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Messieurs les informateurs, cette semaine doit être décisive

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La prolongation du duo Bouchez-Coens suscite le scepticisme. Voici les options qui restent sur la table. Le chemin est long, dixit le président du MR, mais va-t-on enfin choisir? Ou se moque-t-on du monde?

Tout ça pour ça! Après une audience record de quatre heures, le roi Philippe a donc décidé de prolonger la mission des informateurs Georges-Louis Bouchez (MR) et Joachim Coens (CD&V) d’une semaine, jusqu’au 4 février. Mission : vérifier « certains éléments » avant de faire un rapport final – définitivement final cette fois. Sauf le respect dû aux institutions, on se dirait bien que l’on se moque du monde. A moins qu’il n’y ait du lourd dans cette formulation évasive, ce que l’on souhaite.

Trois options restent possibles pour sortir le pays de l’enlisement et éviter un retour aux urnes – qui, au rythme où cela va, n’est pas à exclure.

La première reste la possibilité d’un dialogue entre le PS et la N-VA pour former une coalition avec les principaux partis de chaque communauté. L’option resterait sur la table. On se demande, à vrai dire, dans quelle langue les socialistes doivent dire leur refus d’entrer dans cette logique en raison du caractère « imbuvable » des propositions nationalistes. Nicolas Martin, bourgmestre PS de Mons, a dénoncé ce matin sur Bel RTL le « piège tendu aux informateurs » par Bart De Wever et la « stratégie du pourrissement » menée par le leader nationaliste. Sans exclure tout à fait une telle alliance si de réelles avancées sociales sont obtenues – mais on le sait, le programme du PS est aux antipodes de celui de la suédoise et de la politique menée durant quatre ans par la suédoise.

De deux choses l’une. Soit les informateurs sont convaincus de la possibilité de forcer ces avancées sociales de la part de la N-VA et cela vaut la peine de tenter le coup une dernière fois. Soit un subtil compromis pourrait être couplé à une promesse de discuter sur l’efficacité de l’Etat (possibilité entrouverte par le ministre-président wallon PS Elio Di Rupo), en marge de la formation et de la législature, sans parler du mot tabou « confédéralisme ». Il y a, disait une source bien placée, beaucoup de théâtre dans les postures publiques des uns et des autres. Certainement. Mais en tout état de cause, à l’issue de cette semaine, les citoyens méritent que la clarté soit faite. Est-ce trop demander, huit mois après les élections ?

Les deuxième et troisièmes options peuvent encore être explorées, l’une et l’autre sans le principal parti d’une communauté. La famille sociale-chrétienne joue là un jeu majeur – et démesuré comme de coutume.

Première option : une coalition sans la N-VA. Ce sont les fameuses quatre saisons de la Vivaldi alliant socialistes, libéraux, écologistes et CD&V. Pour y arriver, il faut convaincre le CD&V de « lâcher la N-VA » – ce qui semble compliqué, sauf à contraindre le parti nationaliste à renoncer lui-même au pouvoir. Il est possible aussi d’allier tous les partis démocratiques francophones aux seuls Open VLD, SP.A et Groen, mais cela ferait une coalition très à gauche sans les trois premiers partis flamands et il faudra beaucoup pour convaincre les libéraux. Ce serait la kamikaze à l’envers ou la Coalition 77 proposée par François De Smet (DéFi).

Deuxième option : une coalition sans le PS. A priori très improbable, cette alliance (N-VA, CD&V, Open VLD, SP.A, MR, CDH) disposerait d’une majorité très étriquée et nécessiterait que deux partis fassent un choix audacieux : le SP.A devrait lâcher le grand frère PS et le CDH devrait justifier la raison absolue d’Etat pour s’allier à la N-VA. Mais plus le temps passe et plus les partisans de cette formule, plutôt à droite faut-il le dire et exaspérés par l’obstruction actuelle du PS, rêvent tout haut.

Précision utile : pour passer à l’étape ultérieure, il faudra s’employer à débrancher la prise de Georges-Louis Bouchez. L’informateur MRest visiblement passionné par sa mission, décidé à obtenir une percée coûte que coûte, il sera difficile de lui dire d’arrêter sans obtenir quelque chose. Qui plus est,l’homme vit depuis deux mois sa première heure de gloire et compte bien la prolonger.

Tout cela est impossible ou demande encore du temps – « le chemin est long ». Alors, une formule intermédiaire pourrait être celle d’un gouvernement intérimaire, le temps de décanter les choses et de régler ce qui doit l’être (budget, politique socio-économique, plan climatique), pour éviter des élections anticipées. Le fait qu’elle ait été proposée par Paul Magnette, président du PS, a compliqué cette perspective (les egos jouent beaucoup), mais ce pourrait être une issue temporaire : Guy Verhofstadt était bien revenu il y a une dizaine d’années pour jouer ce rôle de Premier ministre ad inérim et gagner du temps. On s’interroger d’ailleurs toujours sur la temporalité de l’audience accordée à la Première ministre en affaires courantes, Sophie Wilmès, mardi avant l’audience record des informateurs, même s’il est de coutume que le palais suive les activités du Seize.

Les élections anticipées sont encore loin, mais des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent néanmoins pour que cette clarté-là soit faite si l’impasse persiste. Quitte à mettre la Belgique en péril avec une majorité nationaliste N-VA – Belang en Flandre.

Last but not least, dans ce royaume d’absurdie, des voix s’élèvent comme celle de Bart Tommelein (Open VLD, candidat à la présidence du parti) ou Kristof Calvo (Groen) pour modifier les règles de la formation gouvernementale : retirer cela au palais, impliquer le parlement, fixer un deadline clair (on n’est pas contre) ou imaginer un gouvernement d’experts si la crise se prolonge.

Voilà une nouvelle semaine accordée du bout des lèvres par le palais au duo d’informateurs et il n’y a qu’une chose à dire, en somme : faites-en quelques chose !

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