Taxer la consommation et le patrimoine : pas le choix !

La fiscalité sur le travail ne sera pas aggravée, même plutôt réduite. Tous les partis sont d’accord là-dessus. Restent deux voies pour augmenter les recettes de l’Etat : la fiscalité indirecte et la taxation du patrimoine.

On trouve peu de détails dans les programmes des partis sur ces deux pistes fiscales. Et pour cause : il serait suicidaire pour les candidats d’annoncer aux citoyens la manière précise dont on compte les ponctionner avant le passage aux urnes. Pourtant, à écouter les économistes et les experts en fiscalité, il existe des pistes raisonnables qui devront forcément être envisagées.

Augmenter la TVA : un tabou ?

Relever le taux principal de la TVA, fixé à 21 %, constitue toujours un tabou en Belgique. Bon nombre de pays européens, comme l’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, s’y sont résignés, tandis que la Belgique n’y a plus touché depuis fort longtemps. Le principal argument invoqué par les partis, surtout les socialistes, est celui de l’injustice sociale : taxer plus fortement la consommation pénaliserait davantage les personnes à faibles revenus qui consomment plus et épargnent moins que les personnes à plus hauts revenus. Leur pouvoir d’achat diminuerait donc plus que celui du reste des consommateurs. Pour les économistes, le raisonnement est un peu court, car les recettes engrangées permettraient, par exemple, de relever les petites pensions, ce qui s’avère socialement éthique. Le discours politique sur le sujet pourrait donc évoluer…

Autre problème : notre Etat pratique le système particulier de l’indexation des salaires. Or une augmentation de la TVA, même légère (de 0,5 %), entraînerait ipso facto, via la hausse des prix, une adaptation de l’index. Paradoxe : ce sont les employeurs qui régleraient in fine la facture, alors que tous les partis veulent justement les préserver d’une addition fiscale alourdie pour ne pas détériorer notre compétitivité. A moins que la vieille idée de Guy Quaden, gouverneur de la Banque nationale, d’une indexation forfaitaire qui immuniserait les plus faibles revenus ne ressorte des limbes. Autrement dit, au-delà d’un plafond, l’augmentation ne serait plus proportionnelle. Exemple ultra-simplifié : si la TVA et les prix augmentaient de 1 %, un salaire de 1 000 euros passerait à 1 010, un salaire de 2 000 euros à 2 010, un salaire de 3 000 à 3 010, etc. Ce qui serait beaucoup moins lourd pour les employeurs. Mais la pilule paraît impossible à faire avaler aux syndicats, soucieux de défendre aussi les classes moyennes. Sauf qu’en temps de crise budgétaire…

Le prochain gouvernement pourrait aussi décider de soumettre à la TVA des secteurs professionnels qui ne le sont pas ou le sont partiellement, comme le secteur financier dont de nombreux services échappent à la taxation indirecte. Le secteur de l’Horeca, lui, pourrait voir supprimer la réduction si chèrement acquise de sa TVA (de 21 à 12 %), vu le peu d’effet sur les prix à la carte et sur la régularisation du travail au noir. Une étude de Test-Achats vient de le démontrer. Les libéraux s’y opposent dans leur programme, mais François-Xavier de Donnea (MR) vient toutefois de rappeler, dans le quotidien L’Echo :  » Nous n’avons pas signé un chèque en blanc.  »

Autre volet de la fiscalité indirecte : les accises que l’on prélève sur des produits (alcool, tabac, essence…) qui ont un effet négatif en termes de pollution ou de santé pour l’ensemble de la société. Le prochain gouvernement pourrait légèrement les augmenter, y compris pour le diesel dont l’effet moins nocif pour la santé n’est pas démontré surtout en milieu urbain (émission de NO2, dioxyde d’azote). Le risque est évidemment de provoquer la colère des professionnels de la route, les camionneurs, les taximen… Le mazout de chauffage pourrait, lui aussi, se voir davantage taxer : la Belgique est l’un des pays européens qui taxe le moins le gasoil émetteur de CO2, dont les ménages remplissent leur cuve. Cette augmentation pourrait être compensée, sur le plan social, par des mesures favorables aux bas salaires, à l’instar du chèque mazout qui, depuis 2004, a été attribué aux ménages les moins fortunés.

Cibler le patrimoine mobilier ou immobilier ?

Comparé à nombre de voisins européens, le patrimoine – contrairement au travail – n’est pas si lourdement imposé en Belgique. Dans leurs programmes, pratiquement tous les partis s’accordent pour taxer davantage le capital, après le 13 juin, sans évoquer trop les détails de leurs intentions. Une piste serait de relever le précompte mobilier qui est de 15% pour les produits à revenu fixe, tels que les obligations et bons de caisse. Sentant le vent tourner, Febelfin, la fédération des banques, a déjà invité le futur gouvernement à faire preuve de prudence, en ressortant le refrain désormais connu : alourdir la fiscalité sur les produits financiers compliquerait l’accès au crédit et freinerait l’économie.

Autre piste en matière patrimoniale : l’immobilier. En ciblant les biens immeubles, l’avantage serait de réduire le risque de fuite des richesses au-delà de nos frontières. Un exemple : la Belgique ne taxe pas le loyer réel, sauf pour les locataires qui occupent le bien immobilier pour un usage professionnel. Que ce soit pour les immeubles qu’ils occupent ou pour ceux qu’ils louent, les propriétaires ne paient qu’un impôt sur le revenu cadastral. Lequel a été déterminé par la dernière péréquation (une révision normalement prévue tous les dix ans) des revenus cadastraux, calculée en… 1980 sur la base des revenus locatifs de 1975. En trente-cinq ans, certains quartiers, comme le Sablon à Bruxelles, ont vu leur valeur immobilière bien plus augmenter que d’autres. Une injustice à laquelle pourrait remédier le prochain exécutif.

Enfin, côté francophone, le PS et Ecolo proposent un impôt sur les grosses fortunes : à partir de 1,25 million d’euros pour les socialistes et de 1 million pour les verts, tout en exonérant la maison d’habitation et le patrimoine professionnel. Ce genre de mesure a déjà été évoquée lors d’autres campagnes électorales. Selon certains fiscalistes, même si le message passe bien au niveau de la population, cela supposerait de déployer beaucoup d’énergie administrative mais ne remplirait pas les caisses de l’Etat de manière substantielle et ferait fuir les fortunes françaises exilées en Belgique.

THIERRY DENOëL

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