Guy Bara ou l'art du "trois fois rien" sans légende ni phylactère. © COURTESY GALERIE CHAMPAKA

Max l’explorateur

On aurait tort de voir en Max l’explorateur une simple madeleine de Proust à l’usage de tous les nostalgiques qui ont grandi en guettant les dessins de Guy Bara (1923 – 2003) dans Le Soir, Pourquoi pas? ou Spirou. Le fait que sa pratique pionnière du comic strip, cet art du « trois fois rien » sans légende ni phylactère, se soit déployée dans des publications de plus de 40 pays, de la France à l’Afrique du Sud, et ce durant une trentaine d’années, en dit long. Ce succès témoigne d’une dimension supérieure travaillant de l’intérieur ces narrations graphiques à l’efficacité redoutable.

Max l'explorateur
© COURTESY GALERIE CHAMPAKA

L’oeuvre de Bara n’est rien de moins que l’illustration pertinente des thèses d’Henri Bergson sur le rire. Qu’est-ce que celui-ci pour le philosophe français? Une phrase devenue culte le résume de la sorte: « Le rire est du mécanique plaqué sur du vivant. » En la matière, Max se pose là, il est une sorte de « maître ès rouages » nourri à l’inversion, à la répétition et autres procédés mis au jour par le penseur. Difficile en effet de faire plus figé que ce personnage d’explorateur dans lequel Charlie Chaplin reconnaissait Charlot – du moins, c’est ce qu’il avait confié au dessinateur lors d’une rencontre.

Comme le souligne Philippe Capart dans un ouvrage, paru chez Dupuis en 2018, consacré au héros de papier: « L’ explorateur est l’homme blanc se baladant ailleurs que chez lui comme chez lui. » L’auteur de préciser son profil à comprendre comme celui d' »un projecteur ambulant imposant ses schémas mentaux, prenant le monde en guise d’écran ». Le tout perpétuant « une culture faite de clichés aussi angoissants que rassurants ».

Avec beaucoup d’à-propos, la galerie Champaka invite à découvrir des planches de Max parmi les plus percutantes au sein d’une production de près de 13 000 dessins, Bara ayant vécu une vie de forçat de l’humour, qui comprend par ailleurs de nombreux personnages et formats. Dans la lignée flegmatique d’un Ronald Searle ou d’un Saul Steinberg, ce strip muet, lancé en 1954 dans le France-Soir de Pierre Lazareff, constitue un temps fort de l’histoire du dessin de presse.

A la galerie Champaka, à Bruxelles, jusqu’au 22 mai.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire