Pom pom boys

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

ILS L’ONT FAIT ! ILS ONT PRIS LEURS MALLETTES POUR SAUTER dans le premier train. Direction Londres. Au menu, show et pas de deux. A l’affiche, le Premier ministre et le ministre des Finances. Objectif : rassurer les milieux financiers. Oui, la Belgique va bien ; non, elle n’est pas au bord de la faillite. Pour preuve, un taux de croissance inattendu de 2,6 % ; une épargne qui bat tous les records ; une dette publique inférieure à celle de bien des pays qui nous entourent. Un exercice d’acrobatie et de prestidigitation dans lequel excelle un certain Georges Papandréou. Oui, mais voilà, la Belgique n’est pas la Grèce… Enfin, c’est ce que l’on croyait. Et pourtant, l’initiative d’Yves Leterme et de Didier Reynders laisse songeur. Et la conclusion de l’agence de notation Moody’s est sans appel : il nous faut un gouvernement, et vite !

Entre-temps, au pays de l’  » absurdie « , les persiflages et passes d’armes se sont multipliés. En vedettes américaines cette fois-ci, Olivier Maingain et Bart De Wever pour un round médiatique qui n’intéresse… que quelques journalistes, et encore. Maingain rêvait sans doute de faire coup double : tester la mâle résistance du frais émoulu président du MR, Charles Michel, et poser ses bombinettes dans la perspective d’élections dont l’ombre plombe déjà sérieusement l’automne prochain. De Wever, c’est pour lui le compère idéal. Non seulement, il démarre au quart de tour à la moindre provocation, mais il a le sens de la formule qui percute. Un adversaire digne du talent querelleur du président du FDF pour un dialogue de sourds qui vire au tintamarre. Mais qu’importe, ils occupent, eux aussi, la scène, le temps pour Elio Di Rupo d’affiner sa note ! Profiter du  » momentum  » pour se faire un peu de pub, quelle aubaine ! Même si, dans cette affaire, on se demande vraiment qui sert les intérêts de qui.

A les voir s’étriper ainsi, on se dit que la politique est bien devenue la chose d’une caste fermée. Les sentiments des peuples ont des raisons que, visiblement, leur raison ne connaît pas. Avec leurs querelles stériles, nos élus nous démoralisent comme on dévitalise. L’exhibition exige toujours plus d’exhibition. La provocation aussi. Et nous devrions croire à cet angélisme manichéen que nos pom pom boys (et girls, il n’y a pas de raison d’être sexiste) agitent sous notre nez depuis des mois ? Aujourd’hui Maingain, De Wever. Hier ou demain, tous les autres. Mais que sont les mots enfiévrés quand ils tombent dans le vide ? Où se cache donc la démocratie participative, délibérative, citoyenne ? Les idées, les projets, les visions ? Dans la note de Di Rupo ? On voudrait tous y croire. Même si on soupçonne qu’elle sera davantage orientée sur le socio-économique que sur le communautaire. Un projet minimum minimorum sans doute pour éviter un nouvel embrasement entre le Nord et le Sud. Le formateur a- t-il pu trouver les tangentes pour éviter l’impasse, pour neutraliser un  » oui, mais  » des partis flamands radicalisés depuis un an ? On doute, on doute quand on sait que lui-même a estimé ses chances de succès entre 5 et 10 % !

 » Les événements de Belgique sont bien compliqués « , soupirait déjà Talleyrand en 1831, au moment de la Conférence de Londres qui devait reconnaître le nouvel Etat. Ce n’est pas Di Rupo et tous ses prédécesseurs – informateur, médiateur, clarificateur, conciliateur, négociateur et on en passe – qui affirmeront le contraire. En attendant, on n’a toujours pas de gouvernement. Et bien malin celui qui pourra nous en trouver un !

CHRISTINE LAURENT

Avec leurs querelles stériles, nos élus nous démoralisent comme on dévitalise

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