A l’heure actuelle, il faut entre trois et cinq ans pour récupérer l’investissement dans des panneaux photovoltaïques, tous frais inclus © BELGA IMAGE

Panneaux photovoltaïques: quel tarif prosumer pour quelle rentabilité en Wallonie?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Deux ans après l’entrée en vigueur du tarif prosumer, les ménages s’interrogent: investir dans les panneaux photovoltaïques est-il encore rentable et à quelles conditions? Quid en 2024, l’année d’un énième changement? Décryptage à travers les vents contraires wallons.

Produisez autant d’électricité que vos panneaux photovoltaïques le permettent: vous serez financièrement récompensé pour contribuer de la sorte à la transition énergétique. Tel était encore le message de la Wallonie il y a une dizaine d’années.

Finalement, non. Produisez autant d’électricité que votre consommation annuelle: vous serez financièrement – mais un peu moins qu’avant – récompensé pour contribuer de la sorte à la transition énergétique et à la stabilité du réseau. Tel était encore le message de la Wallonie il y a cinq ans.

Finalement, non. Produisez idéalement l’électricité que vous êtes capable de consommer directement ou de stocker: vous serez financièrement – mais un peu moins qu’avant – récompensé pour contribuer de la sorte à la transition énergétique, à la stabilité du réseau et à sa capacité à encaisser l’électrification croissante de nos besoins. Tel est désormais le message de la Wallonie, à quelques contradictions près.

Bien sûr, le prix des installations photovoltaïques a fortement diminué au cours des dernières années. Depuis quelque temps déjà, et plus encore avec la hausse des prix de l’électricité, celles-ci sont rentables sans la moindre prime, à condition d’être placées sur des pans de toiture orientés sud, sud-ouest ou sud-est, et plus ou moins inclinés. A l’heure actuelle, il faut entre trois et cinq ans pour récupérer l’investissement, tous frais inclus. De même, l’adoption croissante de ces unités de production décentralisées a fait peser de lourdes contraintes sur un réseau historiquement non conçu pour absorber de tels flux entrants et sortants. Il était donc sensé de demander, aux détenteurs de panneaux photovoltaïques (appelés aussi prosumers), une contribution financière équitable pour l’électricité qu’ils prélèvent sur le réseau quand leur installation ne produit rien ou pas suffisamment.

Aujourd’hui, il faut entre trois et cinq ans pour récupérer l’investissement, tous frais inclus.

D’où l’émergence, en octobre 2020 en Wallonie, du tarif prosumer. Remboursé à 100% jusqu’à fin 2021 et à 54,27% jusqu’au 31 décembre 2023 grâce à une prime wallonne, il sera pleinement à charge des prosumers dès 2024. «Au départ, ses recettes devaient faire diminuer les coûts de réseau pour les ménages ne possédant pas de panneaux solaires, rappelle Régis François, président de l’association BeProsumer – anciennement Touche pas à mes certificats verts (TPCV). Dans les faits, les actionnaires des gestionnaires de réseau de distribution, à savoir les communes, ont attendu cela comme leur Saint-Nicolas en matière de dividendes

Deux ans après son entrée en vigueur, le tarif prosumer suscite encore énormément de questions et d’incompréhensions. La Wallonie a beau marteler qu’il ne s’agit pas d’une taxe, une partie du grand public reste convaincue – à tort – que les pouvoirs publics reprennent financièrement de la sorte tout le bénéfice de ce que le soleil a offert. Mais le flou persiste également pour les premiers concernés, vu l’évolution de la tarification dans les années à venir. «J’ai 38 panneaux, un compteur intelligent et une voiture hybride. J’attends depuis quatre mois mon relevé annuel pour voir à quelle sauce je serai mangé», témoigne l’un. «J’aimerais savoir quel est l’intérêt exact d’opter pour un compteur double flux: les informations divergent et mon fournisseur n’est pas en mesure de me dire comment je serai facturé», s’interroge un autre.

Tarif capacitaire ou proportionnel?

La confusion générale provient essentiellement de la coexistence de deux méthodes tarifaires pour faire contribuer les prosumers aux coûts de réseau. La première est «capacitaire» tandis que la seconde, appelée à monter en puissance, est «proportionnelle». A ce stade, l’immense majorité des détenteurs de panneaux photovoltaïques possède un compteur simple flux, qui tourne à l’envers quand leur installation produit plus que ce qu’ils consomment. Dans ce cas de figure, le relevé annuel est négatif ou nul, si la production photovoltaïque est supérieure ou égale à la consommation du ménage. Pour contribuer aux coûts de réseau, celui-ci doit donc dès lors s’acquitter annuellement d’un tarif capacitaire, en fonction de la puissance électrique nette développable (kWe) de son installation. Ce tarif théorique suppose, faute de pouvoir l’objectiver, que le prosumer consomme directement 37,76% de l’électricité produite par ses panneaux, le reste étant injecté dans le réseau.

