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La contraception masculine, ce n’est pas pour tout de suite

Stagiaire Le Vif

Si la pilule contraceptive féminine a révolutionné le quotidien des femmes il y a plus de 60 ans, elle est aujourd’hui remise en question. Au-delà des effets secondaires et des risques pour la santé, la charge mentale est aussi un facteur de ras-le-bol. Pourquoi les hommes ne pourraient-ils pas s’en charger? Plusieurs méthodes existent déjà.

Il y a 60 ans, la pilule a été une révolution pour les femmes. Elles pouvaient désormais être maîtresses de leur sexualité. Mais depuis quelques années, un mouvement « anti-pilules » voit le jour, né d’un ras-le-bol d’ingérer des hormones tous les jours. Une autre question est aussi apparue: pourquoi ce sont aux femmes d’assumer cette charge seule ? Même si la femme encoure le risque de tomber enceinte, l’homme a aussi sa part de responsabilité. Problème: de son côté, peu de solutions contraceptives existent.

La contraception masculine, on en entend parler depuis déjà quelques années, surtout d’une pilule qui fait l’objet d’études. Il y a quelques jours encore, une laboratoire américain annonçait avec beaucoup d’enthousiasme les résultats d’essais cliniques sur des souris, efficaces à 99%. Une pilule pour hommes arriverait-elle bientôt sur le marché? Le gynécologue et andrologue Daniel Murillo n’en n’est pas convaincu. « Depuis que je fais ce métier, donc plus de 30 ans, j’entends parler de cette pilule qui arrivera demain », ironise-t-il. Le médecin met en garde, « c’est un processus qui dure une dizaines d’années ». Il n’y aurait donc pas trop d’espoir de voir arriver une pilule pour hommes sur le marché de sitôt. Mais d’autres méthodes existent afin de permettre aux hommes de prendre en charge la contraception.

La méthode thermique

Une majorité d’hommes disant se charger de la contraception utilisent le préservatif. Il faut dire qu’il n’existe pas le même panel de choix contraceptifs pour les hommes que pour les femmes. Arnaud, 23 ans, s’est lancé dans la contraception masculine thermique il y a un peu plus d’un an. « J’ai décidé de commencer cette méthode parce qu’elle est simple et qu’il n’y a pas d’effets secondaires, contrairement à de nombreux contraceptifs féminins. » La contraception dite masculine thermique repose sur le principe d’augmenter la température des testicules grâce à la chaleur du corps ou à un dispositif externe chauffant. Et cette méthode n’est pas nouvelle.

En 1930 déjà, la pionnière suisse Marthe Voegeli avait observé un lien entre fertilité et chaleur grâce à des bains chauds donnés aux hommes. 50 ans plus tard, le docteur Roger Mieusset, en se basant sur les expériences qui avaient déjà été réalisées, mettaient en place le « slip chauffant ». Le slip n’émet aucune chaleur, mais il possède un trou qui permet de remonter les testicules plus près du corps, ce qui va les réchauffer. Avec seulement quelques degrés de différence, la production de spermatozoïdes chute drastiquement sous le seuil nécessaire à la fertilité.

Le docteur Daniel Murillo met quand même en garde sur la contraception masculine thermique, qui n’est pas encore certifiée médicalement. Elle n’en est, à ce jour, qu’au stade expérimental. Pour Arnaud, ça n’a pas été un frein, mais il avoue que si la méthode était déjà reconnue, il aurait eu encore plus de facilité à se lancer. « Vu que ce n’est ni connu ni reconnu, les démarches peuvent être difficiles et repoussantes », confie-t-il. Il faut en effet une prescription pour réaliser un spermogramme, afin de connaître son taux de fertilité, avant et après le port du slip chauffant. C’est d’ailleurs lui qui a dû expliquer à son médecin traitant sa démarche, parce que ce dernier ne connaissait pas vraiment le sujet.

Une révolution pour les femmes ?

Dans la plupart des cas, lorsqu’un homme s’intéresse à la contraception masculine, c’est souvent pour libérer sa compagne de la charge mentale, comme l’atteste le docteur Murillo. Mais le débat est encore houleux, et la prise en charge de la contraception par les hommes est parfois perçue comme un nouveau moyen de contrôler le corps de la femme. Le risque de grossesse est en effet toujours du côté de la femme, c’est pourquoi Daniel Murillo insiste sur la primauté de la contraception féminine: « Il faudra toujours soutenir la contraception féminine parce que c’est un axe essentiel de l’indépendance féminine. On peut militer pour la contraception masculine mais elle ne doit pas la remplacer« . Selon lui, ces méthodes ne peuvent intervenir dans le couple que s’il y a un bon dialogue. La confiance est en effet un facteur essentiel.

Pour de nombreuses femmes, il n’est pas envisageable de confier cette charge à leur compagnon, même si elles aimeraient ne plus l’assumer seule. Envisager une contraception partagée entre les deux sexes serait, pour le gynécologue, un terrain à creuser davantage. Chacun pourrait prendre en charge sa fertilité, évitant tout déséquilibre.

Même s’il est optimiste pour l’avenir, le docteur Murillo explique qu’il y a plusieurs freins à la généralisation de la contraception masculine. Beaucoup estiment que c’est encore une affaire de femmes. Les industries pharmaceutiques pensent que ce n’est pas rentable, et il y a également un manque de volonté politique. « Comme pour la contraception féminine, ça ne va pas se faire du jour au lendemain« , conclut-il.

Sarah Duchêne

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