Le retour des couleurs

Dix ans après avoir couvert le conflit yougoslave, le photographe Thomas Haley, de l’agence Sipa Press, est retourné en Bosnie pour y constater l’évolution des lieux et des gens qu’il y avait photographiés

Les photos noir et blanc ont été prises en 1996 et 1997. Les photos couleur ont été prises en septembre 2005 en Bosnie-Herzégovine.

l Reportage photo : Thomas Haley /Sipa PressDix ans après une guerre civile qui a fait 200 000 victimes, la Bosnie-Herzégovine retrouve des couleurs. Les paysages de destruction et de désolation ont laissé place à des terrains d’espoir et à des paysages urbains encore bardés de plaies, mais où la vie reprend péniblement son cours.

De 1992 à 1995, pendant quatre ans, Serbes, Croates et musulmans, tous Slaves de l’ancienne fédération yougoslave, se sont entretués. Ce fut une guerre d’une violence et d’une horreur que l’on croyait impossible dans l’Europe du xxe siècle. Le monde apprenait alors un nouveau terme : la purification ethnique, désignant le transfert méthodique de populations d’une ethnie par une autre, au moyen d’une terreur systématique et de massacres de masse.

 » J’ai couvert cette guerre pendant ces années, raconte le photographe Thomas Haley. Pour la première fois en 1996, on pouvait se promener librement dans cette campagne déchirée par la guerre. Il n’y avait plus de lignes de front, ni de snipers. Les axes routiers avaient été débarrassés des mines et les check-points de leurs brigades. Il y avait, bien sûr, les villes martyrs, comme Sarajevo, Mostar ou Srebrenica. Mais, au-delà, c’est toute la campagne bosniaque qui a subi les violences folles de la guerre. Ce n’est qu’en 1996 qu’on a enfin pu constater dans sa totalité la terrible destruction qu’avait subie ce petit pays montagneux. L’odeur de la mort s’était dissipée, mais on sentait la force de la violence et la haine tribale quand on entrait dans ces villages fantômes, partiellement ou totalement détruits.  »

Lors de deux voyages, en 1996 et 1997, Thomas Haley a photographié systématiquement le champ de ruines qu’était devenue la Bosnie. Il fallait documenter l’après-guerre, avant que les traces n’en disparaissent.  » J’espérais pouvoir montrer l’inhumanité de l’homme envers l’homme, indépendamment de son appartenance ethnique « , explique le photographe. Ce travail à la chambre, en noir et blanc, n’a jamais été publié ni exposé.

Pour voir où en est la Bosnie aujourd’hui, Haley est retourné aux mêmes endroits qu’il y a dix ans. Parfois le changement est étonnant, parfois il n’y en a pratiquement pas. La Bosnie vit une paix fragile, maintenue surtout par la présence des troupes de la force internationale de l’ONU, remplacée fin 2002 par la Mission de police de l’Union européenne (MPUE), qui assure aujourd’hui la sécurité. Les blessures de la guerre sont profondes ; la cicatrisation n’est que superficielle. Il est plus facile de reconstruire le  » vieux  » pont de Mostar que de réconcilier les habitants des deux rives de la Neretva, qu’il enjambe.

Ces quatre années de sang ont pris fin le 21 novembre 1995, quand les belligérants ont été invités à signer à Dayton (Etats-Unis) un traité de paix qui a partagé la Bosnie-Herzégovine en deux entités : la Fédération bosno-croate (51 % du territoire et 70 % de la population) et la République serbe de Bosnie (49 % du territoire et 25 % de la population).

Aujourd’hui encore, la Bosnie-Herzégovine reste un pays divisé. Quatorze années après le début du nettoyage ethnique, on découvre toujours de nombreux charniers où les Bosniaques musulmans ont été  » éradiqués « . Considérés comme les principaux responsables du gigantesque massacre, l’ex-chef politique des Serbes bosniaques, Radovan Karadzic, et leur chef militaire, Ratko Mladic, sont toujours en fuite malgré leur inculpation pour génocide par le Tribunal pénal international (TPIY) de La Haye. l J.G.

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