Protéger les forêts et respecter leur cycle est capital pour lutter contre les gaz à effet de serre. © ROMAIN BORREMANS

Réchauffement climatique : pourquoi la pluie est si cruciale pour les puits de carbone

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Parce qu’il affecte aussi nos écosystèmes, le dérèglement climatique engendre un cercle vicieux, dans lequel l’absence de pluie peut menacer les arbres en mesure de l’atténuer partiellement.

Elles rendent service tout au long de leur existence, grâce à la pluie: lors de la photosynthèse, les plantes vertes assemblent le CO2 atmosphérique avec de l’eau prélevée dans le sol, pour en faire de l’oxygène et des sucres. Créé en 2008, le réseau européen Icos (Integrated Carbon Observation System) vise à évaluer ces échanges de gaz à effet de serre entre l’atmosphère et les écosystèmes terrestres et océaniques, grâce aux données de 173 stations, dont neuf en Belgique. «Nous mesurons, entre autres, les concentrations de CO2 et de vapeur d’eau au-dessus d’un écosystème donné, explique Caroline Vincke, professeure à l’UCLouvain et responsable de la station Icos de Vielsalm, en province de Luxembourg. En couplant ces concentrations de molécules avec d’autres données de météo, de végétation ou au niveau du sol, on peut en déduire la productivité nette de l’écosystème, sa vitalité et sa capacité à séquestrer du carbone.» Dans le cas de Vielsalm, il s’agit d’un massif forestier.

Par la même occasion, cette expertise révèle l’incidence d’aléas météorologiques sur le fonctionnement des écosystèmes étudiés. «Quand on travaille sur la productivité et la santé des forêts dans un contexte de changement climatique, la disponibilité de l’eau pour les plantes est primordiale, poursuit-elle. Ce sera le facteur limitant qui peut être un souci. Prenons le cas d’un sol très riche en éléments nutritifs: pour être absorbés par la plante, ils doivent être mis en solutions et donc, il faut qu’il y ait de l’eau.» Or, parmi les tendances observées depuis plusieurs années, certaines posent particulièrement problème. «Ce qui nous inquiète beaucoup dans nos perspectives climatiques, c’est que l’on aura davantage de périodes sèches et chaudes – pendant plus longtemps et de façon plus intense – en période de végétation, c’est-à-dire avec moins de pluie entre avril et fin octobre. En outre, cela surviendra de plus en plus souvent au printemps, à une période très importante pour la reprise de la végétation

« Ce qui nous pend au nez, dans de très nombreux endroits à travers le monde, ce sont des mortalités forestières significatives. »

Parmi les constats que dresse l’experte: les hêtres se réveillent plus tôt et les périodes d’humidité déficitaire du sol sont toujours davantage fréquentes. «En 2018, 2019, 2020 et 2022, on a observé des déficits hydriques au niveau du sol aussi importants que ceux de 1976, souligne-t-elle. Or, dans les séries météo chronologiques, 1976 fut l’année la plus sèche de toutes.» Soumis à la conjonction de sécheresses et de canicules intenses – a fortiori quand elles se répètent – des écosystèmes qui n’y sont pas habitués deviendront plus vulnérables à des attaques de pathogènes, provoquant un dépérissement forestier. «Ce qui nous pend au nez, dans de très nombreux endroits à travers le monde, ce sont des mortalités forestières significatives. Dans certaines conditions et comme plusieurs études l’ont démontré, les écosystèmes qui étaient des puits de carbone deviennent alors des sources.» D’où la nécessité absolue de les protéger, de respecter leur cycle, de miser sur des espèces aux modes de fonctionnement complémentaires. Mais aussi, en amont, de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

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