonctionne.

Je ne dirai pas que Storck accepte que je sois moins actif à l’entraînement que les autres – ce serait injuste – mais il ne sera pas fâché si je cours dix ou quinze mètres de moins. Il surveille surtout mon intensité et ma concentration pendant l’entraînement.  »

 » Au départ, je manquais de rythme  »

Tu admets donc que, cette saison, tu étais parfois absent mentalement de l’entraînement ?

BENSON MANUEL : On dit que je suis du type paresseux… Et je comprends ce qu’on veut dire par là : pour atteindre le plus haut niveau, vous devez montrer à chaque entraînement que vous méritez votre place. Mais je ne suis tout simplement pas du genre à commencer à tacler. Et ça ne sert à rien de me crier dessus à l’entraînement pour que je défende. Dans un match, je tourne le bouton. Et là, je me donne à cent pour cent.

Tu as pris deux cartes jaunes en cent matchs. Ces chiffres en disent-ils beaucoup sur ta personnalité sur le terrain ?

BENSON : Cela s’explique peut-être par le fait que j’essaie d’esquiver un maximum les duels. Ou que je suis devenu plus habile pour m’imposer. Storck m’a appris, par exemple, comment prendre plus facilement le dessus sur un adversaire.

À ton arrivée à Mouscron, tu as rencontré pas mal de difficultés à t’imposer. Jusqu’à la fin octobre et surtout ce match-référence contre Anderlecht en décembre. Comment évalues-tu tes propres performances ?

BENSON : À Genk, j’ai très peu joué pendant un an et, dès mon arrivée à Mouscron, j’ai directement intégré le onze de base à deux reprises. Je manquais de rythme et c’est ce que Storck, qui a repris les rênes après mes deux premiers matches pour Mouscron, a tout de suite constaté. J’ai dû me contenter du banc pendant un moment. Mais dans les semaines qui ont précédé la trêve hivernale, je n’ai fait que monter en puissance.

En octobre, tu as dû te contenter d’une minute contre le Standard et de deux contre Zulte Waregem.

BENSON : En soi, s’asseoir sur un banc, c’est pas très excitant. Tu t’assieds et tu espères pouvoir entrer au jeu mais à mesure que le temps passe, tu sais que tes chances diminuent. Et tu te poses beaucoup de questions. Pourquoi l’entraîneur n’a-t-il pas besoin de moi aujourd’hui ? Est-ce qu’il compte sur moi ? Cette saison, je me suis tu, alors qu’il y a deux ans, j’aurais sans aucun doute réagi différemment. Je tirais la tête quand je remplaçais quelqu’un pour quelques minutes. Mais j’ai appris de mes erreurs.

Benson Manuel à Genk :
Benson Manuel à Genk :  » Longtemps, je me suis demandé si la D1, c’était pas trop haut pour moi. « © BELGAIMAGE

 » Je fais tout à l’instinct  »

Mouscron est venu te chercher pour que tu amènes du danger autour des 16 mètres. Tu as marqué deux fois et donné quatre assists. Es-tu satisfait de ton apport ?

BENSON : Au niveau collectif, nous sommes passés de la pire attaque de première division à une équipe capable de marquer trois buts contre Gand et Anderlecht. Mes chiffres ne sont pas exceptionnels, mais j’ai souvent été impliqué dans un but. Seul bémol : j’aurais dû marquer plus. Quand je regarde à nouveau mes matches, je remarque que je ne tire pas assez au but. Quand je fais une action, je pense surtout à donner cette dernière passe. Tant que cela ne coûte pas de points à l’équipe, je dors bien. Au fil des ans, je lirai mieux le jeu et deviendrai plus efficace devant le but.

Au vu des stats du quotidien Het Nieuwsblad, tu es le dribbleur le plus assidu de la compétition, avec 11,75 dribbles par match. C’est plus que Mehdi Carcela et Nana Ampomah.

BENSON : C’est bon à savoir. Mais pour être honnête, je fais tout à l’instinct. Je dribble pour me sortir d’une situation difficile ou parce que cela peut apporter quelque chose à l’équipe. Mais la Jupiler League n’est pas un lieu pour faire des vidéos YouTube. Je ne suis pas un showman ou je ne vais pas bêtement provoquer quelqu’un. Ça ne peut que t’attirer des problèmes. Car si tu manques de respect à ton adversaire direct, tu ne dois pas être surpris qu’il t’envoie à l’hôpital après coup.

Tu comprends donc que les défenseurs t’arrêtent en multipliant les fautes ?

