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Réforme des pensions: «Il faut arrêter de remettre des emplâtres sur une jambe de bois»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Si la Belgique s’apprête à repousser l’âge de fin de carrière à 67 ans d’ici 2030, la réforme des pensions se fait toujours désirer. Finançabilité des retraites, inéquité des statuts, manque d’harmonisation du système : la nouvelle mouture, attendue d’ici l’été, cristallise les débats.

Repoussée jusqu’à l’été, voire l’automne ? Réforme des pensions n’a jamais aussi bien rimé avec procrastination. Annoncée, désannoncée, la nouvelle mouture qui doit redéfinir le système des retraites en Belgique crée l’impatience. Et pour cause, l’enjeu est grand. Fin 2022, l’économiste Bruno Colmant pointait déjà cette réforme comme la plus importante pour l’avenir économique du pays. Mais depuis lors, peu d’avancées laissent entrevoir une fumée blanche. Non habemus papam.

Pour Pierre Devolder (UCLouvain), expert du financement des pensions, améliorer le taux d’activité des seniors est une pièce du puzzle très importante. Mais plus globalement, la finançabilité des retraites doit enfin être imaginée avec une vision à moyen terme. « Et ne pas se contenter de dire qu’on pourra payer les pensions l’année prochaine », souligne-t-il.

Pensions: « Avoir le courage de mettre en place un nouveau système »

Quant à la question d’inéquité entre les statuts de pension, pour Pierre Devolder, « il faut avoir le courage de mettre en place un nouveau système. Si on continue à bricoler avec les systèmes existants, on ne fait que mettre des emplâtres sur une jambe de bois. »

Pour Selena Carbonero (FGTB), la réforme des pensions ne doit au contraire pas toucher aux systèmes de fin de carrière qui existent déjà. « On rallonge l’âge de fin de carrière, or l’espérance de vie en bonne santé est en moyenne de 64 ans en Belgique. C’est une hérésie de dire que tout le monde devra travailler jusqu’à 67 ans ».

Pour la syndicaliste, une manière d’y répondre est de prévoir un système qui prend en compte la pénibilité au travail et qui permettrait d’accéder à la pension plus tôt lorsque la personne n’est plus capable de continuer. « A notre demande, un engagement a été pris pour des futures discussions sur le sujet au sein du Conseil national du travail », indique-t-elle.

Pour Jean Hindriks (UCLouvain), spécialiste de la soutenabilité financière du système des pensions, le poids des arrêts maladie est très sous-estimé. « Ils concernent 500.000 personnes, donc plus que le chômage. Et peuvent parfois intervenir juste avant la pension. Au-delà des burn-out, des dépressions ou de la fatigue physique, on parle peu des Covid longs, qui concernent énormément de monde actuellement. Dans d’autres pays européens, c’est un sujet préoccupant, mais visiblement moins en Belgique », fait-il remarquer.

Last but not least, il faut, selon Pierre Devolder, cesser de penser le problème des pensions de façon trop régionale. « Le taux d’activité est supérieur en Flandre, mais il ne s’agit pas d’un problème spécifique de pensions. En termes de finançabilité, le nombre de retraités flamands est aussi très important. La Flandre ne se trouve pas dans une situation si facile que cela en la matière. Bruxelles, qui a une natalité plus forte, s’en sort paradoxalement mieux que les deux autres régions. On ne résout donc certainement pas le problème des pensions de façon régionale. »

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