Pourquoi la voltige politique sur les F-16 belges à l’Ukraine divise : « C’est irresponsable » (analyse)

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

La Belgique devrait livrer des F-16 à l’Ukraine à partir de 2025, a annoncé le Premier ministre Alexander De Croo. Une décision qui met fin à plusieurs mois de tensions au sein de la Vivaldi, mais qui devra encore être confirmée par le prochain gouvernement. L’opposition dénonce un « effet d’annonce irresponsable ».

C’est un débat qui agite la majorité gouvernementale depuis de longs mois : la Belgique doit-elle, à l’instar de plusieurs de ses voisins, livrer des F-16 à l’Ukraine ? La question a finalement été tranchée ce mercredi. Ou du moins partiellement. Car de nombreuses inconnues subsistent.

La ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), a été la première à confirmer l’envoi à Kiev de plusieurs de ces avions de combat à partir de 2025. Sur les ondes de Bel RTL, la socialiste a précisé que la portée de cette livraison dépendrait de « la montée en puissance » de la capacité des F-35, ces appareils de cinquième génération dont la Belgique a commandé 34 exemplaires.

Des promesses, mais pas de garantie

L’annonce de la ministre de la Défense, qui s’était toujours montrée défavorable à une livraison « immédiate » de F-16 à l’Ukraine, a ensuite été réitérée par le Premier ministre Alexander De Croo en milieu de journée. « A partir de 2025, la Belgique sera à même de vous fournir directement des F-16 », a promis le libéral flamand à Volodymyr Zelensky, en visite surprise à Bruxelles. Et de préciser : « Mais cela dépendra du gouvernement en place à ce moment-là ». Bref, l’annonce n’en reste qu’au stade de promesse à l’heure actuelle.

Dans les rangs de l’opposition, les deux communications consécutives ont fait effet montagne russe. Le député fédéral Georges Dallemagne (Les Engagés), qui a initialement salué « un premier pas symbolique, politique et psychologique », a bien failli tomber de sa chaise en entendant la précision du Premier ministre. « Alexander De Croo a fait de la communication. C’est coutumier de la part d’un politique, mais c’est totalement irresponsable par rapport à un pays en guerre qui a besoin de décisions fermes, déplore le député. Le Premier ministre s’est fait une belle image sur le dos du conflit, il a fait des selfies avec Zelensky, mais sur le fond, ses promesses ne sont absolument pas concrètes. Sans parler du timing qui est totalement en décalage avec le conflit. »

« Alexander De Croo a fait de la communication. C’est coutumier de la part d’un politique, mais c’est totalement irresponsable par rapport à un pays en guerre qui a besoin de décisions fermes »

Pour Georges Dallemagne, qui dénonce cette « cacophonie », la livraison de F-16 doit s’opérer bien avant 2025. « Le temps joue contre nous dans cette guerre, alerte-t-il. La Russie va profiter de l’hiver pour développer une machine de guerre colossale, donc nous avons intérêt à être rapide. Il s’agit de sauver des vies, mais aussi d’assurer notre sécurité. »

F-16: une valeur symbolique?

Un avis partagé par le MR qui, par l’intermédiaire de son vice-Premier ministre David Clarinval et de la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib, avait réclamé mi-septembre à la Défense une étude plus approfondie sur l’utilisation des F-16 belges. « Bien que nous n’ayons toujours pas reçu les conclusions de cette analyse, nous nous réjouissons du revirement de la ministre Dedonder sur le dossier, réagit David Clarinval. Mais nous pensons que cette livraison peut déjà s’effectuer dès 2024. » Pour le vice-Premier ministre MR, le kern (le comité des ministres restreint) doit se saisir rapidement des modalités de mise en œuvre de cette livraison. « Nous devons décider concrètement quand l’envoi pourra être réalisé, en partenariat avec nos alliés. Nous faisons partie d’une coalition et nous devons donc agir de concert avec eux. »

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Longtemps, la ministre de la Défense s’est opposée à l’envoi immédiat de F-16 en Ukraine, arguant que la Belgique avait besoin de tous ses avions de combat pour protéger son territoire et assurer ses missions à l’étranger. « Evidemment, nous avons des obligations à remplir, concède Wally Struys, professeur d’économie de la Défense à l’Ecole Royale militaire. Mais offrir quelques F-16 à l’Ukraine – pas une dizaine, mais bien trois ou quatre – n’handicaperait pas fondamentalement nos capacités de défense. Cette livraison aurait une valeur symbolique forte pour les Ukrainiens, pour montrer que la Belgique est vraiment derrière eux. Surtout que nous faisons partie des pays qui ont le moins aidé militairement l’Ukraine jusqu’ici. »  

« Si on fournit des F-16 maintenant, l’Ukraine ne pourra rien en faire, rappelle toutefois le cabinet Dedonder. Elle ne dispose pas des infrastructures adéquates, ses pilotes ne sont pas formés et ses techniciens non plus. C’est pour cela qu’investir davantage dans la formation et la maintenance est bien plus stratégique. »  

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