Joseph Ndwaniye

Pourquoi les infirmiers manifestent-ils?

Joseph Ndwaniye Infirmier et écrivain.

Les infirmières et infirmiers contestent le projet de modification de la loi sur les hôpitaux qui permettraient de les remplacer dans certaines tâches par des assistants en soins infirmiers.

20 mars 2024. Les infirmiers et infirmières manifestent au pied du cabinet du ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke. Ils contestent le projet de modification de la loi sur les hôpitaux proposé par le ministre. Depuis 2001, c’est la première fois qu’on assiste à une telle manifestation regroupant uniquement des infirmiers, de futurs infirmiers et leurs enseignants, qui ont répondu à l’appel des associations professionnelles.

En 1974, eut lieu la première manifestation des infirmiers. Plus de 10.000, soit 30% des forces vives. Ils réclamaient la sortie du statut de paramédicaux et demandaient l’obtention d’un statut propre, qu’ils ont obtenu: l’art infirmier. En 2001, nouvelle manifestation. Soucieux d’une meilleure qualité des soins aux patients, ils réclamaient la révision du statut des aides-soignants. La loi proposait six mois de formation et une cinquantaine d´actes pouvant être accomplis. Ils ont obtenu un allongement du temps de formation à un an avec 17 actes autorisés.

En reconnaissance du travail presté et des applaudissements reçus tous les soirs à 20 heures lors de la pandémie de Covid, les autorités avaient promis de travailler à une revalorisation du métier des infirmiers pour le rendre plus attractif. Il y a suffisamment de diplômés bien formés sur le marché mais les conditions difficiles dans lesquelles ils exercent les poussent à quitter la profession pour protéger leur propre santé (sur 150.000 en âge de travailler, seulement 126.000 sont encore dans les soins). Que propose le ministre de la Santé à la fin de cette législature: la modification de la loi sur les hôpitaux… à l’origine de la manifestation du 20 mars dernier. Ce projet permettrait d’imposer au chevet du patient les assistants en soins infirmiers (AESI), formés en trois ans, pour s’en occuper presque au même titre qu’un infirmier responsable des soins généraux (IRSG), formé en quatre ans. Cela constituerait un risque pour la prise en charge des patients. Des études scientifiques ont démontré que l’augmentation de personnel moins qualifié au chevet du malade est corrélée à un taux de mortalité plus élevé.

Les directions des hôpitaux ont compris que l’enjeu (la bonne qualité des soins aux patients) est plus important que la réduction des coûts que leur permettrait l’engagement de personnel insuffisamment qualifié. Ils ont donc encouragé le personnel infirmier à prendre part à cette manifestation organisée hors d’un préavis de grève et non encadrée par les syndicats. Doit-on s’inquiéter de la faible mobilisation (1.000 personnes) quand on connaît l’importance des enjeux? Une partie des infirmiers et des infirmières se mobilisaient pour la première fois. Les néerlandophones n’ont pas tardé à mettre en application la loi sur les professions de santé défendue, depuis 2023, par le ministre en démarrant la formation des assistants en soins infirmiers dès la rentrée 2023-2024. Peut-on parler d’une politique à deux vitesses entre le nord et le sud du pays? La Belgique ne se met-elle pas hors la loi en dispensant une formation non conforme à l’échelon européen alors que les infirmiers sont amenés à exercer dans tous les pays de l’UE et que les patients devraient bénéficier des soins de même qualité partout? Plus de réponses dans quelques semaines.

Joseph Ndwaniye est infirmier et écrivain.

«Peut-on parler d’une politique à deux vitesses entre le nord et le sud du pays?»

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