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Pourquoi les femmes en ont assez des applications de rencontre: « Elles vous entraînent à rejeter l’autre »

Han Renard

Les applications de rencontre sont-elles un moyen efficace de trouver un partenaire, ou une perte de temps, d’efforts et parfois d’argent ? Les chercheurs et les experts en relations sont majoritairement négatifs quant à leurs effets. « Le but de ces applications est de nous frustrer. »

Aux États-Unis, les rencontres en ligne sont le moyen le plus populaire pour les hétérosexuels de chercher une relation depuis 2013. C’est ce que révèlent les enquêtes nationales à grande échelle menées par le sociologue Michael Rosenfeld (Université de Stanford) auprès d’adultes américains.

« Trouver des personnes avec qui sortir a toujours été un grand défi », explique Michael Rosenfelt à Knack. « D’après moi, les applications offrent une solution assez efficace à ce problème. » Le chercheur est généralement positif à l’égard des applications de rencontre, ajoute-t-il, « car les études montrent que ces applications permettent d’établir un pourcentage plus élevé de nouveaux contacts. Elles remplacent largement la famille et les amis, le lieu de travail et l’école, comme moyens de rencontrer de nouveaux partenaires ».

Ce n’est peut-être pas aussi rapide, mais ici aussi, les applications et sites de rencontre sont en plein essor. Selon les études menées par l’Université de Gand et l’Imec (Institut de micro-électronique et composants), la Flandre comptait environ 10 % d’utilisateurs actifs au début de l’année 2021 – des personnes qui se rendent sur une application de rencontre au moins une fois par mois, la grande majorité d’entre elles sur Tinder – contre 6 % l’année précédente.

« Cependant, il est difficile de se faire une idée précise car l’utilisation des applications de rencontre fluctue beaucoup. Les gens l’utilisent pendant un mois, puis arrêtent, réessayent un an plus tard. La plupart des entreprises à l’origine de ces applications ne donnent pas de chiffres sur leurs utilisateurs. De cette façon, ils veulent garder le mystère », explique la chercheuse Elisabeth Timmermans. Elle a consacré sa thèse de doctorat aux rencontres en ligne, elle a écrit un livreintitulé Liefde in tijden van Tinder (l’amour au temps de Tinder) et travaille comme psychologue.

Pour ceux qui recherchent des contacts sexuels occasionnels, les applications semblent une bénédiction. Mais sont-elles également destinées au groupe croissant de personnes qui espèrent trouver le grand amour grâce aux rencontres en ligne ?

Le journaliste américain Jon Birger, ancien rédacteur principal du magazine économique Fortune, a écrit deux best-sellers sur les rencontres en ligne. Son dernier livre, Make Your Move, est un appel aux femmes pour qu’elles abandonnent les applications et sortent dans le monde réel. Bien sûr, les relations en ligne existent, déclare Jon Birger, mais c’est un moyen pénible et chronophage de trouver un partenaire.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Birger n’est pas fan des applications de rencontre. Aux États-Unis, les jeunes célibataires passent en moyenne 20 heures par semaine sur des applications de rencontre, sans compter les rendez-vous. « Une gigantesque perte de temps« , dit-il. Birger explique que les études scientifiques démontrent que les relations qui se nouent en ligne durent moins longtemps, parce que les gens n’investissent pas autant de temps intime en ligne qu’hors ligne et rompent plus rapidement par la suite. En outre, sortir avec de parfaits inconnus peut être dangereux, surtout pour les femmes (bien que certains chercheurs ne voient guère de différence entre les relations qui se nouent en ligne et celles qui se nouent hors ligne).

Les partisans affirment qu’il est probablement plus sûr de rencontrer quelqu’un par le biais d’une application que de rentrer chez soi avec une personne rencontrée dans un bar, car l’application donne au moins des informations sur les deux parties. Les femmes peuvent également bloquer facilement les hommes louches dans l’application, ce qui est beaucoup plus difficile si la personne se trouve à côté de vous dans un bar et ne vous laisse pas tranquille.

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Selon Birger et d’autres, il existe toutefois un problème plus profond de confiance et de responsabilité sur les plateformes de rencontre – un problème qui se pose beaucoup moins lorsque vous fréquentez des personnes qui font partie de votre réseau plus large via vos amis, votre famille, votre voisinage, votre travail ou vos loisirs, et sur qui vous pouvez interroger des tiers si nécessaire. Sur les applications de rencontre, il y a beaucoup de mensonges. Les gens ne sont pas honnêtes sur leur statut relationnel – Elisabeth Timmermans a constaté dans ses recherches qu’une personne sur cinq sur Tinder a un partenaire – et sur leurs intentions. Les hommes en particulier disent souvent qu’ils veulent une relation alors qu’au fond ils cherchent du sexe. Il y a du catfishing, soit de faux profils qui ne cherchent qu’à s’enrichir. On ment également sur l’âge, le travail, la situation financière et le niveau d’éducation. La conséquence, c’est que certains googlent leurs partenaires à l’avance et abordent souvent le premier rendez-vous comme un interrogatoire, ce qui peut être assez désagréable.

