Gérald Papy

Poutine, spécialiste de la destruction et… de l’ autodestruction

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Poutine va-t-il signer son suicide politique ?, s’interroge Gérald Papy, rédacteur en chef adjoint du Vif.

Une rencontre, le 13 octobre, entre Vladimir Poutine et le médiateur Recep Tayyip Erdogan à Astana, au Kazakhstan ; une déclaration du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov indiquant que le président russe accepterait de rencontrer son homologue américain Joe Biden lors du sommet du G20 les 15 et 16 novembre à Bali, en Indonésie… Quelques semaines après le début de la guerre en Ukraine, ces annonces auraient soulevé l’espoir que la négociation puisse l’emporter sur la confrontation militaire. Aujourd’hui, elles ne suscitent que le scepticisme.

En presque huit mois de conflit, les militaires russes ont commis le massacre de Boutcha, ont déporté des populations, ont bombardé délibérément des civils. Les politiques russes ont purement et simplement annexé quatre régions d’Ukraine en se fondant sur des consultations populaires organisées sous la pression des armes. Qu’est-ce qui pourrait être encore négocié pour permettre une fin des combats?

Désormais, Vladimir Poutine ne peut pas accepter un retrait de son armée de territoires que lui et une partie de sa population considèrent comme russes sauf à signer son suicide politique. Hier comme aujourd’hui, Volodymyr Zelensky et le peuple ukrainien ne peuvent tolérer de voir leur pays privé de 20% de sa superficie. La marge de négociation est inexistante. La faute au président russe, coutumier du diktat du fait accompli. En Géorgie en 2008, en Ukraine déjà en 2014, la même stratégie a été utilisée sur le mode «j’envahis et puis, on négocie à mes conditions». Peut-on raisonnablement le laisser à nouveau procéder de la sorte et ouvrir la porte à un nouveau coup de force, demain?

Qu’est-ce qui pourrait être encore négocié pour permettre une fin des combats?

Sauf développement surprise, il n’y a donc qu’une victoire militaire de l’Ukraine ou une révolution de palais à Moscou qui pourrait réduire la souffrance des Ukrainiens et atténuer le préjudice économique du conflit pour les Africains, les Européens, les Asiatiques…

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Il faut évidemment éviter de verser dans le manichéisme. Avant le 24 février 2022, les dirigeants ukrainiens ont commis des fautes qui ont contribué à la radicalisation russe. Après, les militaires ukrainiens ont commis des crimes, même s’ils sont sans commune mesure avec ceux des Russes.

Mais le déroulement du conflit révèle une constante encore illustrée par les développements de ces derniers jours. L’Ukraine mène une guerre de défense de son territoire. Le pont de Kertch, ciblé le 10 octobre, pouvait être considéré comme un objectif militaire en tant que voie d’approvisionnement des troupes d’occupation russes du sud de l’Ukraine. L’ attaque a été précise. Elle a fait trois morts. La Russie mène une guerre de destruction d’un Etat voisin, visant en l’occurrence une «désukrainisation» de cette terre. La réplique au coup porté à l’ouvrage qui avait scellé le rattachement de la Crimée à la Russie a consisté à bombarder sans discernement immeubles résidentiels, tours d’habitation, école, gare, installations électriques… Elle a fait une vingtaine de tués.

Vladimir Poutine s’est exclu lui-même du champ des relations responsables et civilisées entre Etats. Au nom de quoi faudrait-il l’y réintégrer?

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