Plongée dans le monastère de Sainte-Catherine, qui veut relever le défi de numériser ses trésors (En images)
Construit au vie siècle, le monastère de Sainte-Catherine du Sinaï abrite la deuxième plus large bibliothèque de manuscrits anciens, après celle du Vatican. Il s’est lancé dans un vaste projet de digitalisation de ses trésors. Ce travail d’ampleur confronte l’univers de la technologie de pointe à celui de la vie ascétique aux traditions centenaires. Par Chloé Sharrock/Agence Le Pictorium.
Au pied du mont Sinaï, le temps semble s’être arrêté. C’est en ce lieu que, sous l’empereur Justinien (vie siècle), le monastère Sainte-Catherine voit le jour pour ne plus jamais cesser d’être en activité. Il abrite aujourd’hui des témoignages uniques de l’histoire chrétienne, dont le Codex Sinaiticus, la plus ancienne version du Nouveau Testament.
Un premier projet en 2011 avait permis la restauration et le décryptage de centaines de palimpsestes médiévaux. En 2018, l’équipe de photographes, main dans la main avec le père Justin – le moine d’origine texane en charge de la bibliothèque – s’est lancée dans la digitalisation et la mise en ligne de 1 100 manuscrits anciens en langues syriaque et arabe.
Numériser pour préserver et transmettre, tels sont les objectifs que se donne le projet, piloté par l’université californienne UCLA et l’entreprise Early Manuscripts Electronic Library, avec l’aide d’une bourse octroyée par la fondation britannique Arcadia.
Ce travail est essentiel : ces dernières années, la région a été secouée par des affrontements violents entre l’armée égyptienne et des groupes islamistes. Si cette guerre s’est déplacée plus au nord, le monastère a tout de même été visé en 2017 par un attentat perpétré par Daech. Le projet donnera naissance à plus de 400 000 images.
Le père Justin dans la bibliothèque fraîchement rénovée grâce à une donation de la fondation Sainte-Catherine, afin d’offrir une conservation optimale aux quelques milliers de manuscrits anciens. 3 500 casiers sur mesure ont été agencés afin d’optimiser l’espace, tandis que des alarmes, systèmes d’incendie et caméras ont été installés.
Isolé à 1 500 mètres d’altitude, le monastère Sainte-Catherine est occupé sans discontinuer depuis l’origine. Seuls vingt-quatre moines y résident encore.
Un groupe de pèlerins visite le monastère. La bibliothèque, bien que fermée au public, peut accueillir des groupes aux liens étroits avec le monastère, ainsi que des chercheurs.
Le Codex Sinaiticus, plus ancien manuscrit connu de la Bible, date du ive siècle et rassemble L’Ancien et Le Nouveau Testament écrits en onciale, une graphie particulière des alphabets latin et grec utilisée du iiie au viiie siècle.
Le père Justin essaie le prototype d’une des 3 500 boîtes en acier, faites sur mesure, afin que chaque manuscrit soit protégé du feu, de la poussière, de l’humidité, mais aussi des éventuelles secousses sismiques.
Un manuscrit en langue arabe, datant du xie siècle, présente de graves signes d’usure. Certaines pages ont été recousues.
Avant et après chaque digitalisation, le père Justin compte le nombre de pages et pèse l’ouvrage, au centième de gramme près, afin de s’assurer qu’aucun fragment de page ou de couverture n’a été perdu durant le procédé.
Installés dans l’aile sud du monastère, deux photographes s’occupent de la numérisation des quelque 1 100 manuscrits de langues arabe et syriaque six heures par jour. L’ouvrage est disposé sur une plateforme pneumatique, qui s’ajuste au millième de centimètre à chaque page tournée, afin de s’adapter à la tranche et éviter toute usure. Des tests ont démontré que la peau nue est la matière la plus sûre pour la manipulation des livres.
Le père Justin tient un ouvrage de langue grecque, datant du xiie siècle. Pages collées, couverture gonflée, lanières détachées… Bien que le climat désertique du Sinai permette une préservation naturelle exceptionnelle, certains manuscrits sont fort endommagés.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici