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« Je devais porter un Pampers », les conditions dégradantes des ouvriers de l’industrie du poulet aux Etats-Unis

Le Vif

L’ONG britannique Oxfam a publié mardi un rapport dénonçant les conditions dégradantes des ouvriers travaillant à la chaîne dans le secteur de la volaille aux USA. Certains étant parfois obligés de porter des langes pour ne pas ralentir le processus de production en se rendant aux toilettes.

Dans un nouveau rapport, Oxfam dénonce les conditions dégradantes en vigueur dans l’industrie de la volaille aux Etats-Unis. Après avoir mené des centaines d’interviews avec des ouvriers travaillant à la chaîne dans les plus grandes entreprises du secteur (Tyson Foods, Pilgrim’s, Perdue)…, les conclusions sont alarmantes.

La concurrence acharnée pousse les entreprises à accélérer de plus en plus leur production, avec comme conséquence la maltraitance du personnel. Ils sont plus de 250 000 à travailler dans l’industrie avicole aux USA.

Le rapport de l’ONG mis en avant par le journal américain Washington Post révèle que chaque jour, des ouvriers n’ont pas droit à des pauses pour se rendre aux toilettes. Dans certains cas, « la réalité est si oppressante que les ouvriers urinent et défèquent tout en restant dans la chaîne de production » et « porte des couches-culottes debout face à la ligne d’assemblage« . D’autres confient à Oxfam qu’ils se retiennent de boire pendant de longues périodes et risquent des problèmes de santé importants afin de garder leur job.

Debbie Berkowitz, employé au National Employement Law Project, qui se bat pour la sécurité et la santé de ces travailleurs, dénonce les conditions de travail affligeantes dans le secteur du poulet:

u003cemu003eu0022Je suis témoin des dangers, les ouvriers de l’industrie du poulet se tiennent épaule contre épaule de chaque côté de longues chaînes de production, ciseaux et couteaux à la main dans des conditions froides, humides et bruyantes, répétant les mêmes gestes des milliers et des milliers de fois par jour, pour enlever la peau, couper, désosser et emballer les poulets. Une industrie produit 180 000 poulets par jour. Un ouvrier en manipule 40 chaque minute.u0022 u003c/emu003e

La législation du travail aux Etats-Unis autorise pourtant les employés à faire des pauses pour se rendre aux toilettes. En réponse, les entreprises ont mis en place un système dans lequel des ouvriers supplémentaires restent disponibles pour remplacer d’autres ouvriers de la chaîne de production qui devraient s’absenter pour faire leurs besoins. Ce système est toléré par le gouvernement à la condition qu’il y ait suffisamment d’ouvriers de remplacement pour assurer aux travailleurs de ne pas devoir attendre trop longtemps pour aller se soulager.

Mais selon Oxfam, le système n’est pas respecté par les chefs d’équipe. Des travailleurs doivent ainsi parfois attendre plus d’une heure avant d’être remplacés et lorsqu’ils ont le feu vert pour s’absenter, ce n’est pas plus de dix minutes. Un délai difficile à tenir lorsqu’il faut traverser de vastes plateaux d’usines où les sols peuvent être glissants, couverts de sang ou résidus d’animaux, et sachant qu’il leur faut enlever puis remettre des vêtements de protection.

Ils sont ainsi nombreux à déclarer qu’ils voient leurs demandes de pauses-pipi ignorées par leurs supérieurs et qu’ils sont souvent obligés d’uriner ou de déféquer là même où ils se trouvent. Des ouvriers avouent même « devoir porter des Pampers ». Une pratique courante dans cette industrie selon Oxfam. Autre solution : quitter la ligne de production sans permission si le besoin est vraiment trop urgent et que personne n’arrive pour prendre la relève.

Maintenir la vitesse de production

Les chefs de ligne refusent aux ouvriers ces pauses « parce qu’ils sont sous pression pour maintenir la vitesse de production », fait valoir Oxfam. « Le secteur volailler affiche aujourd’hui des bénéfices records » tandis que « les ouvriers gagnent de faibles salaires, souffrent de taux élevés de blessures et maladies, évoluent dans des conditions difficiles » et « un climat de peur », dénonce l’étude. Au quotidien, les entreprises du secteur du poulet sont autorisées à faire défiler 140 volailles par minute sur les lignes de production, un débit qui pourrait prochainement encore être augmenté à 35 gallinacés par minute.

Les dirigeants des entreprises pointées du doigt se disent consternés et nient les révélations du rapport d’Oxfam America. Tyson Foods, l’un des plus gros groupes volaillers au monde, a répondu dans un communiqué « ne pas tolérer le refus des demandes d’aller aux toilettes » dans ses usines. « Nous sommes inquiets de ces accusations anonymes et bien que nous n’ayons pour l’instant pas de preuves qu’elles soient vraies, nous vérifions que nos règlementations sur les toilettes sont appliquées », ajoute le groupe qui avoue toutefois la possibilité d’erreur sous leur surveillance.

La société américaine Perdue assure, de son côté, que ses travailleurs ne sont pas soumis aux conditions décrites dans le rapport de l’ONG. La porte-parole, Julie DeYoung, cite le réglement de l’entreprise qui autorise une pause de 30 minutes cumulées sur un horaire de 8 heures pour aller aux toilettes. « S’il y a trop peu de personnel un jour, il se peut qu’on ait en effet du mal à le remplacer immédiatement« , lâche-t-elle néanmoins dans un email. Tyson avoue toutefois, de son côté, la possibilité d’erreur sous leur surveillance.

Les problèmes soulevés dans le rapport d’Oxfam suivent d’autres rapports tout aussi accablants qui avancent que les personnes travaillant pour assurer la distribution d’un poulet bon marché et disponible en abondance subissent des traitements inhumains.

En 2013, un rapport du Southern Poverty Law Center a révélé que 80 % des 266 travailleurs interrogés dans une usine d’Alabama avouaient qu’ils n’étaient pas autorisés à se rendre aux toilettes quand ils en ressentaient le besoin. Un autre rapport publié le mois passé, avance que 86% des ouvriers d’une entreprise du Minnesota ont droit à moins de deux pauses par semaine pour se rendre aux toilettes.

Les rares employés du secteur qui disent pouvoir se soulager quand ils veulent travaillent dans des usines syndiquées note l’AFP. Or, les deux tiers ne le sont pas, selon Oxfam.

Si c’est un problème qui touche toute la filière avicole aux Etats-Unis, les quatre poids lourds sont particulièrement montrés du doigt: Tyson Foods, Pilgrim’s, Perdue et Sanderson Farms, qui contrôlent 60% du secteur et emploient conjointement plus de 100.000 personnes.

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