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« Dire que quelqu’un n’est pas assez bien, c’est ne pas le regarder d’assez près » (entretien)

Dans Eloge des vertus minuscules, la professeure de littérature Marina van Zuylen va à l’encontre du culte de l’excellence et valorise la « bonne médiocrité ». Soit la tempérance plus que la performance.  

Son nom vous est peut-être inconnu, mais l’ouvrage que vient de publier cette docteure en littérature de Harvard, aujourd’hui professeure au Bard College (Etat de New York), se révèle singulièrement salutaire par ces temps de course à la performance et de compétition effrénée. Marina van Zuylen est franco-américaine, établie aux Etats-Unis, berceau et Mecque du culte du self-made-man, de l’exubérance, de la performance, du perfectionnisme, du bling-bling et du cash.

A rebours de cet imaginaire, elle redonne ses lettres de noblesse au passable, au moyen, au médiocre, à l’ordinaire, à toutes ces vertus discrètes moins visibles à l’œil physiologique qu’à celui de l’âme. Dans Eloge des vertus minuscules (1), passionnant de bout en bout, Marina van Zuylen offre une éthique et une esthétique de l’«assez-bien» (good-enough), une sorte d’héroïsme à basse intensité, se situant dans cette zone grise entre l’excellence et l’échec. Or, comment peut-on prêcher aux autres pareille éthique quand on est soi-même le fruit d’un milieu hautement compétitif? C’est sans doute l’une des grandes apories de cet essai. Elle en fait sa faiblesse. Son humanité, aussi.

Les étiquettes “médiocre”, “passable”, “moyen”, peuvent détruire une personne.

Le point de départ de votre réflexion fut l’annonce, erronée, par un radiologue que vous n’aviez qu’un demi-cerveau. Plutôt que de vous en inquiétez, vous vous en êtes réjouie. Pourquoi?

Ce qui est fou, c’est que je n’ai jamais été horrifiée par ce diagnostic. Au contraire, je me suis sentie étrangement soulagée. Je me suis même prise de grande affection pour mon demi-cerveau (rires). Voilà que je pouvais me libérer des exigences qui avaient transformé ma vie en quête de performance plutôt que de bonheur.

Mon surmoi avait soudain été mis sur pause, un spécialiste du cerveau m’ayant autorisée à accepter mes insuffisances. Dans le monde ultracompétitif de la recherche académique, j’avais souvent rêvé d’une porte de sortie. Je pouvais enfin échapper au jugement de mes pairs, être sauvée de mon besoin d’être reconnue – un besoin qui me faisait honte. Et faire cesser le jeu de cache-cache auquel mon humilité jouait avec mon ambition.

C’est ce qui vous a amenée à élaborer cette notion de l’ «assez-bien» développée dans le livre. Comment la définissez-vous?

La notion d’assez-bien (good-enough) me plaît parce que c’est une non-catégorie, volontairement vague. D’un côté, elle touche au Bien mais, de l’autre, le modalisateur «assez» qui la précède interdit toute arrogance, il nous mène à une autre façon de définir le talent. Nous sommes bien peu doués pour déchiffrer nos congénères hors de leurs succès tangibles.

Dans la notion d’assez-biennotez le trait d’union – , la nuance apportée par l’adverbe m’a rendue plus prudente dans mes jugements, plus circonspecte dans mon exploration des recoins cachés de la conscience humaine. Les étiquettes «médiocre», «passable», «moyen» peuvent détruire une personne. Un premier prix, une grande école, une mention très bien avec félicitations: tout cela monopolise notre attention et éclipse les résultats plus nuancés. Je veux arracher l’idée d’assez-bien à son statut ancillaire.

«Si nous ne sommes pas quelqu’un, alors nous ne sommes personne», écrivez-vous. Comment dépasser cette dichotomie?

L’exclusion pénètre la trame profonde de notre identité, présente et future. Qui d’entre nous n’a pas été invisibilisé à l’intérieur de cette zone grise entre l’accomplissement et la déroute? Nous avons besoin d’un Rembrandt pour dessiner la ligne imperceptible qui sépare l’ordinaire de l’exceptionnel. Comme l’a noté la philosophe Sandra Laugier, les qualités les plus importantes d’une personne (moralité, courage, honnêteté, etc.) sont inévitablement noyées sous la demi-douzaine de mots qui servent à la désigner.

