Bataille des Ardennes : 52 jours en enfer

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Du 16 décembre 1944 à la fin janvier 1945 se joue, dans nos Ardennes, le dernier coup de poker de Hitler. Une bataille décisive racontée dans un livre qui apporte un éclairage émouvant sur la vie des civils pendant les combats.

Et si l’idée d’une grande offensive allemande dans les Ardennes n’avait pas germé dans l’esprit du Führer – dès les derniers jours d’août 1944, semble-t-il -, la fin de la Seconde Guerre mondiale aurait-elle pris une autre tournure ? Sans doute. Le terrible affrontement de l’hiver 1944-1945 a eu de lourdes conséquences pour la Wehrmacht, qui y a épuisé ses meilleures unités. D’après Churchill, l’offensive qui, ironie de l’Histoire, allait porter le nom de celui qui y était opposé – von Rundstedt – a contraint les Alliés à différer de trois semaines l’invasion de l’Allemagne.

Surtout, la campagne des Ardennes a eu de profondes répercussions sur l’avenir politique du continent européen. En engageant sa réserve stratégique sur le front occidental, Hitler a fait le jeu du Kremlin. La défaite allemande à l’Ouest et le retard de la progression alliée vers le Rhin ont facilité l’offensive soviétique de janvier 1945. Le 4 février, Staline, dont les troupes avaient avancé de près de cinq cents kilomètres, a reçu les Alliés à Yalta en position de force. Sans Wacht am Rhein – l’attaque allemande dans les Ardennes – la rencontre entre les armées alliées et l’Armée rouge aurait peut-être eu lieu non sur l’Elbe, mais quelque part dans les plaines de Pologne.

Dans La Campagne des Ardennes 1944-1945, ouvrage richement illustré (350 photos) qui sort ces jours-ci chez Racine – nouvelle édition revue et corrigée d’un livre paru en 2004 -, Emile Engels éclaire l’importance de ces enjeux politiques et militaires. Précis et rigoureux, l’auteur présente aussi, cartes à l’appui, les forces en présence, le mouvement des unités et le déroulement des combats. A sa compétence d’officier professionnel – il est lieutenant-colonel en retraite – se mêle une part d’émotion : celle de celui qui, au seuil de l’adolescence, a vécu ces heures sombres du côté de Warnach, à quinze kilomètres de Bastogne. Les témoignages de civils et de militaires ponctuent le récit et lui donnent toute sa dimension humaine.

2 500 civils belges tués

 » Cette campagne de cinquante-deux jours intenses et éprouvants a évidemment une tout autre dimension que la  »campagne des dix-huit jours » de mai 1940, estime Emile Engels. C’est la plus grande opération terrestre et aérienne de l’armée américaine lors de la Seconde Guerre mondiale. Quelque 750 000 hommes se sont affrontés dans le froid et la neige lors de cette bataille décisive pour la liberté de l’Europe.  » Les pertes américaines auront été nettement plus lourdes que celles enregistrées lors du débarquement en Normandie. Les travaux effectués sur le sujet concluent à 19 000 tués américains, soit une moyenne de 367 par jour (et 47 000 blessés, soit 904 par jour). Les pertes allemandes s’élèveraient à 17 200 morts, 34 000 blessés et 16 000 prisonniers. Le nombre total de tués dans les Ardennes tourne autour de 40 000, dont 2 000 à 2 500 civils belges.

OLIVIER ROGEAU

L’offensive décidée par Hitler a fait le jeu de Staline

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