Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux : «Het verhaal van Vlaanderen», la série télé historique sponsorisée par des ministres N-VA qui fait débat

Pierre Havaux Journaliste au Vif

La Flandre tombe sous le charme d’une série télévisée qui retrace en dix épisodes les moments-clés de son passé. « Het verhaal van Vlaanderen », largement saluée pour sa qualité, enchante également la N-VA dont trois de ses ministres – Jan Jambon, Ben Weyts, Zuhal Demir – ont participé à son financement. Sans le concours de ces subsides gouvernementaux, pas sûr qu’une VRT désargentée aurait pu se payer une telle production. Il n’en faut pas plus pour que naisse le soupçon d’une instrumentalisation nationaliste au service de l’identité flamande.

C’est l’attraction télévisuelle de l’année nouvelle: une invitation à une jolie balade à travers l’histoire de Flandre, glissée sous le sapin avec les bons vœux de la VRT. Chaque dimanche en soirée, au fil de dix moments clés, le commun des mortels flamands du XXIe siècle a le loisir de découvrir le passé de sa contrée depuis les temps les plus reculés. Et la soif d’apprendre est visiblement bien présente, à en juger par le gros million de téléspectateurs enregistrés lors de la première livraison, diffusée le 1er janvier, et qui mettait à l’honneur les Flamands en version préhistorique.

Une plume au chapeau de la chaîne publique avec ce produit unanimement salué pour sa qualité technique et sa teneur pédagogique.

Il faut dire que les moyens sont à la hauteur des ambitions. Avec plus de six millions d’euros, on peut parler d’un budget de superproduction à l’échelle d’une VRT désargentée et, pour tout dire, bien en peine de trouver dans sa tirelire de quoi financer la totalité d’une telle épopée. Qu’à cela ne tienne, de généreux donateurs se sont mobilisés pour que Het verhaal van Vlaanderen puisse advenir. Ainsi donc, plus d’un ministre flamand y a été de son obole en puisant dans son enveloppe budgétaire: ici, le ministre-président Jan Jambon au nom du soutien à la culture et de la promotion de l’image de la Flandre ; là, Ben Weyts, au nom de l’instruction des écoliers ; ailleurs encore, Zuhal Demir au nom de la valorisation touristique. Rien que des ministres N-VA à la rescousse, si l’on excepte le CD&V Benjamin Dalle qui pouvait difficilement s’abstenir de verser sa part en sa qualité de ministre des Médias.

Se pourrait-il vraiment que le diable nationaliste se cache dans les détails du scénario?

Il n’en fallait guère plus pour que ce 1,1 million de subsides, provenant de canaux ministériels divers et variés, alimente le soupçon. Pour que des esprits chagrins ou simplement critiques suspectent dans ce sponsoring gouvernemental quelques visées propagandistes.

Car à côté du controversé «canon flamand» en gestation, cette liste de références culturelles et historiques appelées à baliser le cheminement vers une identité flamande, à côté aussi d’un futur musée de Flandre en version digitale, voilà une série historique grand public qui tombe à pic pour nourrir un peu plus encore le credo assumé et revendiqué par le gouvernement Jambon (N-VA – CD&V – Open VLD): insuffler à la Flandre la conscience de former une nation, demain peut-être un Etat. La VRT se voit d’ailleurs priée, par son cahier des charges, d’apporter sa pierre à cet édifice par une attention plus soutenue à l’identité flamande. Voilà qui est chose faite, en toute indépendance jure-t-on, et à la satisfaction de la N-VA enchantée par l’engouement ambiant et qui, dans son magazine interne, annonce une prochaine recension de «livres, strips et jeux connectés à la série», comme autant de produits dérivés.

La machine de guerre identitaire tournerait carrément à la coûteuse fixation, s’offusque l’opposition Vooruit, alors que les besoins sont criants dans des écoles en manque de profs ou des crèches en crise.

Mais se pourrait-il vraiment que le diable nationaliste se cache dans les détails du scénario? Réponse peut-être lorsque la machine à remonter le temps s’appesantira sur le vécu flamand dans une Belgique un temps sous le joug francophone.

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