Anne-Sophie Bailly

L’édito d’Anne-Sophie Bailly: « Dans le dossier Uber, il ne faut pas plier dans l’urgence sous la pression du plus fort »

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Quelle réponse donner à la mutation d’un modèle collaboratif vers une économie de plateforme proposant services efficients et emplois précaires?

Six mois après le port du voile dans les administrations et le débat autour de la neutralité au sein des services publics, c’est le Plan taxi qui secoue la majorité bruxelloise. Un projet en souffrance depuis sept ans. Sept années durant lesquelles le secteur des taxis n’a eu de cesse de brandir une ordonnance désuète mais incontournable pour l’exercice du transport de personnes dans la capitale et Uber de développer une activité qu’elle savait dénuée de sécurité juridique. In fine, la justice a tranché. Depuis, les Taxis verts – et tous les taxis bruxellois – savourent leur victoire, tandis que la multinationale américaine a désactivé son app, privant deux mille chauffeurs de revenus et des milliers d’usagers de leur moyen de transport favori. Le Plan taxi, lui, est toujours en rade. Et la majorité bruxelloise s’écharpe. Certains voudraient agir dans l’urgence, d’autres passer par la case Parlement. Derrière ces tiraillements politiques, ce sont évidemment les conditions de travail de l’économie collaborative qui sont questionnées. Et, surtout, la réponse à donner à la mutation d’un modèle collaboratif, qui mettait au centre le partage et l’usage de biens et services, vers une économie de plateforme dans laquelle de grands acteurs proposent services efficients et emplois précaires.

Le gouvernement bruxellois aurait, depuis longtemps, dû moderniser son Plan taxi et proposer à tous les joueurs les mêmes règles du jeu, dans leur version XXIe siècle. Pareillement, le cadre législatif belge doit lui aussi évoluer, faute de quoi, à chaque fois, la justice tranchera. Le cas de Deliveroo et du statut de ses coursiers est d’ailleurs actuellement en débat dans les prétoires. Comme Uber l’a fait, le géant de la livraison à domicile a déjà laissé entendre que si la décision de justice lui était défavorable, il pourrait suspendre l’accès à la plateforme. Et priver là également des centaines de coursiers d’un revenu aléatoire mais souvent nécessaire et de nombreux restaurateurs d’un service complémentaire.

On entend dans le sillage du dossier Uber qu’il ne faut pas plier dans l’urgence sous la pression du plus fort, du plus moderne. C’est vrai. Mais sept ans n’ont rien d’une urgence. Le procès Deliveroo pourrait durer des années. N’attendons pas son épilogue judiciaire pour offrir des règles du jeu claires, adaptées et sûres à cette nouvelle catégorie de travailleurs.

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