Immobilier: avec des taux hypothécaires en baisse, est-ce le bon moment pour acheter? Voici l’avis de deux experts

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La légère diminution des taux hypothécaires peut-elle débloquer le marché immobilier? Est-ce le bon moment pour contracter un crédit, ou faut-il attendre encore un peu? Opter pour un taux variable est-il une bonne idée? Deux experts répondent en trois temps.

Ce n’est plus une hypothèse, l’hypothécaire relâche (un peu) la pression. Après avoir atteint un sérieux pic fin 2023, où le taux moyen pour un emprunt sur 25 ans frôlait les 4% (3,88%), les taux hypothécaires diminuent pour la première fois en 2024. Pas de façon spectaculaire, certes (3,38% sur 25 ans et 3,25% sur 20 ans, soit une baisse de 0,5% par rapport à 2024), mais peut-être suffisamment pour laisser entrevoir une tendance plus positive pour l’acheteur potentiel. Espoir de courte durée ou vraie éclaircie sur le marché de l’immobilier? Deux spécialistes répondent.

1. Les taux hypothécaires vont-ils poursuivre leur baisse?

«On ne s’attend pas à voir une forte baisse des taux d’intérêt hypothécaires durant le reste de l’année», assure Wouter Thierie, économiste (ING), spécialiste du marché immobilier belge.

Pourquoi l’expert se refuse-t-il d’envisager une diminution conséquente? D’abord parce qu’en Belgique, la majorité des personnes optent pour des taux fixes. Et que ceux-ci sont directement liés aux taux d’intérêt à long terme sur les marchés financiers. Qui, eux, anticipent déjà fortement la baisse des taux directeurs de la BCE, qui n’interviendra que plus tard cette année. «Quand la BCE baissera ses taux directeurs pour la première fois en 2024, cela pourrait diminuer temporairement la pression sur les taux hypothécaires. Mais pas de là à déboucher sur une forte tendance à la baisse», prédit Wouter Thierie.

«Il est encore trop tôt pour dire que les taux hypothécaires poursuivront leur baisse», rejoint Brecht Coene, responsable du site comparatif guide-epargne.be. Si les banques centrales estiment que l’inflation est suffisamment sous contrôle, elles baisseront leurs taux directeurs. Si cela se produit, cela aurait un impact direct sur les taux des crédits hypothécaires. Impact qui sera également visible sur les taux d’épargne et les comptes à terme.»

Sur l’année 2024, on peut s’attendre à deux, voire trois baisses des taux de la Banque centrale européenne. «On parle de petites réductions de 0,25%. Si cela se matérialise comme prévu dans le marché, entre aujourd’hui et la fin de l’année, on pourrait effectivement voir une poursuite de la baisse des taux hypothécaires», ajoute Brecht Coene.

2. La tentation du taux variable

Aujourd’hui, 97% des gens qui signent un crédit hypothécaire en Belgique optent pour un taux fixe. Certains acteurs du marché estiment que c’est le bon moment pour choisir un taux variable au moment de la signature de son crédit. «C’est une hypothèse assez risquée», juge toutefois le responsable du guide-epargne.

En optant pour un taux variable, le potentiel à la baisse est plus élevé. Récemment, ces taux variables ont chuté plus fortement que les fixes. Mais cela s’explique par le fait que les premiers étaient à un niveau plus élevé. Or, en temps normal, c’est l’inverse. Un taux fixe est en général plus haut. Sans risque de révision, vous payez plus. «Les taux variables sont plus intimement liés aux décision de la BCE et aux taux à court terme sur les marchés traditionnels, distingue Wouter Thierie (ING). Lorsque la BCE commencera à baisser ses taux directeurs, les taux variables baisseront plus fortement que les taux fixes. On pourrait donc assister à une baisse plus marquée durant le reste de l’année au niveau des taux variables».

Choisir un taux variable reste assez risqué.

Brecht Coene

Responsable guide-epargne.be

Cependant, opter pour un taux variable n’est pas une décision qui se prend à la légère. La durée moyenne d’un crédit hypothécaire étant de 20 ans, la personne qui y souscrit s’expose à des variations de taux sur de nombreuses années. «Cela dépend du risque que vous êtes prêt à prendre, met en garde Wouter Thierie. Si vous êtes ouvert au risque, cela pourrait être bénéfique. Sinon, il est plus prudent d’opter pour un taux fixe.» S’il est tentant de choisir du variable au vu de la tendance à la baisse actuelle, «rien ne dit que dans deux, trois, ou dix ans, les taux ne repartent pas fortement à la hausse.»

Reste à savoir comment les fluctuations sont déterminées entre les taux fixes et les taux variables. «Le taux hypothécaire fixe est lié aux taux des obligations d’Etat à 10 ans, alors que les taux variables sont davantage liés aux taux à court terme et ceux déterminés par la BCE», résume l’économiste.

3. Le bon moment?

«Il est toujours difficile de définir quel est le moment parfait pour contracter un crédit hypothécaire, tempère Wouter Thierie. Pour la bonne raison que les prix des biens immobiliers réagissent également aux fluctuation des taux hypothécaires.»

Si les taux chutent brutalement, alors le prix des maisons augmenteront aussi fortement. En fin de compte, ces deux facteurs s’équilibrent entre eux.

Wouter Thierie

Economiste (ING)

Sur le moyen terme, une diminution des taux hypothécaires n’a qu’un impact limité, selon l’économiste. «Vous ne devez pas attendre ‘le bon moment’, car si les taux chutent brutalement, alors le prix des maisons augmenteront aussi fortement. En fin de compte, ces deux facteurs s’équilibrent entre eux. Si vous avez assez d’épargne et que vous repérez une belle maison, rien ne sert d’attendre», conseille-t-il.

«D’un côté, on pourrait penser qu’il est trop tôt pour contracter un crédit hypothécaire et qu’il est préférable d’attendre un peu, même si cette hypothèse n’est pas certaine», complète Brecht Coene, qui rappelle que, dans l’absolu, avec des écarts de 0,10% sur les taux hypothécaires, «on parle non pas de centaines, mais de milliers d’euros d’économie sur l’entièreté du crédit.»

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