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Eva Illouz : «La révolution sexuelle n’a pas donné le plaisir promis» (entretien)

La sociologue Eva Illouz décrypte la marchandisation des émotions à l’ère du «capitalisme affectif»et la matrice émotionnelle des régimes populistes. Rencontre.

L’amour est sa grande affaire, au même titre que la sexualité, la séduction, le bonheur, le «désamour». Cette diversité de thèmes ne doit pas éclipser l’unité de l’œuvre d’Eva Illouz, dont le thème central porte sur la marchandisation des émotions à l’ère du «capitalisme affectif». De livre en livre, depuis la parution de Pourquoi l’amour fait mal. L’expérience amoureuse dans la modernité (Seuil, 2012) jusqu’à son ouvrage sur le «capital sexuel», à paraître à la rentrée mais déjà fort attendu, cette universitaire franco-israélienne s’est férocement affirmée comme la sociologue des émotions par excellence.

Née dans une famille juive à Fès, au Maroc, Eva Illouz atterrit dans la banlieue parisienne à l’âge de 10 ans, fait brillamment ses preuves au lycée et à l’université, décroche un prestigieux doctorat à l’université de Pennsylvanie, avant d’opérer un retour aux sources à Jérusalem, en 1991, où elle s’impose comme l’une des intellectuelles critiques majeures de la politique du gouvernement israélien. Ce ton critique, qu’elle manie avec tant de maîtrise, et qui rivalise sans cesse avec la rigueur scientifique de la sociologue, se retrouve intact dans son dernier ouvrage Les Emotions contre la démocratie. Une poignante étude qui décrypte la matrice émotionnelle des régimes populistes.

Vous venez de publier tour à tour un ouvrage sur l’instrumentalisation des émotions par les leaders populistes et un autre, réédité, intitulé LaFin de l’amour. Quel est le dénominateur commun de ces deux ouvrages, différents à première vue?

Ils s’inscrivent tous deux dans une approche sociologique des émotions. Ma démarche consiste à identifier des processus et des structures sociales dans les émotions. Il convient de garder à l’esprit que l’intériorité des individus que nous sommes n’est pas un espace clos, éloigné et hermétiquement fermé à la société où nous vivons. Il s’agit plutôt d’un espace intérieur où le social se déploie. Par exemple, si j’envie la voiture ou le jardin de mon voisin, c’est parce que mon désir s’inscrit dans l’économie générale de la compétition et de la respectabilité de la classe moyenne. En explorant les émotions instrumentalisées par les régimes populistes, j’ai essayé de continuer mon chantier d’exploration des émotions en action dans nos sociétés modernes. L’histoire, les aspects économiques, la dimension sociale, tout cela s’incarne dans les émotions. Prenons l’exemple de la peur: elle peut exister à l’état diffus mais devient opératoire dans la sphère politique quand elle est articulée puis instrumentalisée. Les émotions se nourrissent de schémas narratifs (la peur de l’étranger ou d’un virus, par exemple). J’essaie de comprendre comment ces émotions sont exploitées par des acteurs politiques et comment elles arrivent à saturer la sphère publique et à changer les orientations politiques.

Nous reviendrons sur les émotions du populisme. Parlons d’abord de celles de l’amour. Le titre précis de votre ouvrage est La Fin de l’amour. Enquête sur un désarroi contemporain. Pourquoi est-ce un désarroi?

Le thème central du livre est la question de l’incertitude. J’y examine la façon dont les relations sexuelles et romantiques de nos jours sont traversées par l’incertitude. Par incertitude, j’entends le fait de ne pas savoir quelles sont les règles et les normes qu’on doit appliquer à une situation particulière. Il faut savoir qu’en tant qu’être social, nous aimons la certitude. L’amour, de nos jours, après la révolution sexuelle et tel qu’il a été métamorphosé par les réseaux sociaux et les applications de rencontre, consiste à gérer cette incertitude. Plus généralement, les modernes ne savent souvent pas très bien comment hiérarchiser des valeurs qui se font compétition dans certaines situations données. Cette fonction de hiérarchisation a disparu. Avant, on pensait par hiérarchie et binôme (homme/femme, noir/blanc, etc.). Cela permettait plus de clarté dans les relations de pouvoir. La démocratisation des relations fait qu’il y a beaucoup moins de clarté. Prenons un exemple simple: lors d’un rendez-vous galant au restaurant, il était clair et évident qu’il revenait à l’homme de payer. Aujourd’hui, c’est une source d’incertitude.

Cette incertitude et l’abolition des hiérarchies peuvent être considérées comme un progrès par certains. Or vous, vous semblez plus critique à leur encontre. En quoi sont-elles problématiques?

