Frédéric Janssens devancé par Jean-Claude Marcourt.
Frédéric Janssens devancé par Jean-Claude Marcourt.

Affaire du greffier: entre démons du passé et rejet des responsabilités, comment la politique wallonne s’est (encore) embourbée

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

L’affaire du greffier du Parlement wallon a fait ressurgir les démons du passé, pour le PS, qui parle de responsabilités collectives. Un argument réfuté par le MR, qui dénonce un « écran de fumée ». Des chamailleries qui ne changeront pas le sort de Jean-Claude Marcourt, qui s’est dit prêt à s’inscrire dans une démission collective.

La semaine dernière, le journal Le Soir révélait que Frédéric Janssens avait réalisé un voyage très coûteux avec le président du Parlement wallon Jean-Claude Marcourt (PS) à l’Exposition universelle de Dubaï, en novembre 2021. Cette révélation s’ajoute à des plaintes antérieures de harcèlement et de déraillement budgétaire. Pour le PS, qui se remet à peine des affaires Nethys et Samusocial, l’image du « socialisme caviar » se profile à nouveau. Dans un timing où leurs électeurs doivent eux-mêmes surveiller leurs dépenses en raison de la crise énergétique, la pilule ne passe pas.

Affaire du greffier: un air de déjà-vu

Pour Jean-Claude Marcourt, la fin de parcours est inéluctable. Le socialiste avait déjà fait surface dans l’affaire Nethys. En février 2021, le procureur général de Liège a fait procéder à des perquisitions à son bureau au Parlement ainsi qu’à sa résidence privée. Avec le patron de Nethys, Stéphane Moreau, Marcourt faisait partie d’un cercle de cinq membres du PS qui ont tiré les ficelles à Liège pendant un certain temps. Cette sensation de « déjà-vu » revient maintenant dans le dossier du greffier du Parlement wallon, Frédéric Janssens.

Si Paul Magnette a d’abord réagi avec prudence aux nouvelles révélations, le président du PS a finalement pris ses distances. Outre la démission de Janssens et Marcourt, Magnette demande également la démission des membres du bureau élargi du Parlement, dont Sophie Pécriaux (PS) -qui a entre-temps démissionné-, Jacqueline Galant (MR), Sybille de Coster-Bauchau (MR) et Manu Disabato (Ecolo).

Responsabilités collectives Vs responsabilités spécifiques

Les responsabilités seraient donc collectives. « Puisque le contrôle du greffier n’a pas été effectué et que c’est ce qui a causé tous les débordements qu’on a connus, le bureau qui était censé exercer ce contrôle pourrait effectivement démissionner collectivement« , a estimé Magnette. Le greffier mis en cause « a abusé de la confiance donnée » en s’octroyant des avantages « tout à fait inacceptables ». « On a fait trop confiance à un homme qui donnait toute l’apparence de la rigueur », a-t-il déclaré à la RTBF.

Une démission conjointe du bureau limiterait une chute individuelle du président du Parlement Jean-Claude Marcourt, ainsi qu’un nouveau préjudice pour le PS. Le fait que Janssens porte un label MR a intensifié le discours de la responsabilité collective, en particulier chez plusieurs députés PS. « En tant que jeune Wallon qui veut restaurer l’image de notre région en Flandre, je suis embarrassé et démoralisé. C’est un échec collectif et un geste s’impose », a déclaré le secrétaire d’État PS, Thomas Dermine. Selon Frédéric Daerden, président de la fédération PS de Liège, Marcourt est « prêt à s’inscrire dans la logique d’une démission d’office ».

Les partenaires de la coalition, le MR et Ecolo, pensent qu’il s’agit d’une tentative un peu trop transparente de noyer le poisson. Manu Disabato s’est déjà défaussé de toute responsabilité. « À aucun moment je n’ai été confronté à des informations sur ces abus », s’est-il défendu. Le député Ecolo pointe par ailleurs une décision de 2018 qui donne au greffier une liberté très large pour conclure toutes sortes de contrats et d’engagements au nom du parlement. « Dès que les faits sont apparus dans les médias, j’ai demandé un examen complet des dépenses et un audit de la Cour des comptes. Je n’ai pas eu de réponse à cette question pendant un long moment. » Détail pétillant : Disabato a également admis que du champagne était servi lors de plusieurs réunions. « Mais j’ai immédiatement refusé cela lorsque je me suis engagé. » Le député a retourné la demande de démission collective de Magnette. Il ne démissionnera que si Marcourt reste.

Le MR a également dénoncé l' »écran de fumée » dressé par Magnette, selon le parti libéral. « D’abord ce n’était la faute de personne, ensuite tout le bureau doit démissionner », a dénoncé le ministre wallon du budget Adrien Dolimont. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, a demandé la démission de Marcourt, ainsi que le départ immédiat de Janssens « Il est actuellement suspendu avec son salaire sans travailler, ce n’est pas acceptable », a fustigé Bouchez sur RTL.

Georges-Louis Bouchez, dont le parti siège dans la majorité wallonne, n’a pas suivi le président du PS Paul Magnette dans son appel à une démission collective de l’ensemble du bureau, y voyant « un écran de fumée ». « Il faut arrêter avec les symboles. Il y a des responsabilités spécifiques », a-t-il déclaré, ajoutant qu' »aucun représentant du MR n’a participé à ces voyages » et que le parti avait refusé la construction à Namur d’un tunnel reliant le parlement wallon à la maison des parlementaires. « Celui qui voulait savoir pouvait savoir », a-t-il conclu. Dans un deuxième temps, le président du MR a ajouté être ouvert à remodeler le bureau, uniquement lorsque des mesures auront été prises.

Après ce remaniement, les partis majoritaires y siègeront d’ailleurs à nouveau. Ces chaises musicales ressemblent donc plus à un geste plutôt symbolique qu’autre chose. Ceux qui renoncent à leur siège perdront en effet une allocation d’environ 1 000 euros par mois.

Le président du Parlement wallon, Jean-Claude Marcourt (PS), s’est dit lundi disposé à démissionner de ses fonctions si l’ensemble du Bureau du parlement wallon fait également un pas de côté, a-t-il annoncé au Soir.

« Il est hors de question pour moi de démissionner seul »

Jean-Claude Marcourt (PS), s’est dit disposé à démissionner de ses fonctions si l’ensemble du Bureau du parlement wallon fait également un pas de côté, a-t-il annoncé au Soir.

« J’ai le sentiment de n’avoir commis aucune faute. Je considère que depuis mon arrivée à la présidence en septembre 2019, j’ai fait les choses comme elles devaient être faites. Il est hors de question pour moi de démissionner seul et de donner l’idée qu’une faute a été commise de ma part. Mais par contre, je m’inscris dans la demande d’une démission collective du Bureau. Afin de la rendre possible, je suis donc disponible pour démissionner spontanément », a-t-il indiqué.

L’annonce ne clarifie pas pleinement l’imbroglio politique, le Liégeois n’entendant se retirer que dans le cas d’une démission collective. Sur Twitter, le président du PS a rapidement salué la décision de M. Marcourt « de démissionner afin de rendre possible le renouvellement du Bureau du Parlement de Wallonie ».  « Cet acte était nécessaire pour rétablir la crédibilité de l’institution et restaurer la confiance entre les citoyens wallons et leurs élu(e)s », a ajouté le Carolo.

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