décrochage onduleur
Afin de bénéficier du mécanisme de compensation jusqu'en 2030, 100.000 clients d'Ores ont installé des panneaux solaires en 2023, soit une hausse de 60% par rapport à 2022. © Richard Newstead

Décrochage d’onduleur: voici ce que prévoit Ores (mais il faudra être patient)

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Le principal GRD wallon va publier une cartographie des zones où les surtensions causées par le photovoltaïque provoquent des décrochages d’onduleur intempestifs. En 2024, Ores s’engage à intervenir dans 1.250 rues ou quartiers, sur les quelque 10.000 qui posent problème.

C’est un phénomène que déplorent bon nombre de propriétaires de panneaux solaires, parfois même depuis plus de dix ans. Quand le soleil brille et que les installations photovoltaïques environnantes injectent simultanément de l’électricité sur le réseau, la surtension qui en résulte peut provoquer un «décrochage d’onduleur». Par sécurité, celui-ci se déconnecte alors du réseau électrique, ce qui stoppe par la même occasion la production électrique des panneaux. Un comble pour les ménages qui ont investi plusieurs milliers d’euros dans l’espoir de réduire leur facture d’électricité. Dans les zones les plus critiques, le Brabant wallon en tête, le phénomène peut survenir plusieurs dizaines de fois par jour. Et l’effet d’aubaine survenu en 2023 n’a pas aidé: afin de bénéficier du mécanisme de compensation jusqu’en 2030, 100.000 clients d’Ores ont installé des panneaux solaires durant cette seule année, soit une hausse de 60% par rapport à 2022.

A défaut de changer les lois de la physique, les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) doivent donc optimiser ou moderniser coûteusement le réseau. En Wallonie, le plus grand d’entre eux est Ores, qui dessert 200 des 262 communes. A l’occasion d’une rencontre avec la presse, ce 15 avril, le GRD a fait part de ses ambitions en la matière, qui coûteront la bagatelle de six milliards d’euros entre 2024 et 2038. Au menu des cinq premières années (plus d’1,8 milliard d’euros) de son plan d’investissement: 5.000 kilomètres supplémentaires de câbles de basse tension, 3.400 de moyenne tension, 3.850 nouvelles cabines ou postes de transformation et 1,35 million de compteurs communicants à placer – contre les 230.000 installés actuellement, ce qui ne représente que 16% du parc d’Ores.

«Sans compteurs communicants, nous sommes myopes. C’est un outil de diagnostic essentiel pour nous permettre de comprendre le problème.»

Fernand Grifnée

Administrateur délégué

Une telle débâcle n’était-elle pas prévisible? Aurait-on pu moderniser le réseau plus rapidement? Au-delà d’un problème spécifiquement belge, compte tenu de la proportion de petites unités photovoltaïques par rapport à la capacité installée totale (voir le graphique ci-dessous), Ores défend son bilan en quelques chiffres: +65% de nouveaux câbles basse tension placés entre 2019 et 2023, 300 collaborateurs en plus et +22% d’heures de formation durant la même période. «Les moyens financiers, on nous les a donnés, reconnaît Fernand Grifnée, l’administrateur délégué d’Ores. Mais ce qui nous manque, c’est du personnel qualifié supplémentaire.» Un premier frein majeur, auquel s’ajoutent des galères administratives chronophages pour ouvrir les trottoirs ou placer de nouvelles cabines: «Sans un changement de paradigme radical de ce côté, il sera impossible de mettre en œuvre tout ce que nous prévoyons en seulement cinq ans.»

Fait indéniable: la simple venue d’un technicien d’Ores ne suffira pas, dans la plupart des cas, à régler le problème des décrochages d’onduleurs, tant celui-ci est complexe et conséquent. A bon nombre d’endroits, la seule solution technique sera de poser des câbles basse tension supplémentaires, voire de placer de nouvelles cabines – une démarche qui, dans les conditions actuelles, prend parfois plus d’un an et demi. Ce qui n’empêche pas le GRD de déployer, dès à présent, son plan de bataille, dont voici les trois axes marquants.