Que les choses soient claires: je ne souhaite en aucun cas revenir au passé, à ces temps où l’on a connu l’oppression des femmes, où la sexualité et le plaisir n’étaient pas légitimes. En revanche, on peut se poser des questions sur les chemins particuliers que prend notre modernité. Celle-ci emprunte des voies qui ne sont pas forcément linéaires et uniques. Si on pense à l’émancipation sexuelle, le fait qu’elle a été un projet politique important est une chose, mais ce projet, en réalité, a bien servi les industries du «capitalisme scopique». On connaît tous ces industries, publicitaires ou cinématographiques, qui ont exploité le corps et l’ont sexualisé à outrance. L’analyse sociologique consiste à démêler, d’une manière fine, les fils d’un phénomène sociologique et à chercher à savoir ce qui, dans ce phénomène, est porteur d’émancipation et ce qui a été récupéré à d’autres fins, à quel moment cela bifurque et devient autre chose. Le projet de l’émancipation sexuelle a été récupéré par le capitalisme. C’est cela que je regrette.

Vous dressez un bilan critique des effets de la libération sexuelle des années 1960-1970. Le capitalisme l’aurait détournée, soutenez-vous. Comment se manifeste ce dévoiement et en quoi le capitalisme en est-il responsable?

Cette récupération se révèle de plusieurs manières. Prenons l’exemple d’Hollywood, une industrie conçue, dès le départ, pour faire rêver les gens, notamment en sublimant les corps. Celui de la femme plus que celui de l’homme, d’ailleurs. Très vite après son installation dans le paysage, Hollywood fit écho à l’industrie de la mode. Les metteurs en scène ont rapidement mis en avant des femmes magnifiquement bien habillées, ultraesthétisées, exposées uniquement pour le plaisir du regard du spectateur. Les producteurs ont mis en place des canons de beauté qui auront une énorme influence sur la conception que les femmes se feront de leurs corps. Jusqu’aux années 1960, Hollywood était soumis au fameux «code Hays», qui censurait, entre autres, la violence et les scènes sexuelles. A l’époque déjà, les producteurs cherchaient par tous les moyens à se dérober à ces régulations, pour des raisons financières, parce que le sexe attire les foules. Mais à partir des années 1960, quand le corps sexuel n’était plus considéré comme honteux, le corps des femmes est devenu explicitement marchandise, une façon de vendre. La télévision reprendra les mêmes méthodes que l’industrie cinématographique. Ainsi, le corps hypersexualisé occupe une place prééminente dans les médias de masse, et cela nourrit la consommation de la mode et de la cosmétique, dont la quasi-raison d’être est de servir un corps sexualisé.

Vous ajoutez que, influencées par le capitalisme, les relations amoureuses «ont pris la forme d’un marché».

Au XVIIIe siècle, au sein des classes moyennes supérieures anglo-saxonnes, quand une fille atteignait ses 18 ans, on organisait un bal officiel avec des jeunes gens de sa classe sociale. C’était une manière de la montrer au monde de façon officielle. Des jeunes candidats se présentaient. On assurait donc une endogamie de classe. C’est totalement différent de la situation contemporaine où tout le monde se retrouve en compétition avec tout le monde pour rencontrer quelqu’un, où les barrières de religion, de classe ou de race, qui étaient des normes limitant considérablement le champ des possibles, sont tombées. Cette tendance se manifeste d’une manière flagrante sur les sites de rencontre où, pour approcher quelqu’un, on utilise les méthodes du marketing et de la publicité. Chaque individu, telle une marchandise, essaie de trouver une singularité qui le distingue des autres. Dans ce sens, les lois de l’offre et de la demande du marché deviennent opératoires dans le domaine de la rencontre amoureuse. Aujourd’hui, c’est la compétition. Je songe au personnage de Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte: son héros, ou plutôt antihéros, n’arrive pas à entrer en compétition avec les autres. Il ne comprend pas les nouvelles règles du jeu de l’amour et finit par abandonner la compétition en se suicidant.

Vous considérez l’amour comme un sujet politique et non comme une question d’ordre privé. Dans quelle mesure est-il politique?

Le féminisme a admis depuis longtemps que la vie privée est éminemment politique. Les féministes voulaient dire par là qu’il existe des relations de pouvoir, de violence, au sein de la famille. Elles cherchaient à décloisonner le privé et le public. De ce point de vue, il n’y a rien de nouveau. Mais il existe un deuxième sens, plus étroit, où on peut parler du caractère politique de la question de l’amour, la sexualité et la famille. Il concerne les populistes. Si on prête attention à leur discours, une bonne partie porte désormais sur la question homosexuelle, sur la démographie, sur l’avenir de la famille. C’est très clair chez le Premier ministre de Hongrie, Viktor Orban. Pour les populistes, la déconstruction de la famille est le signe de la décadence de l’Occident.

