Les professeurs figurent-ils toujours parmi les personnes les plus admirées? © GETTY IMAGES

Admirez, admirez, il en restera toujours quelque chose

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La philosophe Joëlle Zask veut remettre à l’honneur ce sentiment qui a perdu de son aura alors qu’il pourrait contribuer à apaiser la société malade de l’égotisme.

En opposition avec une société qui aurait tendance à le trouver désuet, la philosophe Joëlle Zask appelle, dans son dernier essai intitulé simplement Admirer (1), à entretenir le sentiment d’admiration, un «antidote à la fascination» et un «remède contre l’individualisme».

Que disent de l’admiration ses détracteurs contemporains? «Admirer, ce serait avouer son infériorité, faire preuve d’infantilisme, s’incliner devant quelque chose de grand et de puissant, placer ce qu’on admire sur un piédestal sans doute artificiel, renoncer à l’égalité», énumère l’autrice, qui n’en croit pas un mot. Pour elle, l’admiration est, au contraire, «une manière de nous décentrer pour nous tourner vers un événement (NDLR : ou une personne) extraordinaire qui nous étonne, qui nous propulse gaiement hors de nous-mêmes sans nous affaiblir, qui nous rend modestes sans nous rapetisser et nous fait grandir sans nous narcissiser». L’admiré peut être «la nature, un paysage, un professeur, tel inventeur ou tel sportif, des gens qui prennent des risques pour les autres». Mais quoi qu’il en soit, «on admire quelqu’un pour ce qu’il fait, non pour ce qu’il est

«L’admiration n’est ni rare ni réservée à des occasions exceptionnelles.»

En cela, l’admiration se distingue de la fascination et de l’adulation. «Alors que le fan et le fasciné recherchent une confirmation d’eux-mêmes, décrypte Joëlle Zask, l’admirateur, en s’aventurant hors de sa « zone de confort », fait entrer en jeu certaines de ses dispositions qu’il pouvait ignorer avoir ou qui étaient restées à l’état embryonnaire. Il découvre de nouvelles perspectives et se projette dans un futur qui lui est propre, mais dont il n’aurait pas eu la notion s’il n’avait pas rencontré ce qu’il admire.»

Entretenir le sentiment d’admiration serait donc non seulement un remède contre l’individualisme mais aussi un chemin d’apprentissage de la liberté. Or, «l’admiration n’est ni rare ni réservée à des occasions exceptionnelles. Au contraire, elle apparaît comme une expérience ordinaire, quotidienne, ou qui pourrait le devenir aisément si nous la cultivions, si nous apprenions à admirer». On l’aura compris, c’est ce à quoi nous invite Joëlle Zask, qui prône le développement d’une véritable culture de l’admiration. Ceux qui de leur parcours scolaire conservent le souvenir de l’admiration qu’ils portaient pour un de leurs profs n’en ont-ils pas retiré une satisfaction durable?

(1) Admirer. Eloge d’un sentiment qui nous fait grandir, par Joëlle Zask, Premier Parallèle, 192 p.

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