Isoler sa maison grâce au tiers-investisseur: "Le défi est pharaonique" © Getty Images/Westend61

Isoler sa maison grâce au tiers-investisseur: “Le défi est pharaonique”

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

D’ici 2050, le parc immobilier belge devra être neutre en CO2. Pas moins de 160.000 logements par an doivent être rénovés, pour un total de 90% du secteur résidentiel. Plusieurs partis proposent, pour financer cela, un système de tiers-investisseur. « Le défi est pharaonique », prévient Arnaud Vierendeel, cogérant et directeur commercial d’ISOLUTION.

Lors du Grand débat du Vif, les six présidents des partis francophones ont évoqué le fait d’isoler sa maison. «Gigantesque», «pharaonique», «titanesque»… Les adjectifs employés par Arnaud Vierendeel pour évoquer l’avancement de ce dossier en Belgique résument bien l’ampleur du défi. «Neuf maisons sur dix doivent être rénovées», avertit le cogérant et directeur commercial d’ISOLUTION, entreprise spécialisée dans la rénovation des logements en vue de réduire leur PEB (performance énergétique des bâtiments).

Le challenge devra être relevé d’ici 2050, suivant la deadline fixée par la Commission européenne pour que le Vieux continent soit neutre en carbone. «Autrement dit, reprend Arnaud Vierendeel, il reste 25 ans pour que l’entièreté du parc immobilier obtienne un PEB A. Pour y arriver, les pouvoirs publics tablent sur une rénovation de 3% des logements chaque année, mais pour le moment on reste bloqué à 1%.» Le secteur de la construction, avec 36% des émission de CO2, est le second secteur le plus polluant au sein de l’Union européenne, après l’industrie et devant les transports.

Aujourd’hui, très peu de bâtiments ont un PEB A, le parc résidentiel étant assez vétuste

Le cabinet du ministre wallon de l’Energie Philippe Henry (Ecolo)

Isoler sa maison: quelles aides?

Chaque Région possède son plan d’attaque pour l’isolation de la maison des citoyens: le PACE (Plan Air-Energie-Climat) pour la Wallonie, et le COBRACE (Code Bruxellois de l’air, du climat et de la maîtrise de l’énergie) pour Bruxelles-Capitale.

Le cabinet du ministre wallon de l’Energie Philippe Henry (Ecolo) confirme la complexité du challenge imposé par les instances européennes. «Aujourd’hui, très peu de bâtiments ont un PEB A, le parc résidentiel étant assez vétuste.» Les incitants à la rénovation, et donc à l’isolation, ne manquent pourtant pas: augmentation des primes, rénopacks, accompagnement via des plateformes locales de rénovation…

Les logements à bas PEB sont de vraies passoires énergétiques © Getty Images/Photononstop RF

À Bruxelles, le gouvernement veut s’occuper des passoires énergétiques (logements aux PEB F et G, soit les moins bien isolés) en priorité. Ces bâtiments à l’efficacité énergétique insuffisante, qui représentent 40% du parc immobilier, devront être conformes d’ici 2033. Une tâche ardue? Le cabinet du ministre bruxellois de l’Energie Alain Maron (Ecolo) reste confiant. «Si le défi parait intimidant, il suffit en réalité d’isoler le toit et/ou de remplacer le système de chauffage pour y arriver. Nous avons déjà triplé les primes accordées à la rénovation, ainsi que le nombre de logements rénovés.»

Selon Arnaud Vierendeel, qui isole et ventile des maisons depuis treize ans, les pouvoirs publics se montrent généreux quant aux aides financières accordées aux ménages en la matière. «La Région wallonne paie 90% de votre facture pour les travaux de rénovation énergétique, et octroie des emprunts à taux zéro jusqu’à 60.000 € sur 25 ans.»

Pourquoi isoler votre maison?

Arnaud Vierendeel isole des maisons depuis 13 ans.

Le cogérant explique ce qui manque pour passer à la vitesse supérieure au niveau de l’isolation des bâtiments. «Franchir le pas permet aux ménages d’alléger leur facture d’énergie, et un meilleur confort en hiver comme en été. Les autorités devraient insister là-dessus plutôt que sur l’argument écologique, qui percute moins auprès de certains».

Franchir le pas permet aux ménages d’alléger leur facture d’énergie, et un meilleur confort en hiver comme en été

Arnaud Vierendeel

Au-delà des discours rassurants des politiques, entreprendre les démarches de rénovation énergétique de sa maison s’assimilerait à un véritable parcours du combattant, à cheval entre la lourdeur de l’administratif et la multiplication des acteurs à contacter.

Tiers-investisseur: ce que proposent les partis francophones

Isoler sa maison, ça compte pour les citoyens. Les six partis qui composent le paysage politique francophone l’ont bien compris. Et sont plutôt d’accord sur la question. Le système du tiers-investisseur (ou tiers-payant), a par exemple la faveur des Engagés, de DéFi, d’Ecolo et du PTB. Les centristes emballent la mesure dans un plan à trois zéros : «zéro frais, zéro tracas, zéro émission». Les démocrates fédéralistes souhaitent financer les primes par «les bénéfices réalisés sur les investissements en champs solaires photovoltaïques». Les Verts souhaitent créer des quartiers «zéro passoire énergétique» dans le cadre d’une alliance emploi – environnement-isolation. Les communistes proposent qu’une banque publique avance l’argent des prêts aux ménages.

De son côté, le PS propose un plan « rue par rue », afin que les quartiers progressent ensemble vers plus d’efficacité énergétique. Enfin, le MR est favorable à des prêts à taux zéro, avec une priorité accordée aux logements à PEB inférieur à C. Mesure que les libéraux veulent compléter par le «réinvestissement dans les systèmes de chauffage décarbonés comme les pompes à chaleur».

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