BENSON : Je sais ce qu’on disait de moi par le passé : ‘Si tu rentres dans Benson, tu le sors de son match.’ Ça n’arrive plus aujourd’hui. Je reste dans mon match. Je ne suis plus irrité si des défenseurs me marquent à la culotte dès la première minute ou me rentrent dedans alors que le ballon n’est plus jouable. Je suis heureux de pouvoir quitter le terrain en vie. Sur certaines actions, je sais que si j’avais mis mon pied, ça en serait fini pour moi.

 » À Genk, je jouais à 50% de mes capacités  »

Dribbler n’est pas seulement une question de vitesse et de feintes. L’aspect psychologique joue également un rôle. Quand sais-tu que tu as pris le dessus mentalement sur ton adversaire ?

BENSON : Quand il commence à douter, à faire beaucoup d’erreurs ou qu’il te laisse un peu plus d’espace. C’est là que tu dois continuer à le matraquer. Mais le plus important est de savoir comment toi tu te sens. Si je suis 100%, peu importe que mon défenseur soit en forme ou non.

Ton passage à Genk, à qui tu appartiens toujours, n’est pas une réussite pour l’instant. Tu as même mentionné le match contre Waasland-Beveren comme un point noir de ta carrière.

BENSON : Toute la préparation s’était pourtant parfaitement déroulée. J’avais joué contre l’Ajax et Everton et je sentais que ma période d’adaptation au haut niveau était derrière moi. Mais lors de mon premier match officiel contre Waasland-Beveren, j’ai été remplacé à la mi-temps : j’avais entre 50 et 60% de pertes de balle. J’ai commencé à douter. Longtemps, je me suis demandé si la D1, c’était pas trop haut pour moi.

Je sais que Clement m’a parfois mis sur le banc pour me motiver, mais je savais d’avance que je ne monterais pas a jeu. Compte tenu de mon état de forme, je ne pouvais rien réclamer de plus. Vous remarquez également que vous ne comptez pas beaucoup. Les clubs qui avaient manifesté leur intérêt pour moi par le passé avaient disparu.

Mais le problème était principalement mental ?

BENSON : (acquiesce) Si ça va pas dans ta tête, ça ne fonctionne pas sur un terrain. Je jouais à 50% de mes capacités.

 » Je sais ce que c’est d’être au plus bas  »

Tu disais avoir été blessé par la façon dont ça s’était fini à Genk ?

BENSON : Je me sentais vraiment mal dans ma peau. Je ne me sentais pas chez moi à Genk. C’était la première fois que j’étais si perdu. En fait, je n’aime pas en parler, mais j’en ai tiré des leçons. Je le remarque dans la façon dont j’analyse aujourd’hui un mauvais match : dès qu’il est terminé, je pense au prochain, je tourne la page. Je veux être libéré dans ma tête. Et j’ai la chance de pouvoir dire que j’ai affronté l’adversité très tôt dans ma carrière. Je sais maintenant ce que c’est d’être au plus bas.

Qui t’a aidé à remonter la pente d’un point de vue mental ?

BENSON : Mes parents, ma petite amie et mes agents, Younous Oumouri et Patrick De Koster. Je voulais prendre mes distances avec ceux qui avaient un lien avec le football de près ou de loin.

As-tu obtenu une garantie de Genk que tu pourrais revenir au club ?

BENSON : On n’a jamais de garanties en football. Je sais seulement que Genk croit encore en moi. Après chaque match, le club me contacte pour débriefer du match. Je dois maintenant montrer que mon prêt à Mouscron m’a appris quelque chose et qu’à l’avenir, je pourrai être un réel apport pour Genk.

 » Je ne me mets pas de pression pour l’EURO « 

Pendant les qualifications pour l’EURO Espoir, tu n’as disputé que 22 minutes (contre Malte, ndlr). Quel est le pourcentage de chance que tu participes à ce tournoi en Italie ?

BENSON MANUEL : Aucune idée. Ça dépendra des matches qui restent en saison régulière et de ceux en PO2. Si je poursuis sur mon élan de la fin d’année, il y a une chance que je fasse partie de le sélection. Mais je peux m’imaginer que chaque joueur belge de mon âge pense à cet EURO le soir dans son lit. Mais je ne me mets aucune pression. Mon focus est ailleurs.

Tu ne seras pas déçu de ne pas participer à un tel tournoi ?

BENSON : Que l’on me comprenne bien : ce serait une opportunité loupée. Si je devais rester à la maison ? Je ne me laisserais pas abattre. Je veux pouvoir jouer au foot de façon libérée ces prochains mois.

En théorie, tu restes sélectionnable pour l’Angola. C’est une option concrète ?

BENSON : Il y a eu des contacts par le passé. Je connais plusieurs joueurs de l’équipe nationale qui m’ont invité à les rejoindre en sélection. Je préfère attendre. Je ne veux pas prendre de décision à la hâte. La décision définitive pourrait être prise dans un an ou deux.

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