Carte blanche

« La compassion pour le drame palestinien sera instrumentalisée par l’axe Moscou-Téhéran pour affaiblir les démocraties » (carte blanche)

Le collectif D’accord de ne pas être d’accord appelle à une reconstruction de l’unité des démocrates et des démocraties. Il craint que « la compassion pour le drame palestinien soit instrumentalisé par l’axe Moscou-Téhéran pour affaiblir les démocraties ».

Le pogrom est un piège 

La tentation est facile, le logiciel est rodé, d’expliquer la barbarie des meurtres et enlèvements de civils israéliens par la colère d’une jeunesse palestinienne exaspérée par les profondes injustices de l’occupation, de la colonisation progressive de la Cisjordanie et de la fermeture des frontières de Gaza. Mais les événements du 7 octobre ne sont pas une manifestation ou un soudain déchaînement populaire. Il s’agit d’une action terroriste planifiée, organisée, qui a nécessité préparation, entraînement et coordination. Les horreurs commises par le Hamas ne sont pas des débordements comparables à ceux de casseurs dans une manifestation de Gilets Jaunes. Elles faisaient pleinement partie du scénario et en constituaient le volet psychologique nécessaire à la suite du plan.  

Le Hamas a donné à son attaque la forme d’un pogrom: massacre de civils, de femmes, d’enfants, de vieillards. En tout Juif, ces images réveillent une mémoire séculaire tirée d’une multitude de récits d’expulsions, de fuites éperdues, de massacres récurrents qui ont été le lot des juifs pendant près de deux millénaires jusqu’à l’horreur absolue du génocide. Le message du Hamas est clair: « Ce n’est pas fini. Nous vous chasserons d’Israël comme vous avez été chassés des centaines de fois de là où vous aviez cru pouvoir vivre en paix. Non seulement nous n’acceptons pas l’existence d’un Etat juif, mais nous n’acceptons pas que des juifs puissent vivre sur cette terre ». 

Pousser Israël à la faute              

Ce que sait aussi le Hamas, pour l’avoir déjà expérimenté, c’est que depuis la Shoah et depuis la naissance de l’Etat d’Israël, les juifs se sont juré: « On ne nous fera plus jamais cela« . Que si quelqu’un touche à un enfant juif, il en payera le prix. On l’oublie souvent mais quasi tous les juifs israéliens sont des réfugiés ou des enfants de réfugiés. Tous sont enfants ou petits-enfants du génocide. Devant ce qui vient d’arriver, leur colère est sans limite. Et le piège est là. Amener Israël à se venger sans limite. Le pousser à la faute. Et finalement renforcer les sentiments « anti sionistes » des opinions publiques pour empêcher les pays arabes et en particulier l’Arabie saoudite de normaliser leurs relations avec Israël et isoler Israël autant que possible sur le plan international.  

Israël peut-il éviter ce piège ? Ne pas frapper le Hamas est inimaginable mais le Hamas a fait de toute la population de Gaza un bouclier humain. Le drame s’ajoute au drame. Les bombardements multiplient les victimes parmi la population civile en fuite dans des conditions humanitaires alarmantes. La libération des otages via une opération terrestre, est elle aussi couteuse en vies humaines. Les victimes collatérales civiles en grand nombre seront autant d’armes de propagande pour le Hamas.  

Désunir et affaiblir les démocrates occidentaux

Là se trouve le deuxième piège. Celui dans lequel nous les Européens allons tomber. Une fois passée l’émotion suscitée par le massacre du 7 octobre, une large part de l’opinion publique va prendre faits et causes non pour le Hamas, enfin largement discrédité, mais pour les Palestiniens, contre Israël. La compassion pour le drame palestinien va être instrumentalisée par l’axe Moscou-Téhéran pour diviser les opinions publiques occidentales, pour affaiblir les démocraties et leur capacité de résistance à la guerre que la Russie et l’Iran mènent contre nous. Notre division, déjà profonde, est un danger mortel. Il faut d’urgence reconstruire l’unité des démocrates et des démocraties. 

Il n’y a pas de mais !