En effet, que pouvons-nous savoir de la vie intérieure d’un être lorsque nous sommes dépendants de mots aussi érodés que «bon», «bien», «vrai», «juste», pour décrire sa complexité? Eclairer les vies qui, du dehors, semblent minuscules ne devrait pas seulement être le rôle de la littérature. Pour dépasser cette dichotomie, nous dit Levinas, il faut prêter l’oreille, écouter avant de parler, analyser avant de juger.

A la mort de Jackson Pollock, son plus grand rival, Willem de Kooning aurait dit: «J’ai vu Jackson dans sa tombe. C’est fini. Je suis le premier maintenant.»
A la mort de Jackson Pollock, son plus grand rival, Willem de Kooning aurait dit: «J’ai vu Jackson dans sa tombe. C’est fini. Je suis le premier maintenant.» © BELGAIMAGE

Vous parlez d’une «médiocrité dorée» et de «bonne médiocrité» dans le livre. Qu’entendez-vous par ces oxymores un peu provocateurs?

Chez Aristote ou Horace, la médiocrité pouvait réellement être «dorée». Ce que les Anciens nomment l’aurea mediocritas nous encourageait à éviter les extrêmes, notamment lorsque le succès et l’amour-propre risquaient de compromettre l’équilibre d’une vie. Cette discrète aura ne brille que pour ceux qui font l’effort de voir l’entre-deux.

Du latin «medius» (milieu) et «ocris» (montagne), médiocrité signifie étymologiquement être coincé dans un coin paumé au milieu d’une montagne escarpée. Imaginez-vous piégé dans ce genre de trou minable: vous vous sentez invisible, privé de toute distinction. Le monde est rempli de ce genre de figures «disparues» mais aussi de celles qui ont le pouvoir de «faire disparaître» les autres. Les œuvres dont je parle dans Eloges des vertus minuscules font réapparaître les disparus, transforment l’invisible en visible, et trouvent dans des vies apparemment mineures une humanité vaillante.

L’un des enjeux de votre ouvrage est de proposer une éthique de l’assez-bien, notamment à destination des plus jeunes. Comment élaborer une éducation à la sobriété pour les jeunes qui sont, par nature, «tout feu tout flamme», comme vous le dites?

Je ne parlerais pas nécessairement de sobriété. Il faut allumer d’autres passions qui leur feront découvrir que d’autres ont souffert comme eux, ont espéré comme eux, ont subi d’autres versions de cette extrême visibilité comme eux. Il faut avoir vécu un peu pour comprendre ce qu’Edouard Glissant (NDLR: philosophe et romancier martiniquais) nomme «le droit à l’opacité»: se mettre à l’abri d’une visibilité excessive. La jeunesse veut ses héroïnes et ses héros. La philosophie de l’assez-bien, au contraire, est un moyen de troquer l’idéal contre un réel où tout ne découle pas de la comparaison et de la compétition. S’efforcer de persévérer dans son être, comme le dit Spinoza, c’est découvrir ce qui nous comble hors du regard des autres.

«Il est bien plus difficile de trouver la mesure que d’embrasser les extrêmes», soutenez-vous.

Ce qu’Aristote voyait comme une distance prudente, nous le qualifierions sans doute aujourd’hui de manque d’audace ou de lâche indifférence. Mais qu’en est-il de ceux pour qui la mesure est impossible? Il ne revenait pas à Kafka d’opter ou non pour une vie assez bonne. Son aspiration à créer, recommencer, déchirer, réécrire, repeindre lui était une nécessité fondamentale, à la fois dépendante de, et sans rapport avec, la peur de l’échec. L’expression du doute, chez les artistes, est importante car elle renvoie à la distinction entre les bénéfices idéalisés de la modération (prônée par les philosophes) et les versions plus sombres que l’on trouve chez certains créateurs pour qui la hantise du «pas assez bien» peut s’accompagner d’une véritable dépression.

