Ressources minérales: le grand gaspillage
Production, mobilité, alimentation… la sobriété s’invite partout. Et elle s’impose dans les ressources minérales.
Elles sont au cœur de tous les équipements modernes, de la voiture (électrique ou non) en passant par le smartphone et ce film aluminium aussi vite jeté que déballé. « Le problème n’est pas tant la disponibilité des ressources que l’utilisation qu’on en fait », souligne Eric Pirard, professeur ordinaire à l’ULiège et expert en ressources minérales. Leur extraction et leur transformation sont devenues totalement étrangères à l’environnement du consommateur européen. Ces deux étapes nécessitent pourtant une quantité ahurissante d’énergie, principalement fossile, tandis que l’exploitation des ressources métalliques s’accélère au gré des innovations technologiques, de l’accroissement du niveau de vie et de la population.
La guerre en Ukraine l’a rappelé: 7% du nickel produit mondialement provient de Russie. Présent dans les batteries de la plupart des voitures électriques, des smartphones ou des ordinateurs, environ 60% du cobalt est extrait des mines de la République démocratique du Congo. Et l’Europe dépend à 98% de la Chine pour son approvisionnement en terres rares, un ensemble de dix-sept métaux que l’on retrouve dans de nombreux équipements du quotidien.
Il ne s’agit pas de diminuer notre confort, mais plutôt de le vivre autrement, en réapprenant à dorloter nos objets.
Des réserves connues ou inconnues, il en existe assez pour couvrir nos besoins pour des dizaines, voire des centaines d’années. En revanche, l’accroissement fulgurant de la demande exerce une pression sur certaines ressources, face à laquelle la production annuelle des mines en activité se révèle insuffisante. « Il y a un manque de nickel pour les batteries, de lithium pour les véhicules électriques, d’iridium pour l’électrolyse de l’hydrogène, commente Eric Pirard. Quel que soit le vecteur énergétique auquel on pense, on aura besoin de beaucoup de métaux. Mais on ne peut pas doubler les capacités de production du jour au lendemain. »
Contraints d’exploiter
Au passage, le professeur tord le cou à certaines pistes. « Il n’y a rien à aller chercher dans les astéroïdes, c’est de l’escroquerie scientifique. Quant aux fonds des océans, ils n’ont rien à voir avec nos continents. Nous sommes donc contraints à exploiter la partie émergée de la croûte continentale. Or, c’est une illusion de penser que l’on pourra continuer à accroître notre richesse en consommant moins de matière. » Inévitablement, la sobriété dans l’usage des ressources passera par la durée de vie des équipements, leur réparabilité et leur recyclage. En l’absence d’un coût vérité pour les métaux, ce dernier n’est souvent pas compétitif: la valeur des métaux récupérés dans un smartphone vendu trois cents euros ne s’élèverait qu’à un ou deux euros, estime Eric Pirard.
De ce fait, « la solution sera avant tout non technologique, conclut-il. Le droit à la réparabilité, notamment, me paraît absolument essentiel. Tout ingénieur devrait pouvoir défabriquer ce qu’il conçoit. De même, on devrait être fier de garder un smartphone pendant dix ans et une voiture pendant 50 ans». Pour Thomas Pardoen, professeur à l’Ecole polytechnique de Louvain, « on peut réinventer des technologies basées sur des choix de matières moins performantes pour leur composition chimique mais compensables par l’architecture des matériaux. Il ne s’agit pas de diminuer notre confort, mais plutôt de le vivre autrement, en réapprenant à dorloter nos objets. » Les pouvoirs publics pourraient contribuer à cette transition en liant la taxation à leur durée de vie, ou en instaurant des cadres contraignants en faveur de la réparabilité et du recyclage.
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