Le Boyau de la Mort, à Dixmude. © Belga

Yser : la Belgique à la Une de l’actualité mondiale en octobre-novembre 1914

Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

La bataille de l’Yser est à la Une de l’actualité mondiale en octobre-novembre 1914. Les Belges réussissent à y stopper les Allemands grâce aux inondations.

Octobre-novembre 1914. Toute la Belgique est occupée. Toute ? Non. Une poignée d’irréductibles résistent à l’envahisseur sur l’Yser, fleuve côtier de Flandre occidentale. Pendant ces deux mois, le secteur de Dixmude et de Nieuport fait même la Une de l’actualité mondiale. Car les forces belges, aidées par des Français et des Britanniques, réussissent à y stopper l’offensive allemande.

Inonder la région, une fois de plus

Déployés sur un front boueux de trente-huit kilomètres, 75 000 belges et 4 000 fusiliers marins français résistent aux attaques allemandes de plus en plus violentes. A force de tirer, les canons sont mis hors d’usage et les munitions commencent à manquer. Profitant d’une accalmie, les troupes du génie ouvrent le déversoir de Noordvaart. Sous l’effet de la marée, l’eau envahit le champ de bataille et stabilise le front pendant quatre ans. « Cette zone avait déjà été inondée dans un but défensif une vingtaine de fois depuis la guerre de Cent Ans, jusqu’à la période révolutionnaire, précise Luc De Vos, professeur d’Histoire à l’Ecole royale militaire à Bruxelles. Il s’agissait alors de se protéger des Français. »

Il faut alors, dans les tranchées de l’Yser, surmonter bien des épreuves : les escarmouches, les bombardements, les gaz asphyxiants. « Toutes les armées ont utilisé ces gaz, note l’historien. Y compris la nôtre. Mais les Allemands sont les précurseurs : c’est du côté d’Ypres qu’ils ont testé pour la première fois le chlore, en avril 1915. Là encore qu’ils ont expérimenté, en 1917, le gaz moutarde, ou ypérite. Là enfin qu’ils ont procédé à la première attaque au lance-flammes. »

Les soldats connaissent aussi le froid terrible de l’hiver 1914-1915, la pluie, le vent du Nord, le manque d’abris et d’eau potable. La nourriture suffit à peine et les soldats ont pour compagnons indésirables les poux, les souris et les rats. L’armée est confrontée au typhus, à la dysenterie et, en 1918, à la terrible grippe espagnole.

Le mythe du Flamand envoyé au casse-pipe

Les soldats belges sont pratiquement coupés de leurs familles. Ils envoient du courrier, mais il est soumis à la censure militaire. Privations et frictions linguistiques provoquent des tensions dans les rangs. Des lettres de jeunes militaires écrites dans les tranchées de l’Yser (in Les Survivants du boyau de la mort, par Marcel Bolle De Bal, éd. PIE) révèlent ainsi qu’une forme de violence, voire du racisme imprègne les rapports entre Flamands et francophones sur le front. « J’en arrive à me demander si je ne leur préfère pas encore les Boches », écrit l’un d’eux. « Nous voulons la sépa (NDLR : la séparation du pays), les chefs flamands à l’armée aussi », assure un autre.

Une certitude : dès que les canons de 14-18 se sont tus, le Mouvement flamand a hurlé à l’injustice. Il va même la graver à jamais dans la pierre de la tour de l’Yser, érigée en 1928. Chaque année, depuis 1920, la Flandre est invitée à se rassembler pour commémorer le sacrifice et les souffrances de ses enfants tombés en masse pour une cause tellement injuste. Le mythe, religieusement entretenu, se nourrit d’estimations et d’allégations hardiment lancées par les milieux activistes pour alimenter leur combat. Ceux-ci prétendent que 80 à 90 % des soldats engagés sur l’Yser étaient flamands.

Il a fallu attendre les années 1970 et 1980 pour que des études mettent à mal cette lecture douteuse de la tragédie. « En réalité, pas plus de 65 % des soldats de l’Yser étaient flamands, reconnaît l’historien flamand Luc De Vos. De même, la propagande flamingante affirme que des chefs militaires wallons ont envoyé à la boucherie d’humbles troupiers flamands qui n’avaient pas compris les ordres donnés en français. Aucun témoignage ne vient confirmer ces affirmations. Le problème est ailleurs : des aumôniers, des brancardiers, ou encore des étudiants de Flandre déploraient le grand nombre de sous-officiers francophones, alors que le simple soldat, vu sa faible scolarisation, était souvent flamand. « 

En 1917, la révolution russe rencontre des sympathies dans les tranchées de l’armée belge. « Le roi craignait une révolte, reconnaît De Vos. La guerre n’en finissait pas. Il y a eu des mutineries et des exécutions de déserteurs, mais dans une proportion moindre que chez les Français. Après la victoire, les militaires, acclamés comme des héros, ont vite oublié leurs velléités révolutionnaires. »

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