Entre ceux qui, chez nous, défendent à juste titre le droit d’Israël à se battre pour sa survie et ceux qui défendent à juste titre le droit des Palestiniens à disposer d’un Etat souverain, il n’y a pas de contradiction fondamentale si tous veulent bien reconnaître pleinement les aspirations légitimes des deux peuples en conflit et dire clairement que leurs dirigeants ont, les uns ET les autres, commis des erreurs et des fautes gravissimes qui ont embourbé le conflit au lieu de le résoudre. Il faut cesser de dire du bout des lèvres que telle ou telle politique, telle ou telle action, sont condamnables en faisant suivre cette reconnaissance d’un MAIS qui innocente leurs auteurs et fait porter la faute sur les autres. Il n’y a pas de MAIS. Chacun est responsable de ses erreurs devant l’Histoire. Aujourd’hui le Hamas doit payer pour ses crimes contre l’humanité.  De préférence devant un tribunal pénal. Mais pas les populations. Pas une fois encore des juifs égorgés et des Palestiniens écrasés sous les bombes. Nous devons cesser de nous demander qui a commencé. Nous, les Européens, nous ne sommes les ennemis ni des Israéliens, ni des Palestiniens. Plus nous sommes proches des uns ou des autres par nos attaches familiales ou religieuses, plus nous devons leur souhaiter qu’une solution soit enfin mise en oeuvre, plus nous devons nous unir pour y parvenir. C’est ensemble que nous devons exiger une action internationale humanitaire pour les populations civiles et des NEGOCIATIONS israélo-palestiniennes SANS PREALABLE. Il y a de part et d’autre des hommes et des femmes de bon sens et de bonne volonté, capables de construire un accord de paix. C’est eux que d’ici nous devons soutenir. Il n’y a pas de meilleur moyen de contrer les manœuvres de Moscou et de Téhéran dirigées contre nous que d’agir ensemble, les pro-palestiniens, les pro-israéliens et l’immense majorité des démocrates qui souhaitent aux juifs et aux arabes de vivre côte à côte pacifiquement.  

  • Collectif D’accord de ne pas être d’accord : Agnès Bensimon auteure, Rachid Barghouti responsable associatif, Michel Gheude écrivain, Danielle Perez psychologue
  • Sam Touzani, co-fondateur du collectif D’accord de ne pas être d’accord, artiste citoyen
  • Emmanuelle Danblon, professeure à l’ULB, membre de l’académie royale de Belgique
  • Guy Haarscher, professeur émérite de l’ULB et professeur honoraire au Collège d’Europe
  • André Versaille, auteur, documentariste
  • Georges Dallemagne, député
  • Djemila Benhabib, politologue et écrivaine
  • Marie-Cécile Royen, journaliste
  • François De Smet, député fédéral et philosophe
  • Radouane Attiya, enseignant, chercheur
  • Daniel Salvatore Schiffer, philosophe et écrivain
  • Michel Kacenelenbogen, citoyen
  • Patricia Ide, citoyenne
  • Eddy Caekelberghs, journaliste
  • Jacques Sojcher, philosophe
  • David Strosberg, metteur en scène
  • Jean Cornil, citoyen du monde
  • Brigitte Stora, autrice journaliste
  • Willy Decourty, ancien bourgmestre d’Ixelles
  • Jean-Yves Pranchere, professeur à l’ULB
  • Jean-Pierre Martin, journaliste
  • Benjamin Beeckmans, président du centre communautaire laïc juif David Susskind
  • Richard Ruben, humoriste
  • Deborah Danblon, chroniqueuse RTBF et autrice
  • Nadia Geerts, auteur
  • Evelyne Guzy, écrivaine
  • Laurent Capelluto, comédien
  • Caroline Safarian, artiste
  • Daniel Soudant, président DEFI Wallonie
  • Merry Hermanus, ancien fonctionnaire et député
  • Marianne Puttemans, professeure à l’ULB
  • Sophie Goldmann, enseignante en Haute Ecole
  • Géraldine Kamps, journaliste
  • Katy Langelez, psychanalyste
  • Samia Cherifi, psychopédagogue en Haute Ecole
  • Sara Brajbart-Zajtman, journaliste retraitée
  • Renaud Denuit, écrivain
  • Marc Ochinski, journaliste
  • Béatrice Benabbes, enseignante
  • Béatrice Godlewicz, psychothérapeute et formatrice
  • Naomi Aguilera, artiste
  • Latifa Drif, militante féministe
  • Charles Chojnacki, photographe
  • Willy Wolsztajn, artiste dessinateur
  • Jacqueline Hannouille, citoyenne
  • Marie Wolff, entrepreneur
  • Rolland Westreich, écrivain
  • Rémy Israël Mendelgwaig, citoyen
  • Isabelle Fagot, attachée de presse en culture et société
  • Sylvie Lausberg, citoyenne
  • Charles Hosten, attaché parlementaire
  • Sarah Aguilera responsable associatif
  • Susann Heenen-Wolff, professeur, docteur en philosophie
  • Serge Bailly, consultant ONG & médias
  • Myriam Aboaf, avocate et médiatrice
  • Malika Akhdim, militante féministe et humaniste
  • Nadia Debbas, cardiologue
  • Monique Chalude, sociologue
  • Benjamin Schreiber, ingénieur
  • Pierre Chevalier, musicien
  • Marc Gossé, architecte et ancien professeur à la Cambre
  • Ariane Bibrowski, psychologue

Le titre est de la rédaction. Le titre original était « Gaza, acte 2 de la guerre commencée en Ukraine contre les démocraties occidentales »

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