La sénatrice démocrate Catherine Cortez Masto, élue dans le Nevada, et la députée républicaine Monica De La Cruz, élue au Texas, deux symboles de la présence latino en politique. © belga image

Etats-Unis: pourquoi le Parti républicain devra s’adresser prioritairement aux Latinos

Maxence Dozin
Maxence Dozin Journaliste. Correspondant du Vif aux Etats-Unis.

Les élections de mi-mandat ont encore montré l’importance de l’électorat hispanophone. L’évolution de sa sociologie devrait favoriser de plus en plus le Parti républicain. Si ses candidats arrivent à lui parler.

Aux Etats-Unis, l’homme blanc est une denrée en voie d’épuisement. Les projections démographiques indiquent qu’en 2040, la souche blanche, qui a colonisé les Etats-Unis depuis 1621, sera en minorité dans le pays. La communauté afro-américaine stagne aujourd’hui autour de 15% de la population globale. C’est donc la communauté hispanophone qui est appelée à prendre l’ascendant: elle représente déjà près de 15% de la population, sans compter les quelque quinze millions d’illégaux d’origine latino-américaine présents dans le pays, et son poids devrait encore augmenter à l’avenir.

Dans divers Etats, historiquement touchés par l’immigration, de la Californie au Texas en passant par le Nevada, la communauté latino représente jusqu’à un tiers de la population. Elle vote traditionnellement démocrate parce que le parti se profile historiquement comme défenseur des intérêts des minorités, que ce soit en matière de politiques sociales ou d’immigration.

Le Parti républicain sait, à travers les valeurs dites « traditionnelles » qu’il défend, notamment religieuses, parler à la communauté hispanophone.

De tout temps, et surtout depuis les mandats du président Barack Obama, la gauche américaine s’est présentée en défenseure du droit à l’immigration. Obama a essayé à de nombreuses reprises d’accorder la nationalité américaine aux quelque deux millions de «dreamers», ces enfants d’immigrants arrivés en bas âge sur le territoire américain mais dépourvus de statut légal – environ soixante mille étudiants sans papiers sont ainsi diplômés chaque année des high schools américaines. Sans succès, dans la mesure où la droite conservatrice s’y est toujours opposée. Tout au plus Barack Obama est-il parvenu à faire passer, sans l’aval du Congrès, une minilégislation dite «Daca» pour régulariser, tous les deux ans, ces personnes et leur octroyer des facilités, notamment pour le permis de travail.

Conservatisme sur l’immigration

Cette décision a renforcé le positionnement des démocrates comme protecteurs des intérêts de la communauté hispanophone. Les conservateurs, à l’époque, n’ont jamais eu de propension à courtiser les Latinos, ne voulant pas que leur positionnement sur le droit à l’immigration leur soit préjudiciable. De plus, la situation économique des hispanophones ne correspondait pas à la cible principale des républicains: la classe moyenne blanche, les individus les plus aisés et, idéologiquement, les plus conservateurs.

Mais cette situation pourrait changer. La communauté hispanophone est en effet de plus en plus enracinée. Nombreux sont désormais les individus et familles latinos à faire partie de la classe moyenne, principalement des petits entrepreneurs mais aussi des enseignants, et même des candidats aux élections. Si cette population ne compte qu’une sénatrice fédérale en la personne de la démocrate Catherine Cortez Masto, fraîchement réélue dans le Nevada, de plus en plus de candidats hispanophones se présentent aux élections locales, et même nationales, avec succès. Ainsi, Monica De La Cruz a-t-elle récemment été élue à la Chambre des représentants dans la quinzième circonscription du Texas pour le Parti républicain. Cette situation a été facilitée par le fait que, dans son district frontalier avec le Mexique, la population hispanophone est devenue franchement rétive à l’immigration principalement issue d’Amérique centrale: plus de deux millions de personnes tentent annuellement de traverser les eaux du Rio Grande pour pénétrer sur le territoire américain, principalement au Texas. Deux types de communautés latinos se sont ainsi forgées, celle installée depuis longtemps qui est indécise électoralement et souvent hostile à une poursuite de l’immigration, et celle, moins établie, qui est quasiment acquise aux démocrates.

© getty images

Revirement idéologique

«Il est temps que la communauté latino opère un revirement idéologique et s’inscrive durablement dans le rêve américain. Et ce sont les conservateurs qui sont le plus à même de les y aider», estime Leo Henderson, candidat républicain malheureux au Sénat dans le Nevada lors des élections de mi-mandat du 8 novembre. Les conservateurs l’ont en tout cas bien compris.

Impossible, au vu de l’évolution démographique, de ne pas courtiser la population latino, particulièrement dans les Etats du sud, où la communauté est présente en nombre. Ils ont ainsi lancé, dans neuf Etats clés, une opération de séduction à son égard, passant tantôt par du porte-à-porte, tantôt par des dîners mexicains, appuyés par des mariachis. Près d’un million et demi de personnes ont ainsi été visées directement. Pour Leo Henderson, «ce genre de stratégie est devenue un « must » pour le parti conservateur, qui sait, à travers les valeurs dites « traditionnelles » qu’il défend, notamment religieuses, parler à la communauté, même si l’inclusion en bonne et due forme dans le rêve américain, financièrement notamment, constitue l’axe d’approche prioritaire».

Il y a donc fort à parier que le Parti républicain, s’il désire survivre électoralement au cours des prochains scrutins, devra continuer à s’adresser prioritairement aux Latinos, sous peine d’également s’exposer à la critique de ne s’intéresser qu’à la défense des intérêts de l’homme archétype de son électorat: blanc, religieux et idéologue.

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