1. Signaler les anomalies, puis accepter le compteur communicant

«Sans compteurs communicants, nous sommes myopes, explique Ores. C’est vraiment un outil de diagnostic essentiel pour nous permettre de comprendre la nature ou l’ampleur d’un problème sur le réseau électrique.» Comme l’explique le GRD, tout client peut signaler, sur son site web ou via son call center, une anomalie telle qu’un décrochage d’onduleur fréquent. Dans les six semaines, Ores s’engage à installer le compteur communicant (qui ne menace en rien le mécanisme de compensation, auquel ont droit, jusqu’en 2030, tous les ménages ayant installé des panneaux photovoltaïques avant 2024). Celui-ci permettra d’effectuer, pendant un mois représentatif en matière d’ensoleillement, des mesures de tension. «A l’issue, nos équipes contactent le client pour l’informer de la solution, via courrier électronique si la solution est mise en place dans l’année, par téléphone si le délai est plus long», précise Ores.

2. Une cartographie inédite des zones critiques

Dès la fin du mois d’avril, Ores publiera une cartographie des zones critiques, nourries par les données encore disparates provenant, principalement, des compteurs communicants déjà placés. Le GRD prévoit quatre nuances de couleurs. En gris, les zones où, en l’absence de tels compteurs, il ignore l’état de la situation. En vert, celles où les clients desservis dans le périmètre subissent moins d’une heure de décrochage d’onduleur par semaine. En orange, une à sept heures hebdomadaires. Et en rouge, plus de sept heures par semaine. Il suffit qu’un seul client de la zone soit concerné par les cas de figure oranges ou rouges pour que l’ensemble de celle-ci soit colorée en conséquence. Au fil du temps et des compteurs placés, la maille d’observation se resserrera, ce qui aboutira à un diagnostic de plus en plus précis.

A l’heure actuelle, Ores estime que 10.000 zones basse tension posent particulièrement problème, sur les quelque 70.000 qui constituent son réseau. «Mais nous n’aurons pas les ressources en personnel pour tout régler en 2024.» Loin de là…

3. Moderniser le réseau: les premiers heureux élus

Dès le mois de juin, Ores indiquera sur cette cartographie un planning d’investissement, défini en fonction d’innombrables paramètres (état du réseau, nombre de clients, fréquences des plaintes, projections photovoltaïques…) passés au crible par l’intelligence artificielle. En 2024, Ores s’engage à procéder à régler le problème dans 1.250 des 10.000 zones basse tension problématiques. Dans 1.000 d’entre elles, il s’agira d’une optimisation (modification de la répartition sur le triphasé, modification de tensions dans les cabines, régulateur de tensions…), plus simple à mettre en œuvre. Dans les 250 restantes, il faudra ouvrir les trottoirs pour placer de nouveaux câbles.

Pour 2024, Ores a opéré une sélection en s’appuyant sur l’expertise de ses sept régions d’exploitations, les résultats de l’IA et… une bonne dose de pragmatisme. «Parmi les 1.250 zones prévues pour cette année, on n’en prévoit aucune qui nécessiterait le placement d’une cabine électrique, tout simplement parce que les démarches administratives prennent bien trop de temps», déplore le GRD.

Décrochage d’onduleur: chaque prosumer peut apporter sa pierre à l’édifice

Les décrochages d’onduleurs résultent de l’injection de l’électricité produite par les installations photovoltaïques avoisinantes dans une zone basse tension. Plus les prosumers d’une même rue ou d’un quartier parviennent à autoconsommer l’électricité qu’ils produisent, plus ils soulagent le réseau et plus la probabilité de connaître un décrochage d’onduleur diminue. Pour cette même raison, Ores recommande en outre de ne pas surdimensionner son installation et d’utiliser, quand c’est possible, des solutions de domotique pour maximiser l’autoconsommation.

Le décrochage d’onduleurs ne constitue qu’un symptôme d’un défi bien plus vaste qui lui, concernent également les ménages dépourvus de panneaux photovoltaïques. Un réseau électrique modernisé, de la très haute à la basse tension, est crucial pour concrétiser une transition énergétique basée sur des énergies renouvelables intermittentes, la mobilité électrique et la généralisation des pompes à chaleur.

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