Pour Michael Rosenfeld, la fiabilité des autres est un problème universel, quel que soit le mode de rencontre. « Et aussi : Google en sait plus sur vos partenaires potentiels que leur propre mère. C’est donc un avantage par rapport à l’ancienne façon de sortir avec quelqu’un. »

Frustration

Et pourtant, le monde des rencontres en ligne semble plus brutal et plus grossier que la vie réelle. « Pensez à ce que l’on appelle le « ghosting », ces rencontres qui disparaissent soudainement après quelques conversations et ne répondent plus. Cette pratique s’est énormément développée avec l’arrivée des applis de rencontre », explique Elisabeth Timmermans. « Dans mes recherches, 95 % des utilisateurs ont déclaré avoir été ghostés, et pour la plupart des gens, c’est une sensation très désagréable. »

Sur la base d’un nombre croissant de résultats issus de ses propres recherches et d’autres recherches, Timmermans se dit de plus en plus pessimiste quant aux effets des applications de rencontre. « Je ne dis pas: débarrassez-vous des applications. Elles peuvent fonctionner, mais je constate beaucoup de frustration et de lassitude à l’égard des applications de rencontre chez les personnes qui recherchent une relation. Il existe un lien entre le bien-être et l’utilisation de Tinder. Les recherches montrent que les gens deviennent plus malheureux et moins sûrs d’eux à cause d’applications comme Tinder.

D’après les études, la principale raison pour laquelle les gens installent Tinder et se mettent à swiper en est une de pur divertissement: comme un passe-temps, pour voir s’ils sont bons sur le marché, et éventuellement pour expérimenter. Mais ils ne sont pas nécessairement à la recherche d’une relation permanente. Elisabeth Timmermans : « Et seulement la moitié des personnes interrogées dans le cadre de notre étude ont réussi à rencontrer quelqu’un dans la vie réelle via Tinder. »

Les applis swipe comme Tinder fonctionnent sur la base de photos et d’un texte court. D’autres applications, comme Parship, établissent des correspondances en fonction de la personnalité. Ils réunissent des profils qui correspondent bien. En général, ces applications sont payantes et il faut remplir un questionnaire au préalable, ce qui peut prendre jusqu’à 20 minutes. Dans les applications payantes, le vivier de candidats n’est pas aussi important, mais des personnes sont là avec le même objectif et sont prêtes à faire un effort financier. Les « fun-daters » sont donc laissés de côté.

Mais, avertit Elisabeth Timmermans, « rien ne prouve que les tests de personnalité soient plus efficaces que l’apparence pour faire matcher les personnes. Regardez l’émission télévisée Blind Getrouwd (NDLR : la version flamande de Mariés au premier regard), où des personnes sont mises en relation par des experts en personnalité. C’est rarement un succès. »

Un trop grand nez

Grâce aux applications, les gens peuvent se rencontrer à une échelle beaucoup plus grande, notamment dans les grands pays. On pourrait penser que cela signifie qu’on a beaucoup plus de chances de trouver quelqu’un. Mais selon de nombreux chercheurs, cet énorme réservoir de candidats possibles rend le choix plus difficile. Et les gens sont moins satisfaits de leur choix par la suite et éprouvent des sentiments de regret. « Si vous cherchez un nouveau jeans dans un magasin qui propose trois modèles, vous les essayez et prenez le meilleur. Dans un magasin proposant une centaine de modèles, vous ne les essayez pas tous, mais tout au plus une dizaine, et vous en choisissez un. Mais ensuite, vous continuez à vous interroger: n’y avait-il pas un meilleur pantalon parmi les nonante autres ? C’est aussi comme ça que fonctionnent les applications de rencontre », dit Timmermans.

En psychologie, on qualifie ce problème surabondance de choix. Les applications rendent également les gens très prudents. De nombreux chercheurs constatent que les rencontres en ligne se font avec la même attitude que les achats en ligne.