Plusieurs études récentes rapportent que les jeunes ont de moins en moins de partenaires et de rapports, malgré la libération sexuelle et la prolifération des applications de rencontre. Comment expliquez-vous ce paradoxe, du moins apparent?

En effet, ce paradoxe n’est qu’apparent. Car la sexualité se produit essentiellement dans des relations stables. Ces études corroborent les résultats de mes recherches: puisqu’il y a moins de relations stables, il y a moins de relations sexuelles. Quand vous avez une relation d’un soir, il s’agit bien, par définition, d’une relation d’un seul soir. Voire, au mieux, de quelques semaines. Dès lors, si vous avez une relation stable, vous faites l’amour plus régulièrement. La révolution sexuelle n’a absolument pas donné le plaisir continu qu’elle a promis. Pas plus que l’égalité, dans le sens où les femmes sont encore largement dominées, ne serait-ce que dans le sens émotionnel ; je parle de «domination émotionnelle» dans mes livres.

Les Emotions contre la démocratie, par Eva Illouz, Premier Parallèle, 330 p.
Les Emotions contre la démocratie, par Eva Illouz, Premier Parallèle, 330 p. © National

Venons-en à votre ouvrage sur le populisme. Vous prenez comme objet d’étude l’Israël de Benjamin Netanyahou. Pourquoi ce choix, précisément, et non les Etats-Unis de Trump ou le Brésil de Bolsonaro?

Il est vrai qu’en évoquant le populisme, on ne songe pas spontanément à Israël. Peut-être parce qu’il s’agit d’un petit pays et d’un peuple qui a une mémoire traumatique. Mais Benjamin Netanyahou, au pouvoir depuis 1996, est le premier à avoir utilisé la rhétorique populiste, qui consiste à diviser les peuples de l’intérieur. Sans vergogne, sans aucune hésitation, il a présenté la gauche en Israël comme un traître à la nation israélienne et au peuple juif. Il a aussi déclaré que les gens de gauche avaient oublié d’être juifs. Ce sont les mêmes qui ont construit Israël et sacrifié leurs enfants à la construction de l’Etat. Le populisme présuppose d’un côté un peuple pur et authentique, et de l’autre des ennemis de l’intérieur qui menaceraient ce peuple authentique. Cela peut épouser plusieurs formes. Aux Etats Unis, par exemple, on montrera du doigt les adeptes des théories «postcoloniales», on les désignera comme des traîtres qui culpabilisent leur nation de son passé colonial. Les internationalistes ou cosmopolites – dont Soros est devenu le symbole – sont devenus les ennemis de la nation.

Quelle est la matrice commune des leaders populistes?

Les leaders populistes à travers le monde se regardent et s’imitent. Viktor Orban, en Hongrie, a initié une réforme judiciaire qui a inspiré Israël. Aussi, en plus d’instrumentaliser les quatre émotions que j’ai relevées dans le livre – la peur, le dégoût, le ressentiment et l’amour de la patrie –, les leaders populistes se référent à un deep state, un Etat profond, qui serait contre le «pays réel» et le peuple. Tandis que la droite classique a toujours défendu les institutions, la police et la justice, la droite populiste les désigne comme ennemies. C’est une nouveauté. Cela signifie que les populistes comptent plus sur les foules, les masses, que sur les institutions. Benjamin Netanyahou a inauguré cette rhétorique de l’Etat profond qui le persécute et le victimise.

En évoquant le populisme, on ne songe pas spontanément à Israël. Pourtant, Benjamin Netanyahou est le premier à avoir utilisé la rhétorique populiste, estime Eva Illouz.
En évoquant le populisme, on ne songe pas spontanément à Israël. Pourtant, Benjamin Netanyahou est le premier à avoir utilisé la rhétorique populiste, estime Eva Illouz. © getty images

Votre analyse porte uniquement sur le populisme de droite. Pourquoi n’analysez-vous pas le populisme de gauche, théorisé notamment par la philosophe Chantal Mouffe?

A mon avis, on ne dispose pas de suffisamment d’exemples pour pouvoir comparer et juger de ses mécanismes. Certes, on a eu le cas d’Hugo Chavez au Venezuela. On peut aussi se pencher sur les discours de Jean-Luc Mélenchon en France ou de Podemos en Espagne. Je dirais toutefois que le populisme a quand même une tendance de droite. Il est plus facilement de droite que de gauche. Même si je reconnais l’existence d’un populisme de gauche. A gauche, il me semble être une question de tactique pour la conquête du pouvoir alors qu’à droite, il s’agit d’une véritable remise en question de la démocratie.

Vous relevez quatre ressorts émotionnels du populisme: la peur, le ressentiment, le dégoût et l’amour de la patrie. Quel est leur dénominateur commun?

