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Une batterie domestique avec son installation photovoltaïque : est-ce rentable et durable ?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Entre les décrochages d’onduleurs quand le réseau sature et la fin imminente du compteur qui tourne à l’envers en Wallonie, est-il sensé d’ajouter une batterie domestique à son installation photovoltaïque ? Financièrement, de plus en plus. Ecologiquement, beaucoup moins.

Jusqu’ici, la batterie domestique séduisait peu de ménages wallons ou bruxellois. Contrairement à la Flandre où, ces trois dernières années, près de 50 000 particuliers ont bénéficié d’une prime pour en ajouter une à leur installation photovoltaïque. Le soutien inédit du nord du pays pour cette solution de stockage a toutefois pris fin le 31 mars dernier. Depuis lors, aucune Région n’accorde donc une quelconque compensation financière en ce sens.

Mais deux actualités jouent en sa faveur. La première, programmée depuis quelques années, est la fin du compteur qui tourne à l’envers en Wallonie pour toute installation photovoltaïque réceptionnée après le 31 décembre 2023. Dès 2024, le placement d’un compteur double flux, mesurant distinctement la quantité d’électricité prélevée et injectée sur le réseau, sera ainsi obligatoire pour une nouvelle installation. Plus un ménage parviendra à autoconsommer une part importante de l’électricité produite par ses panneaux, plus le montant du tarif prosumer proportionnel dont il devra s’acquitter chaque année sera faible. La deuxième actualité, bien plus négative, concerne les « décrochages » de plus en plus fréquents des onduleurs connectés aux panneaux photovoltaïques : quand ils injectent simultanément une grande quantité d’électricité vers une même cabine, ils peuvent provoquer une surtension, mettant automatiquement à l’arrêt toutes les installations qui y sont reliées. D’après l’asbl BeProsumer, qui a récemment créé un cadastre des décrochages, le phénomène affecte régulièrement des milliers d’unités en Wallonie. Ce qui plombe non seulement leur rendement, mais aussi l’apport précieux du renouvelable dans le mix électrique.

D’où cette question : est-il opportun d’installer une batterie domestique pour maximiser l’autoconsommation de l’électricité produite par ses panneaux, tout en se prémunissant du risque de décrochage ? Le contexte se prête particulièrement à un double bilan, financier et écologique.

Rentable ?

Une batterie domestique coûte entre 4 000 et 10 000 euros selon sa capacité de stockage, généralement de 3 à 15 kWh. Si l’installation photovoltaïque est connectée à un onduleur hybride, celui-ci est compatible avec la batterie. Dans le cas contraire et à moins qu’il y soit intégré, elle nécessite le placement d’un onduleur spécifique. Pour évaluer la rentabilité, le prix n’est toutefois pas le seul critère à prendre en compte, puisque la durée de vie de la batterie, comprise entre 10 et 20 ans, dépendra du nombre de cycles de charge-décharge, variant de manière très importante selon les modèles. En principe, une batterie est censée garantir 80% de sa capacité de stockage pendant dix ans.

A de rares exceptions près, un tel investissement ne se justifie en principe pas pour les ménages dont le compteur tourne à l’envers. « Tant que le réseau fait office de batterie virtuelle, un ménage n’a pas d’intérêt particulier à amortir une batterie physique à son domicile », résume Fabrice Zimmermans, gérant de la société Watt4U. D’autant que dans la plupart des cas, l’ajout d’une batterie ne permet pas à une installation photovoltaïque de continuer à produire de l’électricité quand un décrochage se produit, mais uniquement d’utiliser l’électricité qu’elle a accumulé. « Tous les onduleurs hybrides prennent leur source d’alimentation par le réseau, explique l’installateur. Quand il y a un décrochage, l’onduleur s’arrête, et donc l’installation ne produit plus. Ceci étant dit, il y aura bien un back up via la batterie, permettant de sauvegarder quelques disjoncteurs pendant le décrochage. »

La batterie domestique devient en revanche plus intéressante pour les ménages équipés d’un compteur double flux, obligatoire pour toute installation placée à partir de 2024. Ceux-ci doivent s’acquitter annuellement d’un tarif proportionnel à l’électricité qu’ils prélèvent sur le réseau. En Wallonie, il correspond au coût de distribution et de transport de chaque kilowattheure prélevé.