« La question n’est pas de savoir si les applications de rencontre fonctionnent. Il ne manquerait plus que ça. Tout le monde connaît bien des gens qui ont rencontré leur partenaire sur une appli de rencontre », affirme l’experte en relations amoureuses Rika Ponnet, qui dirige l’agence relationnelle Duet. « La vraie question, c’est si ces applications améliorent notre vie amoureuse. Alors, la réponse est: non. »

La façon dont les gens nouent des contacts dans le monde réel aujourd’hui est – malheureusement – fortement influencée par les applications de rencontre, observe Mme Ponnet. « Il y a beaucoup plus de consumérisme et de nivellement des relations. L’éthique se détériore. Comme les rencontres en ligne manquent de contrôle social, les gens adoptent des comportements qu’ils n’oseraient jamais avoir en face à face. Par exemple, ils vont démolir le physique de l’autre s’ils voient une nouvelle photo, « tu es vraiment trop gros(se) pour moi », par exemple. Ou simplement ne pas se présenter à un rendez-vous. Une grande partie de l’empathie disparaît en ligne, l’idée que vous êtes face à une personne qui a des sentiments. Je vois de plus en plus souvent de personnes dotées de compétences sociales parfaites qui restent sur la touche sur ces applications et en sont profondément blessées. »

Rika Ponnet constate que les gens sont devenus plus exigeants. « Ils viennent avec toute une liste de souhaits, ils ont une tête une abondance de partenaires potentiels souvent irréaliste sur les applis de rencontre. Mais, sur des applications comme Tinder, on peut voir 50 à 60 profils par jour. Et donc, tout le temps, on va juger les gens sur des caractéristiques totalement insignifiantes : trop ou trop peu de cheveux, un nez trop grand ou trop petit, la taille de quelqu’un, la profession de quelqu’un. Un comptable est par définition ennuyeux. La personne aime Tomorrowland et vous aimez Werchter ? Du balai. La personne pose avec un chien ? Horrible. C’est comme ça que les gens fonctionnent. En fait, ces applications vous entraînent tout le temps à rejeter les autres. Mais en étant très exigeants sur des choses qui n’ont aucune importance pour une relation heureuse, les gens se tirent constamment une balle dans le pied. »

Et si on en arrive à un premier rendez-vous, c’est souvent la même chose. Les gens se disqualifient les uns les autres sur base de petits comportements et de remarques faites en passant, car, bien entendu, ils ne savent pas grand-chose d’autre sur l’autre personne et n’ont rien d’autre pour se baser.

Certains d’entre nous ont oublié ce que c’était de simplement parler à quelqu’un, au club de sport ou à une fête alors que selon de nombreux experts, c’est meilleur pour notre bien-être mental.

« Je ne trouve pas par principe que tout le monde devrait se débarrasser des applications », explique Rika Ponnet, « toute façon de rencontrer des gens est acceptable. Mais je donne un conseil : sortez, trouvez de vrais contacts, dites à vos connaissances et à vos amis que vous cherchez quelqu’un, et surtout, laissez tomber vos préjugés et vos exigences. Le mot clé, c’est la réceptivité. N’oubliez pas non plus qu’une photo ne dit pas grand-chose. Plus de 80 % de l’attraction est liée au langage corporel. »

Arrogant

Le problème de la surabondance de choix est l’un des principaux arguments des universitaires critiques qui affirment que non seulement les rencontres sur Internet conduisent à des rencontres moins qualitatives, mais détruisent également les relations existantes. Les avocats américains spécialisés dans les divorces indiquent qu’il y a de plus en plus de divorces liés au fait que l’un des partenaires a rencontré quelqu’un en ligne.

La psychologue clinicienne américaine Shawn Blue, auteure du livre The Psychology of Modern Dating, estime également que les applis de rencontre et la facilité avec laquelle elles promettent de nouveaux partenaires peuvent amener les gens à faire moins d’efforts dans leurs relations.

« Les applications de rencontre ont créé un état d’esprit selon lequel une personne est toujours ‘disponible’, attendant simplement dans une application », explique Shawn Blue à Knack. « Cela peut conduire les personnes à moins s’investir dans une relation et à faire moins d’efforts pour que la relation fonctionne, car il y a toujours un autre candidat romantique potentiel disponible sur l’application. Ce sentiment est renforcé par ces applis sont disponibles immédiatement et quand vous le souhaitez ».

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Il ne faut pas oublier que l’abondance promise et le flux ininterrompu de nouveaux partenaires potentiels sont, en pratique, souvent décevants.