On pourrait vous objecter que cette notion de l’assez-bien cultive et incite à la mollesse, traduit un sentiment de fatigue de vivre, voire de nihilisme.

Les vertus minuscules dont je parle n’évoquent en rien la mollesse. L’assez-bien que je défends est une exigence qui nécessite une écoute soutenue, même contre-intuitive, de l’autre. Cela consiste à écouter avant de parler – pas si facile – et à poser un regard soutenu avant un jugement instantané – souvent impossible. Mon ambition est d’introduire ce temps de pause entre des moments de jugement. Ma notion de l’assez-bien est tout le contraire du nihilisme. C’est l’occasion d’écouter quelque chose qui n’est pas imposé par un jugement extérieur. Il y a une grande mesure d’optimisme dans ma manière de pratiquer l’assez-bien. Ce sont ceux qui sont des insatisfaits perpétuels qui sont mous et nihilistes. Ce sont eux qui évitent un regard plus difficile, plus radical, sur l’autre.

Ce sont eux aussi qui sont atteints par le syndrome du «pas assez-bien» dont vous parlez dans le livre? De quoi s’agit-il?

Notre surmoi est à la fois notre plus grand allié et notre cruel frère ennemi. C’est le «pas assez-bien» qui exige de nous l’impossible, nous plonge dans le désespoir de ne pas être ceci ou cela. C’est le «pas assez-bien» qui nous empêche si souvent de continuer dans une voie qui aurait pu être salutaire. Un manque de bienveillance, un mot dur, un jugement rapide, la critique d’une amie, d’un professeur, d’une collègue, peut mener à un syndrome dont on ne se remettra que très difficilement.

Lorsque j’étais jeune étudiante, ma propre vie était constamment menacée par la peur d’être négligeable et donc négligée. C’est là qu’apparaît le revers du juste milieu: la crainte lancinante d’être coincé dans le bourbier du moyen terme, se sentir condamné à subir éternellement le regard dépréciateur de l’autre. Les réussites fracassantes autour de moi invitent à une évaluation trompeuse qui renvoie surtout à la façon dont le succès est évalué et mesuré. Juger une personne d’après son curriculum vitae, c’est lui voler son âme. Dire que quelqu’un n’est pas assez-bien, c’est ne pas le regarder d’assez près.

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Vous appelez à dépasser les catégories consacrées de succès et d’échec. Quelles sont les vertus du fait de renoncer à juger selon ces catégories? Que peut-on leur substituer?

Entrer dans l’inconscient d’un personnage littéraire nous aide à dépasser la binarité désastreuse qui nous éloigne des autres: d’un côté ceux que nous admirons, de l’autre ceux que nous ne remarquons même pas. Que substituer à ces catégories? Eh bien, j’ai toujours rêvé de convaincre les ministres de l’Education d’introduire d’autres normes dans l’histoire de la réussite scolaire. Pourquoi ne pas intégrer l’art et l’artisanat dans les lycées et les universités? Et pas seulement dans les écoles à voies professionnelles.

Dans Ce que sait la main (Albin Michel, 2010), le sociologue Richard Sennett refuse, notamment, de faire la dichotomie entre le génie supérieur et l’artisanat inférieur. En abolissant la frontière entre le noble et le trivial, il élève l’expertise manuelle au niveau de l’inspiration, avançant que la minutie et le soin apportés à l’artisanat relèvent pleinement de la créativité. Les signes extérieurs de prestige ne perdraient-ils pas alors de l’importance pour laisser place à une forme de jugement très différente, valorisant le processus plus que les résultats?

Dire que quelqu’un n’est pas “assez-bien”, c’est ne pas le regarder d’assez près.

Au début de son premier quinquennat, le président Emmanuel Macron a prononcé cette phrase qui a provoqué une vive polémique: «Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien.» Que vous inspire-t-elle à l’aune de votre réflexion?

