Emmanuel Macron © REUTERS

Emmanuel Macron, un président époustouflant et fragile

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’élection d’Emmanuel Macron consacre un parcours exceptionnel. Mais pour le président novice, le plus dur commence, face aux défis à relever et face à une opposition multiple et revancharde. La France va changer.

L’élection présidentielle de 2017 propulse incontestablement la France dans une nouvelle ère. A 39 ans, Emmanuel Macron deviendra, sans jamais avoir été élu auparavant, le plus jeune président de la Ve République. Sa victoire est plus qu’honorable : avec 65 % des voix contre 35 % à Marine Le Pen, elle est large et confortable, même si le taux de participation, plus faible qu’au premier tour, et le nombre élevé de votes blancs jettent une ombre sur la vitalité démocratique de l’Hexagone. Ce non-vote, largement inspiré par le leader de La France insoumise, interroge la stratégie de Jean-Luc Mélenchon puisque l’avance d’Emmanuel Macron n’en a pas été grandement affectée. Au soir du premier tour, les instituts d’enquêtes d’opinion avaient avancé un pronostic de 62 % contre 38 % entre les deux derniers candidats. Le résultat final qui le conforte démontre que le fiasco de Marine Le Pen lors du débat télévisé du 3 mai lui a été préjudiciable alors qu’elle avait connu un début d’entre-deux tours très offensif. Une partie des Français ont sans doute jugé à l’issue de cet exercice qu’elle n’était pas à la hauteur de la fonction qu’elle briguait. Il n’empêche que la candidate du Front national a réussi à élever l’extrême droite française à un niveau électoral jamais atteint, doublant le score obtenu par son père en 2002 face à Jacques Chirac. A travers les millions de « perdants de la mondialisation » qui se sont exprimés dans ce vote, un fameux défi est lancé au nouveau chef de l’Etat.

En ce sens, Emmanuel Macron est un président à la fois époustouflant – inattendu et extra-ordinaire – et à la fois fragile. Epoustouflant parce que personne n’aurait imaginé la victoire de ce quasi novice en politique il y a six mois. Au mieux, lui promettait-on le sort d’un François Bayrou des bonnes années présidentielles, à la 3e ou 4e place du palmarès du premier tour. Certes le candidat d’En marche ! a bénéficié de circonstances hors du commun – le « dégagisme » qui a balayé les Hollande, Sarkozy, Juppé, Valls, la révélation du double visage de François Fillon, l’effondrement du projet socialiste, le ralliement de personnalités du centre… – mais il a aussi fait montre d’une ténacité et d’une habileté hors du commun. Le fils de médecin d’Amiens a appris vite. Et au-delà de sa performance, il faudra analyser ce que cette émergence aussi rapide dit de notre société en matière de soif de renouveau mais aussi de passion soudaine et potentiellement fugace.

Emmanuel Macron, président fragile aussi. Fragile parce que, sorti précisément de nulle part et choisi pour sa promesse de renouvellement, le président élu et son mouvement En marche ! sont tenus désormais de casser, en partie au moins, les codes de la politique traditionnelle. Et de ce fait, ils s’exposent à susciter de fortes inimitiés. Avec quelles personnalités, avec quelle majorité, de quelle façon le nouveau chef d’Etat va-t-il gouverner ? Autant d’incertitudes où Emmanuel Macron est attendu au tournant. Son premier objectif sera de bâtir une majorité lors des élections législatives de juin ou, à défaut, de forger une coalition de gouvernement à leur issue. Mais, en toutes hypothèses, il doit s’apprêter à affronter une opposition féroce et multiple de la part de l’extrême droite, de la droite républicaine dépitée mais combative, de la gauche radicale de plus en plus hargneuse, et, dans une moindre mesure, d’un parti socialiste en pleine reconstruction. Une perspective tout sauf évidente, notamment à l’aune des violences auxquelles ont recouru ces dernières semaines les radicaux dans la rue et à l’aune des méthodes antidémocratiques utilisées par le Front national et ses alliés en fin de campagne pour discréditer le candidat Macron.

Face à une France peut-être pas aussi fracturée que les chiffres de l’élection le suggèrent mais tout de même agitée par l’expression de profonds ressentiments d’une partie de sa population, Emmanuel Macron aura, plus que d’autres présidents, le devoir de rassembler. En 2002, Jacques Chirac, pourtant bénéficiaire d’un large front républicain contre Jean-Marie Le Pen, n’avait pas traduit ensuite cet élan dans un mode d’action et des politiques nouvelles. Ce sera l’honneur et la grandeur d’Emmanuel Macron, lui qui a été privé de la même mobilisation anti-extrême droite, de rénover la gouvernance en France pour faire reculer Marine Le Pen dans cinq ans.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire