Enjoy the game

Après avoir passé sept ans et demi à l’étranger, l’Australien qui avait été Soulier d’or 1996 avec Bruges est de retour.

L’Australien a 30 ans et s’il parle italien, la langue de sa mère, il ne maîtrise pas l’allemand de son père. Une fois sa carrière de joueur achevée et son diplôme d’entraîneur en poche, il rentrera en Australie. Mais avant cela, le défenseur doit ramener Ostende, son neuvième club, en D1.

Pas de regrets ?

Paul Okon : Non, je savais que le niveau était inférieur à la D2 italienne mais l’équipe est nettement meilleure que je ne l’imaginais. Ce fut un choix sentimental, effectué en trente secondes. Depuis deux ans, je pensais à un retour en Belgique. Gilbert Bodart a appelé mon manager pendant le mercato, qui était à mes côtés, par hasard. Trois jours plus tard, je signais. Le classement d’Ostende et la présence de Bodart ont joué un rôle.

Vous avez signé sans savoir ce que vous alliez gagner ?

Oui. J’ai laissé mon manager régler ça. Je voulais un club et un pays où je me sentirais chez moi. Mais je ne suis pas en vacances : si Ostende ne monte pas, on me montrera du doigt. Je suis toujours meilleur quand je suis important.

Pourquoi votre contrat à Vicenza a-t-il été rompu ?

Il appartient au groupe anglais Enic, également propriétaire de Tottenham et du Sparta Prague. C’est ainsi que j’ai atterri à Vicenza mais Enic a fermé le robinet. Après 13 matches, je me suis blessé. A mon retour, le club n’a pas voulu me conserver, faute d’argent. Nous n’étions plus payés mais en Italie, il y a maximum trois clubs qui paient ponctuellement. Parfois, il y a jusqu’à huit mois de retard. A mon arrivée à la Lazio, ça m’avait heurté car le Club Brugeois avait toujours été correct, comme Middlesbrough. On finit cependant par avoir son argent, du moins si le club ne tombe pas en faillite comme la Fiorentina, qui me doit encore des sous.

Rêve d’Italie

Vous rêviez de l’Italie.

A cause de ma mère. Quand je jouais à Bruges, je rêvais d’une compétition qui me permette de disputer des affiches chaque semaine. La pression est terrible. La presse et les tifosi ont une emprise étouffante sur le football. Trop. Mais quand tout va bien, jouer en Italie est le nec plus ultra : niveau élevé, lifestyle, nourriture délicieuse, vie nocturne. Sinon ! En Italie, les joueurs sont des stars d’Hollywood. La moitié d’entre eux vivent avec des filles qui font des shows TV. Heureusement, j’ai vite appris ce que je pouvais faire ou pas. Vous n’imaginez pas les tentations auxquelles est soumis un homme de 24 ans à Rome. Des gens m’invitaient à leur restaurant, voulaient me présenter une fille. Je partageais ma chambre avec Pavel Nedved : il ne sortait pas, allait rarement au restaurant et était au lit à dix heures. Quand il n’y avait pas entraînement, il allait courir. Au début, je ne savais pas dire non, je l’avoue, mais tout ce que vous faites paraît dans les journaux.

Vous avez changé en Italie ?

Ici, on s’entraîne dur une semaine et demie pour préparer la saison. Là, on part en stage d’altitude un mois. Et puis la tactique ! Il y avait de telles séances tous les jours. J’en avais mal à la tête.

Zdenek Zeman croyait en vous dans l’entrejeu.

J’ai eu le privilège de travailler avec les plus grands joueurs et entraîneurs : Zeman, mais aussi Sven-Göran Eriksson, Giovanni Trapattoni, Gianluca Vialli, Terry Venables, Dino Zoff, Hugo Broos…

Hugo Broos ?

Broos a été un maillon capital de ma progression. Pendant les six premiers mois à Bruges, je n’ai pas joué. De retour d’Australie, après la trêve, j’étais le seul à n’avoir pas grossi, tant je m’étais entraîné. Il l’a vu et m’a donné ma chance. Il m’a fait comprendre que j’étais maître de mon destin, que le talent ne suffisait pas, que je devais travailler et être plus exigeant envers moi-même.

Pourquoi l’Angleterre après l’Italie ?

Middlesbrough m’a visionné à l’occasion d’Australie-Hongrie. En Italie, j’étais connu comme celui qui avait des problèmes au genou, je devais partir. Et Middlesbrough joue chaque semaine devant 35.000 personnes. C’était un des cinq clubs anglais qui payaient le mieux. Nous avons pris onze points en 17 matches, perdu dix fois de suite mais les supporters nous applaudissaient. En Italie, deux défaites et mieux vaut ne pas se montrer en rue. On a crevé nos pneus de voiture après un mauvais résultat contre la Reggiana. Les entraîneurs anglais se contentent souvent d’un – Enjoy the game, de la composition d’équipe et des joueurs à surveiller sur les corners. En Italie, c’est : – Nous ne pouvons pas perdre aujourd’hui.

Elton John

Vous avez joué à Watford. Avez-vous rencontré Elton John ?

Middlesbrough a enrôlé un nouveau manager et le courant n’est pas passé. Vialli, qui entraînait Watford, me connaissait par Mancini, l’actuel entraîneur de la Lazio, mon ancien coéquipier à Rome. Je n’y suis pas resté longtemps car Watford n’a pas rejoint la D1. Ce qui m’a surpris, c’est à quel point Elton John se comporte normalement et vous met à l’aise.

Restez-vous en contact avec Christian Vieri, l’attaquant de l’Inter ?

Oui, nous avons grandi ensemble. Le foot ne l’intéressait guère mais c’était sa seule chance car il n’avait pas de bons résultats scolaires. C’était un rebelle. A 16 ans, je suis parti avec lui en Italie, pour tenter ma chance. Son grand-père était un scout de Torino. Prato me voulait mais le nombre d’étrangers était limité. Vieri est resté car il avait un passeport italien, ses deux parents étant originaires de ce pays. Deux ans plus tard, la loi a changé : il suffisait qu’un seul parent soit italien.

Vous seriez peut-être devenu international italien comme lui…

Jamais ! Je suis un patriote. Vieri aurait pu jouer pour l’Australie mais nul ne croyait en lui, à l’époque. Je ne l’envie pas. Enfiler le maillot australien vaut toutes les coupes du monde. Je ne comprends pas que Sepp Blatter profite des voix de l’Océanie en lui promettant une place qualificative pour le Mondial puis la lui retire. Est-ce fair-play ? Nous avons une génération fantastique. Tous nos internationaux jouent en Europe. Cependant, nous n’avons pas de bonne préparation pour ces matches de barrage contre un pays sud-américain. Passer de zéro à 100 à l’heure vous tue. Nous avons perdu 3-0 le match décisif contre l’Uruguay. Il avait le rythme, après quatre matches durs, notamment contre le Brésil et l’Argentine. En guise de préparation, nous avons effectué un vol de 24 heures pour gagner 15-0 face aux Iles Tonga. Avant le coup d’envoi, nos adversaires ne pensaient qu’à nous demander des autographes et convoitaient déjà nos maillots…

Avez-vous encore des contacts avec d’autres anciens Brugeois ?

Pas assez. Ce que je regrette, c’est la façon dont j’ai quitté le Club. Antoine Van Hove ne voulait pas que je rejoigne le club de mon choix. Nous aurions pu régler ça autrement.

Geert Foutré

 » Nedved partageait ma chambre à la Lazio : il était AU LIT à DIX HEURES « 

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