« Nous visons souvent un peu plus haut en ligne que dans la vie réelle« , explique Elisabeth Timmermans. « Les profils séduisants, qui s’en sortent de toute façon très bien, sont donc encore plus regardés dans les applications, tandis que les autres groupes, qui ont déjà du mal dans la vie réelle, ont encore plus de mal. »

Rika Ponnet estime que le fait de n’avoir que peu ou pas de matchs réels sur les applications de rencontre est l’un des plus grands tabous actuels. « On a l’impression que l’on a autant de choix que l’on veut, mais souvent ce n’est pas le cas. Et cela provoque une énorme insécurité chez les gens, qui ne trouvent personne, même sur Tinder. Cela diminue énormément leur estime de soi. Bien que généralement, ces personnes n’aient aucun problème. Mais le fait est que les profils les plus populaires sont aussi ceux qui apparaissent le plus souvent, ce qui les rend encore plus populaires et souvent encore plus arrogants. »

Campagne

L’avantage de la surabondance de choix est opposé à la théorie de choix. Selon certains chercheurs, les rencontres en ligne, qui offrent un éventail beaucoup plus large de partenaires, conduisent en fait à de meilleurs matchs et donc à des relations amoureuses plus stables. Les applications qui ciblent les personnes à la recherche d’une relation stable utilisent souvent des questionnaires. Dans la vie réelle, il faudrait des semaines ou des mois pour rassembler toutes ces connaissances sur votre partenaire potentiel. Ici, tout est déjà là au premier rendez-vous. « L’internet« , explique le sociologue Michael Rosenfeld, « accélère considérablement le processus de collecte d’informations, de sorte que les couples formés en ligne décident souvent de vivre ensemble ou de se marier plus tôt. »

Les économies d’échelle des rencontres en ligne sont particulièrement utiles pour les groupes dont le marché de partenaires potentiels est plus restreint, comme les célibataires hétérosexuels d’âge moyen, les personnes de la communauté lgbtq+, les minorités ayant des préférences sexuelles très spécifiques ou les personnes vivant dans un petit village.

Pour la professeure invitée d’études de communication Lara Hallam (Université d’Anvers), qui travaille à un livre sur les rencontres en ligne, c’est un avantage des rencontres en ligne. « Evidemment, vous pouvez aussi rencontrer quelqu’un par vos amis, votre travail ou votre club de sport. Mais si vous n’y trouvez personne, une application est idéale pour augmenter votre vivier’.

Lara Hallam a trouvé son mari en allant sur Tinder pour ses recherches. « Mon mari est originaire de la région de la Campine, mais je ne serais jamais allée physiquement là-bas pour rencontrer quelqu’un. Mais une relation à long terme peut aussi naître de Tinder, j’en suis la preuve. »

Toutefois, elle conseille à chacun de se retrouver dans le monde réel dès que possible. « Votre match reste un inconnu virtuel jusqu’à ce que vous vous rencontriez hors ligne. »

Beaucoup d’applis ne sont pas à la hauteur, reconnaît également Lara Hallam, car elles ne peuvent pas vous aider à évaluer exactement le type de personne que vous recherchez et la façon dont elle se comporte dans ses relations. « Certains essaient de compenser ce problème de confiance permettant de laisser des commentaires après vos rendez-vous. Même si, bien sûr, vous pouvez aussi vous poser des questions à ce sujet. »

Pour Lara Hallam, l’aspect positif, c’est qu’il y a de plus en plus d’applications et sites de rencontre. Il y a les plus connues comme Tinder, Bumble, Grindr (pour les hommes gays), Meetic, Happn, Parship ou Elite dating, ou plus récemment, Facebook dating, une application qui recherche des correspondances en se basant sur toutes les informations que le réseau social a collectées sur vous. Mais il y a aussi Feeld, par exemple, pour les célibataires et les couples de toutes orientations sexuelles, qui a été qualifiée d' »application de drague pour les personnes émotionnellement matures » dans un long éloge du magazine The New Yorker. Lara Hallam : « Il existe des applications pour tous les goûts, toutes les niches, tous les âges et tous les niveaux d’éducation. Il existe des applications basées sur la religion, comme Muzz, une application de rencontre pour les musulmans. Il existe des applications qui favorisent les rencontres hors ligne. Et au Royaume-Uni, il existe même l’application de rencontre Muddy Matches, pour les gens de la campagne. Vous pouvez donc essayer toutes sortes de choses et trouver la plateforme qui vous convient. »

‘ »Cette technologie n’a rien de nouveau », déclare Lara Hallam. « Dans le passé, il y avait des mères désespérées qui cherchaient un partenaire convenable pour leurs filles. Il y avait toujours des tiers qui mettaient les gens en relation. Et il n’y a pas si longtemps, les gens cherchaient un partenaire par le biais d’une annonce dans le journal. Cette technologie ne fait que rajeunir cette recherche, grâce à l’internet et au smartphone ».