Quand je l’ai appris, j’ai d’abord pensé que ce commentaire était une fake news. C’est une terrible phrase qui mène directement au Trumpisme. Comment ne pas éprouver un immense ressentiment une fois enfermé dans la catégorie «nobody» ou «somebody»? C’est un grand manque d’imagination de diviser le monde en deux! Les vertus minuscules dont je parle nourrissent notre imagination ; elles sont invisibles pour ceux qui ne savent pas regarder de près, elles nous obligent à changer la qualité de notre regard. C’est le lien entre humilité, tolérance et espoir qui intéresse ma réflexion sur la notion d’assez-bien. Le lien entre le non-jugement et la «bonne joie», qu’un penseur comme Spinoza relie à la puissance d’agir de chacun.

Qu’entendez-vous par «bonne joie»?

J’ai fait des choix parfois difficiles, des choix qui, du dehors, ont pu sembler étranges. Après un divorce difficile (y en a-t-il des faciles?), j’ai quitté un poste prestigieux pour élever mon fils et j’ai rejoint une université (le Bard College) qui m’a donné une grande liberté intellectuelle. J’ai pu y enseigner des sujets comme «The Good-Enough Life» sans la pression de publier des articles ou des livres académiques.

C’est par cet exil volontaire, loin des satisfactions plus égocentriques, que j’ai pu taire les bruits de fond narcissiques, où la comparaison avec autrui était en train de me briser l’âme. C’est difficile de ressentir cette bonne joie dont parle Spinoza si on ne s’affranchit pas, en toute lucidité, des blessures et des plaisirs transitoires de la vanité. Pour moi, la bonne joie consiste à penser avec les autres, et non pas contre eux.

Au début des années 1990, le sociologue Alain Ehrenberg a estimé que notre société souffre du culte de la performance dans un livre éponyme. Souscrivez-vous à cette thèse et pensez-vous que ce soit encore le cas aujourd’hui?

Un de mes livres de chevet est encore La Fatigue d’être soi d’Alain Ehrenberg (Odile Jacob, 1998). Il m’a rendue sensible à la fragilisation des individus lorsque ceux-ci, propulsés dans le rôle de conquérant de leur propre vie, responsables de leurs échecs et leurs réussites, sombrent dans de grandes souffrances psychiques. Si nous sommes maîtres de nos victoires, nous sommes également agents de nos défaites. C’est très difficile de supporter cela, surtout lorsqu’on est jeune.

Cette agentivité nous fait oublier que nous ne présidons que sur des morceaux de notre vie. Rappelons-nous que notre identité n’est pas que la nôtre — elle s’est forgée à partir des relations et des rencontres que nous avons nourries au fil du temps. Nous sommes toujours pris dans une relation, et il en va de même de nos interlocuteurs. Nous sommes la somme de rencontres, d’idées, de désaccords et d’amitiés. Arrêtons donc de nous considérer maîtres d’un univers que nous ne contrôlerons jamais, heureusement d’ailleurs.

Les vertus ordinaires et les éloges de la médiocrité, voire du ratage, font l’objet ces derniers temps de plusieurs essais et connaissent un certain succès en librairie. De quoi ce succès est-il le signe? Que révèle-t-il de notre époque?

Le désir croissant d’exister pour séduire le plus de followers possible est un appel implacable, auquel il est très difficile de résister. Essayer de deviner le désir de l’autre pour s’y conformer est un leurre dangereux. Comment échapper à la tyrannie de ce moi dont on attend qu’il soit toujours plus performant, toujours plus parfait? George Orwell parle de décence ordinaire. Contrairement au perfectionnisme, souvent issu d’une forme de haine de soi narcissique, cette décence contient l’acceptation de la défaite. Sans celle-ci, nous écrasons nos amis d’exigences absolues, oubliant que c’est la fragilité qui signale quelque chose de réel, quelque chose qui peut être travaillé à plusieurs, fait, défait et refait. Traitons l’humain comme un tableau à restaurer, un chef-d’œuvre pas encore remarqué.

Le paradoxe de l’éloge de la médiocrité et du ratage est que ceux qui le théorisent sont tout sauf des médiocres (Samuel Beckett, Levinas…). Vous-même, vous semblez rejeter tout esprit de compétition, alors que vous devez votre poste de professeure et cette réflexion à un parcours hautement compétitif… N’est-ce pas paradoxal?

