Edwige Baily, sublime et emportée, passe avec aisance, voix et corps, d’une femme à l’autre. © Gaël Maleux

Critique scène: Edwige Baily joue l’amour à mort

Edwige Baily enflamme Tout ça pour l’amour! , un seul en scène littéraire et amoureux. Créé au Public, passé avec succès par Lyon et Paris, joué plus de 180 fois, il revient en Belgique en ce début d’année.

Elle est là. Voix et corps. Elle, c’est Edwige Baily, surprenante et magistrale dans Tout ça pour l’amour, seul en scène créé en sortie de pandémie, maturé pendant le second confinement. Au départ, une commande par Le Public à Julien Poncet. Qui choisit Edwige pour l’interpréter. Eux, enfants de profs, écriront le texte. A quatre mains, un peu. Au plateau, surtout. Avec l’envie de parler transmission, passion, littérature et… amour. «L’ amour fraternel, l’amour condamné, l’amour condamnable, tous les amours», glisse la comédienne.

D’amour vrai et fort entre deux personnes, d’amour pour la littérature, d’amour qui déchire, que tout emporte. La comédienne incarne deux professeures de littérature et latin passionnées par leur matière, mues par le désir de transmission. Mais ces deux femmes que tout oppose, la gouailleuse et la racée, Annie Cordy versus Fanny Ardant, sont peut-être deux facettes d’une seule, donnant cours au public conquis. D’un côté, l’histoire de la tragédie d’Antigone façon verve brusseleir: «Prenez vos seaux de pop-corn: générique!». De l’autre, l’amour des tragiques, des mots et de la liberté prosodié entre douceur, ténèbres, liberté, déchirements. «Nous souhaitons offrir une pièce qui se voit de différentes façons, insiste Edwige Baily. Proposer sans imposer, hors morale.» Le fil narratif évoque, en filigrane, l’histoire de Gabrielle Russier, enseignante qui aima l’un de ses élèves à la fin des années 1960, fut emprisonnée et se suicida. Mourir d’aimer, le film d’André Cayatte, c’est elle.

Il y a tout dans cette heure et demie de spectacle, la passion en plus.

Il y a tout dans cette heure et demie de spectacle, la passion en plus. La performance de l’actrice, sublime et emportée, qui passe avec aisance, voix et corps, d’une femme à l’autre. Les lumières de Julien Poncet, qui cisaillent la scène sobre et sombre – sol noir, tableau noir, tabouret et table blanche. Des lumières «qui créent d’autres êtres, et m’accompagnent sur le plateau, souligne la comédienne. Je n’y suis pas seule.» Le son, par Raphaël Chambouvet, sourd ou subtilement amplifié, crée les mondes. La scénographie dépouillée qui raconte tout est signée Renata Gorka. On glisse de Montesquieu à Sophocle, de Rimbaud à Flaubert, de l’éducation des mots à celle des maux, en passant par celle des sentiments. Avec fureur, sublime et humour. Et on redécouvre Verlaine en écho à cette professeure qui voulait faire de sa vie «une chose droite et magnifique»: «Sans nous préoccuper de ce que nous destine. Le Sort, nous marcherons pourtant du même pas, Et la main dans la main, avec l’âme enfantine. De ceux qui s’aiment sans mélange, n’est-ce pas?» Et on sort du théâtre en souhaitant aimer à mourir, les mots comme les hommes.

Tout ça pour l’amour, au Vilar, à Louvain-la-Neuve, du 10 au 21 janvier, puis en tournée.

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