Personnes blanches

Mais la technologie des applications de rencontre est-elle neutre ? Est-ce que vous contrôlez tout par la façon dont vous interagissez avec l’application ? Ou bien ces applications – simplement parce qu’elles existent – influencent-elles notre comportement amoureux et notre environnement social, pour le meilleur ou pour le pire ? De nombreux chercheurs universitaires sont plutôt pessimistes et soulignent les effets potentiellement néfastes des rencontres en ligne, mais il n’y a pas encore de réponses définitives.

Spécialisé en philosophie de la technique, Lode Lauwaert (KU Leuven) est plutôt positif à l’égard des rencontres en ligne, même s’il y voit aussi des risques. « La nouveauté des rencontres en ligne, c’est que ce ne sont pas d’autres personnes, mais des algorithmes qui font des suggestions de partenaires potentiels. Mais au final, chacun fait ce qu’il veut. La question de savoir si les rencontres en ligne sont meilleures que les rencontres hors ligne est encore loin d’être réglée dans le monde universitaire. On pourrait penser que les rencontres en ligne sont une perte de temps, car la plupart du temps, on ne s’attarde pas aux matchs et, très souvent, ils ne débouchent même pas sur une rencontre. D’autre part, les algorithmes sont très bons pour prédire qui vous intéressera. Ils en savent souvent beaucoup plus que vous, sur la base de leur comportement passé en ligne. Mais bien sûr, ce qui n’est pas pris en compte dans le processus de mise en relation en ligne, ce sont les compétences sociales et émotionnelles d’une personne, son empathie, son langage corporel, son sens de l’humour, etc. Et une véritable connexion ne se crée qu’en faisant des choses ensemble. »

En tant que philosophe, il voit un certain nombre d’avantages en termes d’éthique. « Ces applications permettent aux personnes appartenant à des groupes minoritaires en termes d’orientation sexuelle de se retrouver beaucoup plus facilement et offrent – du moins en théorie et à ceux qui le souhaitent – la possibilité d’entrer en contact avec une personne d’une classe sociale ou d’une origine ethnique différente. »

Quand il pense aux problèmes éthiques, il pense d’abord aux préjugés raciaux dont les applications de rencontre peuvent se rendre coupables. Lode Lauwaert se demande toutefois si l’on peut parler de problème ou de discrimination dans ce contexte. « En général, les Blancs verront plus souvent des Blancs. L’algorithme effectue cette sélection sur la base de leurs préférences antérieures et de leur comportement en ligne. Est-ce un problème ? Il est éthiquement répréhensible que des applications qui recrutent des candidats pour un emploi éliminent des personnes en fonction de leur couleur de peau, de leurs tendances politiques ou de leur orientation sexuelle. Mais la sélection sexuelle est une autre affaire. N’importe qui comprendrait que je ne veux pas voir de profils d’extrémistes politiques sur une application de rencontre. Alors pourquoi y aurait-il un problème éthique si, par exemple, je ne trouve attirantes que les personnes blanches ou que les personnes minces et grandes ? »

Lode Lauwaert souligne le danger de la dépendance aux applications de rencontre. « Les nombreux rapports sur les applications de rencontre donnent toujours un coup de dopamine. Surtout pour les hommes, cela peut créer une forte dépendance. »

Payant

Si vous aimez utiliser les applications de rencontre, il faut continuer à le faire, mais n’oubliez pas que, d’un point de vue commercial, il ne s’agit pas de trouver rapidement l’amour de votre vie. Les algorithmes s’efforceront de faire en sorte que vous passiez le plus de temps possible sur l’application. C’est pourquoi les applications dites gratuites ne vous donnent pas accès à tout et à tous, et vous orientent vers des formules payantes.

« Les applications veulent que vous soyez juste assez satisfait pour rester et dépenser de l’argent pour elles, mais pas assez pour que vous n’ayez plus besoin de l’application », explique la chercheuse Elisabeth Timmermans. « Leur but n’est pas de nous rendre heureux et de nous aider à trouver l’amour de notre vie. Leur but est de nous frustrer. De sorte que vous finissez par dépenser de l’argent sur un compte payant de toute façon. Les applications permettent de garder un poisson sous les yeux en permanence. Que vous ne pouvez pas attraper. »

L’écrivain américain Jon Birger souligne également que les applications de rencontre ne sont pas conçues dans l’optique de notre bonheur. Ancien journaliste économico-financier, il décortique les rapports annuels des applications de rencontre. Chez Bumble, un site de rencontres dit féministe, il a trouvé en petits caractères, parmi les risques possibles pour les bénéfices de l’entreprise, « le danger que trop de gens s’engagent trop rapidement dans une relation à long terme grâce à l’application ».

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