Tolstoï s’efforça par tous les moyens d’être un homme ordinaire. Quel paradoxe! Un génie s’évertuant à atteindre la médiocrité. Choix ou nécessité, l’assez-bien sera toujours un dilemme. Quiconque écrit à son sujet est inévitablement tiraillé quant à ses implications. Faut-il suivre ses ambitions ou s’en écarter? Pas évident…

Très peu d’entre nous ont l’occasion de choisir ce juste milieu. C’est le privilège de celui qui a déjà atteint un certain niveau de réussite, ou une certaine conscience de sa valeur, de décider sciemment de ne pas poursuivre cette ascension. Vous avez raison, il est paradoxal de se pencher sur l’assez-bien lorsqu’on a survécu dans un monde hautement compétitif. Je ne sais pas si j’aurais pu écrire ce livre si j’étais restée en France. Les regards méprisants de certains de mes professeurs, des normes académiques rigides, des concours terrifiants, m’auraient sans doute menée à l’échec.

Cette esthétique et éthique de l’assez-bien peut-elle trouver une traduction politique? Le refus de parvenir, théorisé par des anarchistes à la fin du XIXe siècle, et par certains maoïstes dans les années 1970, vous semble-t-il une forme possible?

Toute idéologie, à mon avis, oublie très vite l’humain, remplaçant le singulier par des idées abstraites. Mon livre essaie de mettre de côté les absolus et les absolutismes. Permettez-moi de citer Ikonnikov, l’antihéros de Vassili Grossman dans Vie et Destin : son humanité vient justement du fait qu’il n’est pas mû par une grande idée, une idée potentiellement dangereuse, comme le bien absolu ou l’égalité pour tous. Son exemplarité repose sur de petites choses: «C’est ainsi qu’il existe, à côté de ce grand bien si terrible, la bonté humaine dans la vie de tous les jours. C’est la bonté d’une vieille qui, sur le bord de la route, donne un morceau de pain à un bagnard qui passe, c’est la bonté d’un soldat qui tend sa gourde à un ennemi blessé, la bonté de la jeunesse qui a pitié de la vieillesse, la bonté d’un paysan qui cache dans sa grange un vieillard juif […] une petite bonté sans idéologie. On pourrait la qualifier de bonté sans pensée…»

Comment concilier la culture de l’assez-bien que vous prônez avec le besoin de reconnaissance, inhérent aux êtres sociaux que nous sommes?

Pour le sociologue Max Weber, nous luttons tous pour la reconnaissance dans un espace très restreint. Notre succès repose souvent sur l’échec d’un autre. Si nombre d’entre nous seraient enchantés d’être jugés «très bon», ce n’est pas le cas pour ceux hissés au panthéon des stars. Pour eux, il ne suffit pas d’être un grand artiste, il faut être le meilleur. Michel-Ange n’a jamais pardonné à Raphaël de s’être inspiré des voûtes de la chapelle Sixtine. Plutôt que de tirer fierté du rôle de maître vénéré, il détourna en sa faveur tout éloge adressé à Raphaël, affirmant: «Tout ce que Raphaël sait en matière d’art, il l’a appris de moi.» Autre exemple: lorsque Jackson Pollock fut nommé le peintre le plus doué de sa génération, la jalousie de son plus grand rival, Willem de Kooning, s’attisa. Il aurait dit, après la mort de Pollock: «J’ai vu Jackson dans sa tombe. Il est mort. C’est fini. Je suis le premier maintenant.» L’assez-bien est impossible pour les Michel-Ange, pour les de Kooning. Mais pour certains d’entre nous, l’assez-bien élargit le vécu de l’autre, transformant ses vertus cachées en indispensables qualités, en trésors ignorés d’un quotidien encore à découvrir.

Bio express

1958

Naissance, le 22 décembre, à Boston.

1990

Obtient son doctorat en littérature comparée à Harvard.

2006

Nommée professeure de littérature française et comparée au Bard College.

2010

Directrice du programme Clemente Course in the Humanities (cursus universitaire gratuit pour adultes en difficulté ou sans ressources).

2015

Médaille de la National Endowment for the Humanities, octroyée par le président Barack Obama.

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