En se basant sur les chiffres renseignés par la Commission wallonne pour l’Energie, une famille équipée de panneaux solaires, consommant et produisant 6 000 kilowattheures d’électricité par an, devra payer un tarif proportionnel annuel :

  • de 560 euros si elle n’autoconsomme que 30 % de l’électricité produite par ses panneaux (et que 70% de sa consommation provient donc du réseau) – dans ce cas, la Wallonie lui facturera l’équivalent du tarif capacitaire, plus avantageux puisqu’il se base sur une autoconsommation supérieure à ce scénario (37,76 %) ;
  • de 450 euros si elle autoconsomme 50 % de l’électricité produite (et que 50 % de sa consommation provient du réseau)
  • de 270 euros si elle autoconsomme 70 % de l’électricité produite (et que seulement 30 % de sa consommation provient du réseau).

Une batterie domestique maximise l’autoconsommation, et contribue donc à une baisse significative du tarif proportionnel qui sera dû chaque année. « En général, il faut compter cinq à sept ans pour amortir une batterie domestique, conclut Fabrice Zimmermans. Le temps de retour sur investissement sera par contre plus long pour un ménage profitant du compteur qui tourne à l’envers. »

Durable ?

Sur le plan environnemental, le bénéfice de ces batteries individuelles est plus discutable. Jusqu’à présent, peu d’études se sont intéressées à leur empreinte carbone globale, qui consiste à analyser l’ensemble de leur cycle de vie, de la fabrication au recyclage éventuel. C’est toutefois ce que l’Agence internationale de l’énergie a fait dans une recherche parue en 2020. Il apparaît ainsi que les émissions cumulées de gaz à effet de serre (et donc matériel inclus) de 1 kWh d’électricité produite par des panneaux solaires s’élèvent à 54 grammes équivalent CO2 si elle est directement consommée ou injectée dans le réseau. Elles atteignent en revanche 80 à 88 grammes équivalent CO2 si l’autoconsommation repose sur un système de batterie photovoltaïque. Bien sûr, de telles émissions restent bien plus faibles que celles résultant de la combustion de charbon, de pétrole ou de gaz. Mais l’ajout d’une batterie atténue les bienfaits d’une installation photovoltaïque sur le plan de la durabilité.

Autre problème de taille : la disponibilité immédiate des matériaux nécessaires à leur fabrication, en concurrence avec d’autres usages, en particulier les batteries des véhicules électriques. « Des ressources, on en a en suffisance, mais il y aura des tensions sur les chaînes d’approvisionnement pendant les cinq à dix prochaines années, commente Eric Pirard, professeur à l’ULiège et expert en ressources minérales. Cela est dû à la fulgurance de la transition énergétique, aux retards de plusieurs projets miniers et aux enjeux géopolitiques. Tout le monde parle des voitures électriques, mais je ne vois jamais de chiffres intégrant aussi les batteries domestiques. Or, il est clair que leur fabrication ne fera qu’empirer la situation. »

« C’est une ineptie d’utiliser des batteries lithium-ion pour un usage exclusivement domestique. »

D’ici quinze à vingt ans, les batteries en fin de vie pour un usage de mobilité électrique pourraient se muer en batterie domestique. « Il semble clair à présent que la batterie lithium-ion d’une voiture aura ainsi une deuxième vie, poursuit Eric Pirard. Mais comme la mobilité électrique n’en est qu’à ses débuts, ce n’est pas une option que l’on peut activer tout de suite. J’insiste sur ce point, parce que c’est une ineptie d’utiliser des batteries lithium-ion, dont la vertu principale réside dans leur légèreté, pour un usage exclusivement domestique. » Pourtant, c’est bel et bien sur cette technologie que reposent 70% des batteries domestiques commercialisées actuellement.

Utiliser la bonne technologie, au bon moment et pour le bon usage. C’est ce que préconisent les adeptes du « low tech ». C’est aussi ce qu’évoque Eric Pirard, en soulignant l’intérêt des bonnes vieilles batteries au plomb pour un usage domestique, moyennant quelques balises légales : « Le plomb est le métal le mieux recyclé. Il ne faut pas confondre la toxicité environnementale du plomb sous certaines conditions avec une utilisation dans de telles batteries, qui ne pose aucun problème. Ce que l’on recherche particulièrement aujourd’hui, ce sont les technologies les plus recyclables et mobilisant le moins de ressources possibles. Et pas nécessairement les plus performantes techniquement. A cet égard, le plomb reste indétrônable. »

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