Ils court-circuitent tous la rationalité. La rationalité est une notion fondamentale dans la théorie démocratique délibérative. Dans deux sens. D’abord, la rationalité dans le sens des économistes classiques. Cette rationalité explique que, en théorie, on défend nos propres intérêts. Sur le plan politique, cela se décline par le fait qu’on vote selon ses intérêts. C’est ce qui fait qu’un homme ou une femme politique compte sur la rationalité de l’électeur. Car si les électeurs ne défendaient pas leurs intérêts, cela mettrait radicalement en cause tout le modèle démocratique. Le second sens renvoie à l’idée de débat et délibération. Si, par exemple, vous et moi sommes en désaccord, on peut discuter jusqu’à se mettre d’accord ou trouver un compromis. C’est un point capital pour la liberté d’expression également. Car quand on permet à toutes les opinions de circuler, on le fait avec l’idée que l’opinion vraie prévaudra. Or, les émotions du populisme que je décris ne correspondent pas du tout à ce modèle de démocratie délibérative. Elles induisent en erreur et peuvent tout à fait orienter l’électeur vers un sens qui va radicalement contre son intérêt.

Néanmoins, pour vous, l’émotion qui chapeaute les autres dans les régimes populistes reste la peur. Pourquoi revêt-elle une telle importance?

La peur reste la pièce maîtresse du jeu populiste. Il faut se rappeler que la promesse initiale de nos démocraties modernes était de garantir aux citoyens de vivre dans une société sans peur. Une société sans la peur de l’autre ni de la «guerre de tous contre tous», comme disait Hobbes. Quand les populistes désignent des ennemis, de l’intérieur ou de l’extérieur, ils sollicitent directement cet affect. Dès lors, on peut facilement manipuler l’opinion et les peuples. Puisque nous préférerons toujours notre survie à d’autres biens moraux, comme la liberté.

On peut trouver étonnant de voir «l’amour de la patrie» assimilé à une émotion populiste. N’est-ce pas, au départ, un affect révolutionnaire et progressiste? On pense à Rousseau et, un peu plus tard, aux révolutionnaires de 1789…

Le patriotisme est, en effet, une émotion rousseauiste. Après la Seconde Guerre mondiale, on a commencé à utiliser davantage le mot «nationalisme», que je cite d’ailleurs dans le livre plus souvent que «patriotisme». Aussi, après cette guerre, le sens du mot est devenu ambivalent et plus complexe. Car les Allemands ont commis les atrocités que l’on sait au nom du nationalisme ; et les résistants et maquisards se sont également battus contre le nazisme au nom de la défense de la nation et de l’amour de la patrie. Le terme est donc devenu un mot-valise qu’on peut travailler dans tous les sens. A mon avis, il y aurait, d’une part, un nationalisme inclusif, à savoir un nationalisme qui inclut les immigrés, par exemple ; je pense notamment à la France des années 1930 qui a eu comme Premier ministre Léon Blum, un juif. Et d’autre part, un nationalisme exclusif. L’exemple le plus flagrant aujourd’hui reste Viktor Orban, qui a osé dire que les Hongrois n’aiment pas les gens de races mixtes.

Vous écrivez que «des sociétés civiles décentes devraient encourager certaines dispositions émotionnelles ou habitus émotionnels». Lesquels?

Il ne s’agit pas d’énumérer une liste d’émotions à provoquer. Les émotions sont liées à des histoires particulières. Par exemple, la colère, en soi, n’est ni populiste ni antipopuliste. Elle peut être révolutionnaire. Même chose pour la peur. L’émotion est d’abord une motivation à l’action. Le mot émotion a d’ailleurs la même racine étymologique que le mot «moteur». C’est quelque chose qui met en mouvement, pousse à l’action. D’où l’importance de l’histoire et de l’imaginaire qu’on associera à telle ou telle émotion. Cela étant précisé, s’il faut choisir une émotion en particulier, purement démocratique, je dirais la fraternité.

Vous insistez en effet beaucoup sur la fraternité dans votre livre. Dans quelle mesure peut-elle être le ciment d’une démocratie?

La fraternité ne serait pas le socle de la démocratie. Elle émerge plutôt quand les institutions font leur travail. Autrement dit, ce n’est pas le point de départ, mais le point d’arrivée. Quand les institutions répartissent les ressources de façon transparente et juste, quand elles se comportent de façon universaliste et s’expliquent sur leurs orientations politiques, je pense que de telles vertus pacifient les relations sociales. A partir de cette paix sociale naît la fraternité.

Bio express

1961 Naissance, le 30 avril, à Fès (Maroc).

1991 Obtient son doctorat à l’université de Pennsylvanie.

2004 Professeure de sociologie à l’université hébraïque de Jérusalem.

2012 Publie son premier ouvrage majeur en français, Pourquoi l’amour fait mal. L’expérience amoureuse dans la modernité (Seuil).

2015 Directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess).

2018 Chevalier de la Légion d’honneur.

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