Anne-Sophie Bailly

MeToo à Cannes: pour que le courage des victimes l’emporte sur l’impunité

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Le Festival de Cannes s’est ouvert et MeToo s’est invité sur la Croisette. Avec des constats désolants. Notamment celui que l’impunité grandit malgré le courage des victimes.

«Depuis sept ans, nous parlons pour nous et pour toutes les femmes, hommes et enfants qui ne peuvent pas le faire.» «Malgré le courage des victimes, c’est l’impunité qui grandit.» «Nous n’acceptons plus les effets d’annonce sans résultats.» Ces quelques phrases sont extraites d’une tribune publiée par Le Monde à la veille de l’ouverture du Festival de Cannes et signée par près de 150 personnalités réclamant l’instauration, en France, «d’une loi intégrale sur les violences sexuelles». Derrière le projet, un constat: celui que le phénomène MeToo touche toutes les strates de la société, tous les secteurs d’activité. Qu’il est pluriel et avéré. Mais toujours insuffisamment pris en compte.

«Inclure le consentement dans la définition du viol aurait déplacé la loi du côté de la victime.»

Et de fait, l’affaire Weinstein a indubitablement permis de faire sauter certains verrous et de libérer la parole. Il faut s’en réjouir. Mais sept ans après la vague mondiale initiée par ces révélations, ce n’est plus suffisant. L’heure devrait être aux avancées sur les plans de la prévention et de la protection, aux actes en matière de justice. Dire que rien n’a été fait serait mentir. La loi Stop Féminicide en Belgique, même imparfaite, constitue un exemple de jalon posé pour lutter contre les violences faites aux femmes. Mais cela reste largement insuffisant. A l’échelon européen, un coche majeur a même été récemment manqué. En effet, un cadre commun à tous les membres de l’Union a été établi pour définir et sanctionner les mariages forcés, les mutilations génitales, le harcèlement, l’incitation à la violence. Un volet protection des victimes a, en outre, été instauré. Bref, un important package judiciaire qui constitue autant d’avancées fondamentales en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Sauf que dans le cadre de cette standardisation de la lutte, l’Europe n’a pu s’accorder sur la définition du viol. Une série de pays, dont la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas, ont refusé de mettre au centre de cette définition la notion de consentement, comme le prévoit, par exemple, la loi belge. Or, ce refus revient à continuer d’envisager l’arsenal législatif en se plaçant du côté de l’auteur. Ce refus implique que des notions de force, de menace ou de contrainte doivent être invoquées pour la qualification de viol. Alors qu’inclure la notion de consentement aurait déplacé la loi du côté de la victime puisque à défaut de consentement, l’acte serait un viol. Que «seul un oui voudrait dire oui».

Cet exemple récent montre que le changement de paradigme n’a toujours pas été acté. Qu’il faudra donc encore écrire des tribunes ou s’emparer d’événements comme Cannes pour continuer à exiger la fin des effets d’annonce, sans résultats. Pour que le courage des victimes l’emporte enfin sur l’impunité.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire