mine lithium bolivie
Le lithium, indispensable à la fabrication des moteurs électriques, pourrait manquer dans les années à venir

Pourquoi l’interdiction des voitures thermiques en Europe donne un avantage stratégique à la Chine

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Pour développer le marché de la voiture électrique, l’Europe pourrait bien dépendre de la Chine. L’empire asiatique est le principal producteur de lithium, indispensable aux batteries. De même, le développement du renouvelable européen dépend des terres rares chinoises. Décodage avec Adel El Gammal, expert en géopolitique de l’énergie.

En 2035, il ne sera plus possible d’acheter de voitures thermiques (essence/diesel/hybride) neuves sur le territoire de l’Union européenne. La voie est libre pour la voiture électrique, vantée pour sa neutralité carbone. La fin des voitures thermiques pourrait bien renforcer l’avantage géopolitique de la Chine sur le Vieux Continent.

Ainsi, le passage à l’électrique induit forcément une augmentation de la demande en électricité. Cette dernière se devra d’être vertueuse pour atteindre les objectifs climatiques que l’Union s’est fixés. « L’Europe a une stratégie et compte miser sur le renouvelable avec l’éolien offshore/onshore et le photovoltaïque », explique Adel El Gammal, expert en géopolitique de l’énergie. « L’électricité sera de plus en plus décarbonée et donc la fin du thermique a du sens. Mais tout n’est pas rose pour autant. La génératrice d’une éolienne, qui convertit le mouvement mécanique des pales en électricité, utilise massivement les terres rares. L’Europe achète 100% de celles-ci à la Chine, qui en maîtrise 90% des techniques de production. On peut dresser le même constat pour le photovoltaïque : 90% de sa production mondiale est chinoise. Il faudra beaucoup de temps avant que l’Europe sorte de cette dépendance à la Chine… ».

« L’Europe va se retrouver dans une situation de dépendance stratégique vis-à-vis de la Chine »

L’un des autres enjeux cruciaux liés à la voiture électrique est assurément celui des batteries, dont la fabrication est gourmande en énergie. Elle utilise un composant en particulier, le lithium, dont la demande devrait exploser dans les années à venir. Selon Adel El Gammal, « la demande en lithium devrait être multipliée par un facteur 20 à 50 entre 2020 et 2040. Il y aura une tension énorme sur ce marché. On va dépendre de l’approvisionnement en lithium et autres matériaux critiques encore tout un temps. Les prix seront poussés à la hausse, au pire, ou ne diminueront pas, au mieux ». Pour éviter cette situation, ne pourrait-on pas extraire du lithium sur le sol européen ? « Le problème est que c’est une activité minière. On ne peut pas augmenter les activités d’extraction et de raffinage d’un tel minerai en un clin d’œil. C’est une industrie très lourde avec des cycles longs ».

La production de lithium, assez récente, risque de ne pas suivre celle des batteries des véhicules électriques. © belga iMage

A nouveau, c’est la Chine qui devrait en profiter. « L’Europe va se retrouver dans une situation de dépendance stratégique. Notre approvisionnement en lithium dépend largement des Chinois, avec qui, on le sait, les relations ne sont pas au mieux. L’Europe dit officiellement que la Chine est un partenaire global, c’est-à-dire qu’il faut travailler avec elle sur des sujets comme le réchauffement climatique. À côté de ça, le pays asiatique est un concurrent économique et un rival systémique. On s’éloigne de plus en plus de leur régime et de ses fondements antidémocratiques. Cette dépendance énergétique qui est aussi géopolitique va à l’encontre des objectifs d’autonomie stratégique de l’UE ».

Notre approvisionnement en lithium dépend largement des Chinois, avec qui, on le sait, les relations ne sont pas au mieux

Adel El Gammal, expert en géopolitique de l’énergie

L’Europe veut augmenter la production de minerai sur le continent

La sortie progressive du thermique décidée par l’Union européenne devrait s’accompagner d’une stratégie pour s’affranchir du client chinois, d’après Adel El Gammal. « L’Europe a formulé cela dans le Critical Raw Materials Act. Elle veut augmenter la production locale de minerai sur le continent. L’objectif est de forcer à trouver des fournisseurs alternatifs et à développer des filières industrielles voire minières ».

Le plan sur les ‘matières premières critiques’, consultable ici, a été présenté à la mi-mars par la Commission européenne. Ci-dessous, les trois mesures à retenir qui sont censées « garantir l’accès de l’UE à un approvisionnement sûr, diversifié, abordable et durable en matières premières critiques ».

  • 10% de tous les matériaux critiques devront être produits en Europe
  • 15% des matériaux critiques devront être recyclés à terme
  • La dépendance à un importateur sera limitée à 70%

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