Adrien Farcy

Quel modèle pédagogique pour notre enseignement supérieur ?

Adrien Farcy Etudiant en master en droit à l'ULg

Nous assistons, depuis une trentaine d’années à une  » massification  » de l’enseignement universitaire.

Si la diversification de la population estudiantine est une bonne chose, force est de constater que l’échec à l’université est une réalité prégnante et constitue une sérieuse entrave à l’épanouissement du potentiel propre à chacun. Il s’agit d’un indicateur pertinent de l’état de santé du système pédagogique en place. Etant, pour la Belgique, de 60% en première année universitaire en 2014, il y a matière à s’inquiéter. Sans parler de son coût pour la société et pour les familles. Un tel taux d’échec n’est guère une fatalité et, en la matière, nous pensons que trop d’importance est accordée à la part de responsabilité des étudiants et trop peu à un système pédagogique qui n’est plus en phase avec les incessantes évolutions liées à la modernité ni avec son public du 21e siècle.

En Belgique, le modèle magistral prévaut largement dans nos universités.

L’essentiel d’un cours consiste généralement en un exposé théorique dispensé par un professeur à un large auditoire. Son évaluation, au terme de chaque quadrimestre, s’appuie sur une capacité à ingurgiter, en quelques semaines, un volume de matière considérable, pour ensuite le dégurgiter à échéance.

Il implique une passivité quasi-totale dans le chef des étudiants, une faible incitation au travail et un manque d’encadrement. Il y a en outre une disproportion manifeste entre l’enseignement de la théorie et celui de sa mise en pratique. Or, en ces temps d’accessibilité croissante de l’information et d’érosion du monopole de l’institution universitaire dans la production de savoirs, la difficulté n’est plus tant de trouver l’information que de parvenir à organiser la gestion et la structuration de sa masse devenue colossale. Enfin, trop peu de place est laissée à l’épanouissement intellectuel de chaque individualité en raison d’un état de quasi-anonymat des étudiants.

Une révision de ce modèle ne peut faire l’impasse d’une analyse approfondie. Nous nous contenterons de citer deux expériences françaises encourageantes s’appuyant sur les nouvelles technologies. La première date de 2006 à la faculté de médecine de Grenoble, pour les étudiants de première année. Elle consiste à mettre en ligne la partie théorique du cours afin que chaque étudiant en prenne connaissance à son rythme, et à organiser en parallèle des tutorats personnalisés en groupes restreints avec des étudiants de troisième année et les enseignants pour discuter des questions individuelles de chacun. Des évaluations hebdomadaires sont prévues afin de parfaire la préparation au concours de fin de première année. Résultat : la satisfaction à 95% des étudiants, une réussite des couches modestes des étudiants deux fois supérieure en moyenne et… une chute des parts de marché des officines privées spécialisées dans la préparation au concours.

La seconde expérience permet de démontrer que, au sein même du cadre étroit de notre modèle magistral, l’innovation est possible. Il s’agit de l’expérience des « boitiers-réponses » de l’Université Pierre et Marie Curie entre 2011 et 2012. L’idée est de distribuer une télécommande à chaque étudiant de l’auditoire afin de répondre à des questions posées par le professeur au fur et à mesure du cours. Un histogramme présente les réponses et les étudiants sont amenés à en discuter entre eux afin de fournir une solution ajustée. Ce système accroît sensiblement l’interactivité et implique un apprentissage en temps réel.

Ne faut-il pas aussi s’interroger sur les modalités d’une évaluation des académiques qui privilégie presque exclusivement la composante de leur profil liée à leur activité de chercheur et fait peu de cas de leur qualité de pédagogue ?

Certes, les innovations en la matière nécessitent des financements. Mais elles requièrent des efforts et initiatives à tous les niveaux (professeurs, organisations d’étudiants…). De telles réformes viseraient à rendre l’étudiant acteur principal de sa formation et à soumettre la théorie acquise à la pratique considérée dans sa globalité. A plus long terme, elles sont indubitablement une condition non négligeable au façonnement, dans le chef de notre jeunesse, d’un esprit critique et dynamique essentiel pour affronter les défis futurs de notre société. L’enseignement supérieur doit se mettre au service de la société et en aucun cas s’élever au-dessus d’elle.

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