Benjamin Hermann

Le lieu commun de Benjamin Hermann | Les meilleurs ennemis, les pires amis

Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les amis de mes amis sont mes amis. Les amis de mes ennemis, eux, ne sont pas censés l’être. Pas plus que les ennemis de mes amis, d’ailleurs.

Mais identifier ses amis et ses ennemis n’est pas toujours chose aisée.

Ainsi, il fut une époque pas si lointaine où tous – ou presque – étaient amis. C’était un moment fort agréable, comme le soleil après la pluie. Le chef de la bande et ses amis avec lui s’étaient réjouis d’avoir fait libérer un concitoyen, croupissant injustement dans une geôle iranienne depuis 455 jours. Et avec lui, les amis s’étaient encore attelés à faire libérer trois autres otages. Quelques ennemis, ceux du camp d’en face, s’interrogeaient légitimement sur les concessions qui avaient conditionné ces libérations. Mais dans l’ensemble, une belle et authentique satisfaction était de mise.

Puis survint l’orage.

Tout le monde s’accordait sans difficulté sur la désignation d’un ennemi commun, ce «boucher de Téhéran» étonnamment venu parader, avec quelques-uns de ses propres amis, là où il n’était pas le bienvenu. Cette équation était somme toute élémentaire: Alireza Zakani est un ennemi.

Cela n’a pas empêché les uns et les autres d’en désigner d’autres, des ennemis, y compris parmi ceux qui sont censés être leurs amis. De les tenir responsables, in fine, de la venue de cet ennemi commun. C’est à ce moment que compter ses amis et ses ennemis est devenu une tâche nettement plus ardue, chacun désignant sa cible en fonction de sa propre position dans l’histoire.

Si vous êtes en charge de délivrer un visa à la personne indésirable, vous imputerez la responsabilité de la situation à celui qui a lancé les invitations. Surtout s’il est membre d’un gouvernement régional auquel vous n’avez pas été convié.

Si vous êtes un parti d’opposition, nationaliste ou d’extrême droite, qui doit remporter les élections l’an prochain en se faisant élire au nord du pays uniquement, vous imputerez la responsabilité de la situation au chef de la bande. Celui qui, lui aussi, doit se faire élire au nord du pays l’an prochain, mais dont le parti ne survivrait pas au moindre coup de grâce.

Si vous êtes le chef de la bande, vous soutiendrez votre amie, celle qui a délivré les visas. Mais du bout des lèvres uniquement, lorsque la tournure des événements deviendra trop fâcheuse.

Si vous êtes un parti dans l’opposition au fédéral et dans la majorité à Bruxelles, vous prendrez soin d’en imputer la responsabilité à l’un et pas à l’autre. Si vous êtes un parti dans l’opposition au fédéral et à Bruxelles, vous l’imputerez à l’un et à l’autre. Voire à la terre entière, si vous êtes un parti de gauche radicale dans l’opposition partout, mais en ascension fulgurante dans les sondages.

Si vous êtes un parti de la majorité, tant à Bruxelles qu’au fédéral, alors vous en imputerez la responsabilité à celle qui a délivré les visas, quitte à être applaudi par ceux qui, à l’accoutumée, ne font pas partie de vos amis. Vous le ferez en ciblant au passage l’encombrant ami à qui elle doit sa place, celui qu’on attend au tournant.

Surtout, vous le ferez en ne vous attaquant pas à la bande en tant que telle. Parce que, non, il n’y a pas plus important que les amis dans la vie.”

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