Le tarif prosumer pénalise plus lourdement les ménages mal conseillés dont l’installation photovoltaïque est surdimensionnée.

Subtilité supplémentaire: il existe onze tarifs capacitaires différents en Wallonie, variant selon la zone géographique. Ainsi, pour 2022, le tarif annuel d’une installation de 5 kWe s’élève à 154 euros à Andenne (couverte par l’AIEG) et à 227 euros à Verviers (qui dépend d’Ores Verviers). Une harmonisation des montants est toutefois confirmée pour 2024 à l’échelle d’Ores, qui applique pour sa part sept tarifs différents. A cette même échéance, un ménage devra s’acquitter d’un tarif prosumer d’environ 430 euros par an pour une installation de 5 kWe.

L’autre méthode de tarification, proportionnelle, nécessite de disposer d’un compteur double flux, éventuellement communicant, capable de distinguer l’électricité prélevée sur le réseau de celle qui y est injectée par les panneaux photovoltaïques. La Wallonie en rembourse intégralement l’installation (157 euros HTVA) jusqu’au 31 décembre 2023. Cette formule, dont le montant est plafonné à celui du tarif capacitaire, s’avère intéressante pour les prosumers parvenant à autoconsommer une part plus importante de l’électricité qu’ils produisent: plus cette part est élevée, plus le tarif est faible. Là où un ménage autoconsommant 50% de son électricité doit, par exemple, payer un tarif capacitaire annuel de 424 euros, il lui en coûterait 341 euros avec la formule proportionnelle, obligatoire pour les installations réceptionnées à partir de janvier 2024. Les détenteurs d’unités installées avant cette date, eux, pourront garder leur compteur simple flux – et donc le tarif capacitaire – jusqu’en 2030.

Ces scénarios tiennent compte d’un prix de 0,43 euros/kWh d’électricité.

Avec quelles conséquences financières? Dans les deux cas de figure, ces tarifs rallongent le temps de retour sur investissement, qui reste néanmoins très intéressant. En revanche, ils pénalisent plus lourdement les ménages mal conseillés dont l’installation photovoltaïque est surdimensionnée, sans avoir pu bénéficier d’un mécanisme de soutien équivalent – la Wallonie y a mis fin en juin 2018. «Ceux qui ont eu recours au tiers payant font partie des grands perdants, relève Régis François. Ils remboursaient leur installation et leur crédit avec des certificats verts et les économies d’énergie. Le problème, c’est que les acteurs du tiers payant leur proposaient une installation au prix gonflé, d’une valeur de 35 000 euros sur leur toit, en leur demandant de souscrire un emprunt de 10 000 euros. A niveau de soutien égal, l’installation était remboursée après dix ans. Désormais, ces ménages vont se retrouver avec un tarif prosumer de 800 ou 900 euros par an. Ils feront toujours une économie, mais ce sont les premiers dupés d’un système qui a surtout enrichi quelques personnes

Un peu plus d’un an avant l’échéance de 2024, de nombreux ménages se précipitent sur les panneaux photovoltaïques dans l’optique, notamment, de profiter du compteur tournant à l’envers. Quelle que soit la rentabilité du photovoltaïque, l’investissement ne conviendra probablement pas à ceux que ces calculs d’apothicaires effraient, ni à ceux qui veulent connaître les règles immuables du jeu. Car dans la saga des panneaux solaires, la Wallonie a le don de compliquer ce qui pourrait être simple, tout comme de revenir sur ses précédents engagements.

Deux fois plus de photovoltaïque: la nouvelle hérésie wallonne?

Récemment, le ministre wallon de l’Energie, Philippe Henry (Ecolo), annonçait, dans La Libre, la possibilité d’installer deux fois plus de puissance photovoltaïque dès 2023 pour les particuliers (20 kilovoltampères maximum à la sortie de l’onduleur, contre dix jusqu’ici): la limite actuelle 10 kVA serait, dit-il, insuffisante pour certains ménages se chauffant et roulant, entre autres, à l’électrique. Si ceux-ci sont censés prévenir les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) dans un tel cas de figure, la mesure fait bondir le président de BeProsumer – et il n’est pas le seul: «Soit le gouvernement est devenu fou, soit il y a une erreur de calcul.» A l’heure actuelle, le réseau est déjà souvent incapable d’absorber les pics locaux de production photovoltaïque. Résultat: des centaines d’installations, au minimum, se mettent en sécurité et ne produisent plus rien. En parallèle, la Cwape, le régulateur wallon, prévoit une cure d’austérité pour les GRD, peu en phase avec la nécessaire modernisation du réseau. Dans ce contexte, le doublement de la capacité maximale autorisée aggravera le problème, avertissent des experts.

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