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Du LSD pour atténuer la dépression ou l’anxiété

Depuis une vingtaine d’années, l’usage thérapeutique des substances psychédéliques revit au sein de la communauté scientifique. Malgré l’interdiction des psychotropes, la recherche démontre leur efficacité pour atténuer la dépression ou les troubles anxieux.

Modification de la perception, hallucination ou dissolution de l’ego, expérience mystique. Les effets varient d’une personne à l’autre. Cachés derrière les mythes et les représentations tenaces, les substances psychédéliques portent une histoire médicale tout autre. LSD, champignons hallucinogènes ou ayahuasca. Ici, pas d’odeur de patchouli ou de carré de carton dans une rave party mais des résultats tangibles: les psychédéliques sont des thérapeutiques utiles pour lutter contre la dépression, l’anxiété, les addictions ou dans le cadre de soins palliatifs. Depuis une vingtaine d’années, la recherche scientifique s’empare à nouveau du sujet. Avec des résultats prometteurs et efficaces.

Les substances psychédéliques appartiennent aux rituels et à la spiritualité depuis des millénaires en Amérique latine. Dans la première moitié du XXe siècle, on synthétise de nouvelles molécules, comme le LSD, dont les effets se révèlent un peu par hasard au chimiste suisse Albert Hofmann, en 1943. S’ensuivent vingt années de recherche et d’espoirs médicaux, jusqu’au couperet final: la prohibition officielle par l’ONU en 1971, initiée plus tôt par l’administration Nixon. L’expérience psychédélique rejoint l’illégalité.

Suisse hallucinogène

Mais aujourd’hui, il y a du changement. Le département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève propose une «psychothérapie assistée par psychédéliques». L’idée est simple: la prise d’une dose de LSD ou de psilocybine dans un cadre sécurisé. Objectif: réduire les symptômes dépressifs ou anxieux et lutter contre les effets des dépendances.

Le patient s’engage dans une séance de huit à dix heures, surveillé et accompagné par le personnel universitaire, sans que celui-ci intervienne dans l’expérience. Une altération réversible de la conscience permettant l’investigation d’espaces, souvent inconscients, chez la personne à qui on administre les substances psychédéliques. Ensuite, il s’agira de trouver du sens à l’expérience vécue et de l’intégrer à la psychothérapie privée du patient.

En oncologie, on constate que 60% des patients sont en demande et vont chercher des médecines complémentaires et alternatives.

Comme en Suisse, les psychédéliques entrent dans la liste belge des substances illicites. Pourtant, comme au pays du père du LSD, des exceptions existent. Direction l’ULiège. «C’est très compliqué. Notre collègue Olivia Gosseries, directrice du Coma Science Group du Giga Consciousness, a pris plus d’une année pour débuter les projets et faire aboutir les longues démarches administratives.» Les projets qu’évoque Audrey Vanhaudenhuyse, team leader du centre de recherche Sensation and Perception Research Group du Giga Consciousness de l’ULiège, et scientifique au CHU de Liège, commencent à peine. «Il y en a deux. Le premier propose la prise de psychédéliques à des patients en coma pour les aider à récupérer une conscience.» Le second permettrait de combiner la prise de petites doses de psychédéliques avec des techniques d’hypnose, domaine d’expertise du centre de recherche. «Notre hypothèse est de voir si la prise de petites doses de psychédéliques, combinée à des suggestions d’expériences mystiques en hypnose, pourrait provoquer les mêmes expériences qu’avec les fortes doses psychédéliques habituellement utilisées.»

Les effets du LSD se sont révélés un peu par hasard au chimiste suisse Albert Hofmann, en 1943.
Les effets du LSD se sont révélés un peu par hasard au chimiste suisse Albert Hofmann, en 1943. © belga image

Reprendre le contrôle

Le Sensation and Perception Research Group s’intéresse plus généralement aux approches complémentaires aux thérapies médicamenteuses pour améliorer le bien-être des patients. Hypnose (combinée avec la réalité virtuelle), transe cognitive auto-induite. «En oncologie, on constate que 60% des patients sont en demande et vont chercher des médecines complémentaires et alternatives», précise Audrey Vanhaudenhuyse. Ces approches offrent aux patients une prise de contrôle sur leur bien-être, une position d’acteur de la récupération qui s’éloigne de la relation d’autorité avec le médecin qui, seul, détient le savoir et les outils à appliquer.

Malgré les réticences, le monde médical change et s’adapte lentement. «La preuve, c’est que deux organismes reconnus en Belgique – la Fondation contre le cancer et le Télévie – nous ont financés. C’est un signe très positif.» Audrey Vanhaudenhuyse évoque une évolution sur un temps long, que ce soit pour les thérapies psychédéliques ou l’hypnose, pour laquelle on compte déjà trente ans de recul scientifique. Il fallait dépasser les craintes des hôpitaux et du corps médical grâce à des recherches rigoureuses et à la création d’outils efficaces.

Autre élément allié: la crise du Covid, qui a rappelé l’importance des soins de santé mentale. En décembre 2021, 24% de la population de plus de 18 ans déclarait souffrir de troubles anxieux et 21% de dépression, selon les statistiques de Sciensano. Les traitements médicamenteux classiques n’étant pas adaptés ou efficaces pour tous, des approches comme les thérapies psychédéliques pourraient, à long terme, entrer dans le registre du normal au sein du monde médical.

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