Jules Gheude

Vooruit et PS, ces partis que l’on dit « frères »…

Jules Gheude Essayiste politique

PS et Vooruit, deux partis frères ? Pour l’essayiste politique Jules Gheude, la formation de Paul Magnette et celle de Conner Rousseau ont plusieurs raisons de s’opposer.

Paul Magnette, le président du PS, était présent à la séance de vœux du parti socialiste flamand, Vooruit, le dimanche 22 janvier dernier. Lui qui a clairement fait savoir qu’il ne pouvait être question de s’engager avec la N-VA sur la voie du confédéralisme, dut être quelque peu embarrassé en entendant son homologue flamand, Conner Rousseau, déclarer : « Quiconque peut compter sait que vous ne pouvez pas contourner N-VA. »

L’idée d’une alliance Vooruit-N-VA avait déjà été évoquée en septembre 2022, lorsque Conner Rousseau avait clairement fait l’éloge de la N-VA dans une interview accordée au journal De Morgen : « Je fais davantage confiance au bourgmestre d’Anvers qu’à d’autres personnalités politiques. De Wever assure la cohésion et nous donne l’espoir nécessaire pour faire notre travail. Les gens n’aiment peut-être pas entendre cela à gauche, mais il tient parole et fait des compromis et si cela est vraiment le cas, alors il semble qu’une collaboration avec la N-VA soit possible. » 

En fait, le positionnement de Conner Rousseau est de nature purement stratégique. Il vise à isoler/court-circuiter l’extrême-droite en Flandre. Sauf que la N-VA, tout comme le Vlaams Belang, vise le démantèlement du Royaume de Belgique et l’émergence d’une République flamande. Conner Rousseau en a parfaitemlent conscience puisqu’il a aussi lâché lors des voeux de son parti, à l’adresse du ministre-président flamand N-VA : « Monsieur Jambon, vous devriez avoir honte. Foutre en l’air la Belgique vous intéresse plus que rendre la Flandre plus forte ».

Il y a aussi cet autre avertissement de Conner Rousseau, lancé à la fin de l’an dernier : « Si la N-VA va quelque part avec le Vlaams Belang, alors je fais exploser toutes les coalitions avec la N-VA. »

Ce qui avait amené Bart De Wever à clarifier sa position quant au Vlaams Belang : « J’attends toujours le changement dans ce parti. Ils passent d’un incident à un autre, ce qui rend ce parti difficilement fréquentable. Avec sa rancœur, il retombe toujours dans les problèmes. S’ils font un jour ce nettoyage, alors pour moi, ça peut se faire. Mais les seuls qui en décideront seront les membres de la N-VA, et je ne pense pas que Conner Rousseau soit membre de la N-VA. »

On sait qu’une septième réforme de l’Etat est programmée pour 2024. Pour Paul Magnette, il est exclu d’ouvrir la porte du confédéralisme voulu par la N-VA. Car cela reviendrait à mettre à mal la sécurité sociale, fonds de commerce du PS. Mais Vooruit est-il ici sur la même longueur d’onde que le PS ? Le fait de partager le même bâtiment du boulevard de l’Empereur à Bruxelles n’empêche pas le PS et Vooruit d’emprunter des chemins sensiblement différents.

Les relations entre les deux formations s’étaient d’ailleurs fortement détériorées après le scandale du Samusocial à Bruxelles. John Crombez, alors président du SP.A, s’était dit « dégoûté » par le comportement d’Yvan Mayeur. « Le degré de perversité du PS bruxellois n’a pas de limite », avait-il  précisé, menaçant de quitter la majorité bruxelloise si le bourgmestre ne démissionnait pas. 

Il y eut ensuite la sortie du livre « Nouvelles conquêtes », dans lequel Elio Di Rupo, talonné par le PTB, se prononçait pour une radicalisation de stratégie au PS. Une radicalisation qui n’était pas du goût de John Crombez : « Les recettes proposées par Elio Di Rupo s’éloignent fortement des nôtres. La société que je désire est très différente de la sienne. » Pour les observateurs, la « rupture idéologique » était consommée.

On se souvient également de ce constat de Conner Rousseau, en avril 2022 : « Quand je roule à Molenbeek, moi non plus je ne me sens pas en Belgique », qui avait suscité la réaction indignée d’Ahmed Laaouej, le chef de groupe du PS à la Chambre : « Les propos de Conner Rousseau sont intolérables. Stigmatisants et xénophobes. Bruxelles est une région cosmopolite avec des quartiers connaissant une grande diversité de population. Ils méritent mieux qu’un mépris digne d’une discussion de bistrot. Lamentable et insupportable. »

Un autre fait doit retenir notre attention : Conner Rousseau se sent pousser des ailes ! Le dernier Grand Baromètre de RTL/ Le Soir donne en effet un Vooruit se situant désormais à 16,8% – soit une progression de 2% – et devenant ainsi la troisième formation flamande après la N-VA (21,6%) et le Vlaams Belang (21,5%).

Il n’en faut pas plus pour que d’aucuns imaginent déjà un duel avec Paul Magnette, le président du PS, pour le poste de Premier ministre. Certes, la progression de Vooruit est significative, mais le parti est encore loin des 22,9% dont est crédité actuellement le PS. Il est vrai aussi que la politique réserve parfois d’étonnantes surprises.

Un chose, cependant, paraît évidente : la N-VA et le Vlaams Belang pourraient détenir ensemble la majorité absolue au Parlement flamand, au lendemain des élections régionales de 2024. Si la Belgique est alors confrontée à un blocage total et à l’impossibilité de pouvoir former un nouveau gouvernement, les deux formations séparatistes bénéficieraient de la légitimité démocratique pour proclamer unilatéralement l’indépendance de la Flandre. En l’absence de pouvoir central fort à Bruxelles, l’Union européenne ne pourrait alors qu’acter l’implosion du Royaume.

Jules Gheude, essayiste politique

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